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L’écureuil et le photographe

 

Ce fut une belle complicité.

 

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Un écureuil, se sachant fort charmant, se complut à enjôler un photographe animalier. Notre petit ami, du haut de sa demeure avait repéré les efforts de ce chasseur d'images, cherchant à se dissimuler aux yeux des hôtes de la forêt. L'homme, quoique vêtu de curieuse manière, se pensait à l'abri des regards. Il avait oublié que sa tenue était si excentrique qu'elle avait suscité bien des commentaires dans la futaie et que loin de passer inaperçu, elle attirait tous les regards.

Si pour la soldatesque, ce camouflage pouvait jouer son rôle, il en allait tout autrement pour les avisés représentants de la faune locale. Non seulement les couleurs de sa vêture ne collaient pas avec la végétation de l'endroit, mais qui plus est, cet humain en dépit de ses soins corporels, dénotait singulièrement avec les senteurs du sous-bois.

L'écureuil eut pu, à la manière de bien de ses compères, prendre un malin plaisir à esquiver le bonhomme qui se pensait invisible. Tout au contraire, il feignit de ne pas l'apercevoir en lui offrant le plaisir de le cadrer dans son viseur. C'est ainsi qu'il satisfaisait pleinement l'attente du guetteur tout en flattant son propre ego. Être ainsi sous le feu de l'objectif lui mettait la tête en ébullition.

Le petit rongeur, la chose peut aisément vous surprendre, n'était pas sans savoir qu'elles étaient les intentions du photographe. Il subodorait que les plus réussis de ses clichés, allaient faire le tour du Monde pour le plus grand bonheur des internautes. Il y avait belle occasion pour le plaisant rouquin d'exposer sa frimousse et de s'assurer une notoriété mondiale tout en faisant la nique aux écureuils gris et à ses cousins du Québec.

Pour se faire, le représentant des voltigeurs arboricoles se mit en demeure de s'astreindre à un entraînement intense afin de réussir des prodiges d'agilité et de virtuosité quand il entendait proposer des figures acrobatiques ou simplement esthétiques qui allaient mettre en valeur sa magnifique robe, sa queue en panache tout autant que l'habilité supposée d'un photographe qui aurait su saisir un instant unique.

L'animal ne se trompait pas. Sa chorégraphie avait permis des clichés exceptionnels qui avaient connu un immense succès, largement mérité du reste. Il en avait la preuve quand tous les habitants de sa chère Sologne le regardaient avec envie, murmuraient à son passage. Certains même n’hésitaient pas à lui réclamer des autographes. La notoriété avait du bon pensait notre écureuil.

Il se trompait lourdement même si nous ne pouvons lui en faire grief. C'est bien en la circonstance la vénalité des humains qui provoqua un grand bouleversement dans son domaine tout en faisant son malheur et celui de ses compagnons d'infortune. Le succès et la célébrité attirent bien des convoitises. Parmi la cohorte innombrable des prétendus virtuoses de l'obturateur, il vit défiler dans sa forêt le banc et l'arrière banc des photographes d'opérette.

Loin du patient affût de son ami, il vit débouler des êtres sans scrupules prêts à tout pour eux aussi, le coucher sur l'écran dans des poses qui allaient leur assurer une belle réputation. Hélas, ces individus jonchaient la nature des reliefs de leur passage : papier gras, cigarettes et autres offrandes qu'ils laissaient sur place sans pour autant respecter le moins du monde l'habituelle quiétude des lieux. Pire encore, ils allaient et venaient, jouant de l'appareil photographique comme d'une caméra pour scène à grand spectacle, se contorsionnant ou faisant étalage des postures les plus scabreuses qui soient.

Leur nombre et surtout leurs agissements, causèrent grand désagrément à toute la faune locale, les plus cossards n'hésitant nullement à s'épargner une longue approche en empruntant des engins motorisés pour venir sur place sans effort. Pire encore, ce fut l'irruption de drones pour venir au plus prêt de lui qui provoquèrent l’ire des oiseaux du secteur. Décidément, son succès provoquait un raz de marée auquel il n'avait nullement songé.

L'écureuil roux se résolut à respecter l'adage que nombre de ses ancêtres avaient jusque là suivi à la lettre en dépit de circonstances qui alors, ne justifiaient pas une telle prudence. En saluant une dernière fois son ami photographe, il lui fit ses adieux en lui déclarant qu'à l'avenir, pour vivre heureux, il vivra caché.

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9 réactions à cet article    


  • Fergus Fergus 10 mai 09:25

    Bonjour, C’est Nabum

    « Vivre caché », c’est dommage pour un écureuil.

    D’une part, parce que cela le prive des acrobaties qu’il prend manifestement tant de plaisir à effecteur dans les arbres.

    D’autre part, parce que cela nous prive du spectacle de ses évolutions et des face à face nés de sa curiosité naturelle à notre égard.

    Je passe beaucoup de temps en balade, y compris dans des espaces forestiers, et j’ai souvent pu observer des écureuils. Mais rarement autant, et d’aussi près, que dans les parcs londoniens.

    A tel point que l’on pourrait croire que certains sont rémunérés en noisettes sonnantes et trébuchantes par l’Office du Tourisme de Londres. smiley


    • C'est Nabum C’est Nabum 10 mai 18:42

      @Fergus

      Il doit surtout se cacher des banques


    • Jean-Paul Foscarvel Jean-Paul Foscarvel 10 mai 16:25

      Sans appareil photo, sans camera, nous vîmes à Valladolid, dans le parc proche de de la gare, un écureuil sautillant qui vint vers nous, pour faire un petit coucou.

      J’ai tendu la main vers lui, il approcha délicatement son museau, comme le ferait un chat, puis s’en alla se faufilant sur les petites barrières en bois du parc.

      Rencontre inattendue et poétique.


      • C'est Nabum C’est Nabum 10 mai 18:43

        @Jean-Paul Foscarvel

        Un joli moment


      • Fergus Fergus 10 mai 20:30

        Bonsoir, Jean-Paul Foscarvel

        J’ai connu un tel moment près de Calvi avec un renard qui a accepté un morceau de jambon. Mon fils avait 10 ans et était fasciné par cette visite. Ce sont les aboiements d’un chien qui l’ont fait fuir. Dommage !


      • sylviadandrieux 11 mai 16:13

        Un écureuil curieusement cabot ! il lui manquait juste un peu cette lucidité, qui fait qu’il ne faut jamais dévoiler aux « traîne-couillons » que sont les touristes les bonnes places. 

        Pour vivre heureux, vivons cachés

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