valeur (2)
La valeur d'échange organise le jeu de la production. Ce mode d'organisation de la production amène à la catastrophe de manière cyclique.
Pour produire, il faut dépenser de l'argent. La dépense se divise entre la masse salariale (directe ou socialisée, les salaires directs et les diverses cotisations-impôts), les achats de matières premières et les investisements dans l'appareil productif. A chaque cycle de production, nous avons
dépenses - production - vente
La vente rembourse le capital dépensé plus un bénéfice. A chaque cycle, une petite partie du capital est injectée dans l'appareil de production qui concentre de plus en plus de capital. Un patron qui aurait une autre stratégie, qui n'investirait rien dans l'appareil productif, serait condamné à disparaître à moyen terme sous la pression d'une concurrence mieux équipée.
En effet, imaginez les métiers à tisser en concurrence avec les usines textiles modernes, le prix de revient de leur production serait beaucoup plus élevé - même avec des ouvriers mal payé : il faudrait des heures et des heures de travail pour un simple pantalon quand le prix salarial d'un pantalon moderne peine à atteindre un dollar.
Ceux qui n'investissent pas disparaissent donc - avec éventuellement un beau magot mais là n'est pas le problème.
Les autres ont un outil productif qui vaut de plus en plus, qui concentre de plus en plus de valeur accumulée. De ce fait - et même avec des salaires faméliques - le taux de profit a tendance à baisser inéluctablement dans le capitalisme. Pour diminuer la baisse, la solution du patron - aussi pavé de bonnes intention fût-il - consiste à baisser les salaires directs ou indirects.
C'est ce qu'il se passe en Europe depuis les années soixante-dix. Le taux de profit qui baissait à ce moment-là a repris du poil de la bête.
La compression des salaires (directs ou socialisés, des salaires ouvriers aussi bien que du financement de la sécurité sociale) déprime la demande. Les producteurs ne trouvent plus d'acheteur. C'est une crise de surproduction.
C'est là que nous sommes au niveau mondial - ou, c'est là que nous arrivons. Le patronat prône la contraction de la part salarial de l'économie, ce qui, au niveau de l'entreprise peut paraître économique, est une aberration au niveau macro-économique.
L'Allemagne a comprimé ses salaires depuis Schröder : cette politique a fonctionné parce que les autres Etats ne suivaient pas ce mouvement, les Belges, les Français, les Chinois, les Ouzbèques continuaient à consommer allemand alors même que les ouvriers allemands ne parvenaient plus à consommer. Maintenant, toute l'Europe - et demain, l'Amérique latine ou la Chine, et, depuis 1980, les Etats-Unis - suit le mouvement.
L'économie capitaliste repose sur la rareté : tout se paie. Mais elle surproduit, elle manque de consommateur, elle cherche des moyens pour vendre (le secteur de la publicité ne me démentira pas).
Une crise de surproduction aboutit à un réinvestissement dans les salaires - notamment des salaires sociaux, chômage, invalidité et retraite et un retour de l'Etat comme acteur économique et comme régulateur.
Néanmoins, cette solution (bismarkienne ou keynésienne) ne fait que déplacer le problème : vingt ans plus tard, la contradiction du capitalisme (le taux de profit diminue) ressurgit amenant les "néo-cons" à prôner des solutions déjà recommandées il y a plus de deux cents ans.
Cycles, donc développés aussi bien par Luxemburg que Polanyi.
L'effet de ses cycles est
- de considérer l'humain comme variable d'ajustement (ils provoquent des morts lors de la destruction de valeur des crises de surproduction)
- d'ouvrir le champ politique au meilleur comme au pire.
Ces cycles sont indisociables du profit. Ils créent artificiellement de la rareté, ils créent artificiellement de la surpopulation, ils poussent à détruire cycliquement de la valeur (que l'on songe aux guerres ou à la destruction de logement aux Etats-Unis suite à la crise des subprimes).
Lors des guerres et de la surpopulation cyclique artificielle, on trouve des boucs émissaires (hier les juifs et demain, j'en ai peur, les musulmans, avant-hier, les Allemands pour les Français, les Français pour les Allemands, etc.). Le massacre de boucs émissaires ne change strictement rien à l'affaire comme je l'ai expliqué ci-dessus.
Pour sortir des cycles, il faut a minima
- modifier le fonctionnement de la concurrence et de l'investissement (pour éviter que l'investissement pose problème, il faut que la masse de travail diminue, pour que cela ne soit pas un problème, il faut que le travail et le salaire - direct ou socialisé - soit partagé)
- modifier la clé de répartition entre les salaires et les bénéfices pour qu'elle soit anti-cyclique et non pro-cyclique.
De manière plus ambitieuse, il faut noter que la liberté que porte le capitalisme est contredite par les contraintes qu'exercent aussi bien l'aiguillon de la nécessité que la mécanique cyclique devrait être dépassée. La liberté doit investir également le champ économique - ce qui est le défit du XIXe siècle à mon humble avis. Aujourd'hui, le patron est soumis à des contraintes de productivité, le travailleur, la travailleuse est contraint de vendre sa force de travail, au sein du monde professionnel, il est soumis à des rythmes, à une soumission qu'il n'assume pas (peut-être qu'il s'y complaît mais c'est une autre question) ; il y a là un champ à explorer aussi bien à droite que à gauche. La gratuité est une piste, le salaire à vie de Bernard Friot est une piste, l'anarchie cénobite est une piste, l'entraide est une piste. Ce qui est sûr, c'est que les ressources humaines sont colossales au regard de la rareté économique organisée par le capital.
Inutile de préciser que toutes les recommandations, de Gallois et consorts, sont pro-cycliques au niveau macro-économique, inutile de préciser que la libre concurrence n'est pas la solution mais le problème, inutile enfin de préciser que la déflation salariale (j'inclus les cotisations sociales et les impôts dans le tas) est pro-cyclique, vous l'aurez compris sans moi.
Bonne journée et merci à mes courageux lecteurs
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