Aux origines de la crise financière !
Les raisons de la crise financière exceptionnelle que le monde traverse sont multiples. Dans un de leurs numéros favoris, les politiques tentent de nous raconter de belles histoires qui ont l’avantage de nous simplifier le monde.
Les réunions du G4 et de l’EuroGroup n’empêcheront pas les bourses de continuer de dévisser.
Alors qu’elle explose à la face du monde aujourd’hui, la crise financière date en fait de 2005-2006 et de l’inversion du prix de l’immobilier américain. La politique de maintien de taux d’intérêts artificiellement bas de la part de la Fed américaine a singulièrement contribué à renforcer la création de la bulle.
Formation, informatique et complexité
Présenté comme le nouvel eldorado, la finance a su drainer des jeunes extrêmement doués dans le domaine des mathématiques et soucieux de s’enrichir vite et bien. Alors que l’informatique a amené la mise en place d’automates de trading sur les marchés “liquides”, ces as de la finance, à l’imagination fertile, ont créé des produits d’une complexité rare au point où une fois le produit créé, personne n’était capable véritablement de le comprendre. La première vraie et bonne question à se poser est de savoir comment des banques ont pu vendre des produits dont elles ne comprenaient rien. La deuxième interrogation porte sur l’acheteur final : comment a-t-il pu être aussi crédule… pour ne pas dire plus ? Et dire que Xavier Darcos s’apprête à supprimer l’enseignement de l’histoire-géographie et les mathématiques du tronc commun de la première ! L’objectif du politique n’est-il pas d’avoir des veaux ?
Actifs toxiques : des rendements à deux chiffres
Face à la croissance des prix de l’immobilier, les financiers à l’imagination fertile ont titrisé les crédits hypothécaires en les transformant en actions au travers de sociétés tierces. Adossés à la valeur de l’immobilier - et aussi à la solvabilité des acheteurs - , les titres de ces sociétés ont présenté des rendements qui pouvaient aller jusqu’à 35 %, leur valeur étant adossée aux anticipations irrationnelles rationnelles quant à la valeur de l’immobilier américain. Avec l’inversion du marché de l’immobilier, ces titres, disséminés dans le portefeuille des banques et des compagnies d’assurance (la France n’est pas épargnée), viennent grever les résultats financiers de ces professionnels du boursicotage, les zinzins.
Une faillite renforcée par les credit default swaps et les crédits interbancaires
Les swaps sont des mécanismes utiles en ce sens où ils protègent la banque du risque d’insolvabilité de l’emprunteur. La banque demande d’assurer ses crédits risqués auprès d’un autre organisme financier moyennant une prime de risque à s’acquitter jusqu’à la fin du remboursement du crédit. En cas de défaillance de l’emprunteur, c’est à l’assureur qu’échoie la charge de la rupture du paiement. L’inscription des swaps se fait aujourd’hui hors bilan. Il n’y a aucun moyen de connaître les engagements de l’assureur et du montant des risques qu’il supporte. En temps normal, l’assureur reçoit des primes sans fournir le moindre service. C’est du tout cuit jusqu’au jour où il faut couvrir le risque !
En dehors du refinancement qu’assurent les banques centrales auprès des organismes financiers, les banques en surplus de liquidités prêtent à leurs consœurs sur le marché interbancaire. En cas de défaillances en cascades, toutes les banques sont touchées, les plus liquides n’ayant plus la possibilité de récupérer leurs créances sur celles qui ont failli.
Crédit revolving et économie réelle
Dans un premier temps, croyant à un orage passager, les banques américaines, encouragées par la Fed et un taux d’escompte artificiellement bas, ont favorisé le crédit revolving. Avaient-elles le choix ? Déjà surendettés, les ménages américains, sous l’impact de la hausse de l’énergie et des matières premières, n’auront pas tenu longtemps.
Des irresponsables et des coupables
Les hasards de la vie professionnelle m’ont amené à travailler dans une banque qui est, en plein cœur de la tourmente. Lors de nos discussions, j’ai pu mesurer toute l’ampleur du problème lorsque certains salariés m’ont dit qu’il n’y avait plus aucune différence entre les produits d’épargne et la gestion des comptes de dépôts quant à leur usage. Autrement dit, la nature de la ressource est aujourd’hui complètement déconnectée de la nature de son emploi dans les banques françaises. Les connaisseurs du “vieux” monde bancaire et de ses règles apprécieront.
Qui est le responsable de cette débâcle ? Autrement dit, nous est-il possible de reprocher aux financiers de chercher à s’enrichir en jouant au casino ? A chaque annonce du politique, les bourses du monde entier continuent de dévisser. C’est vrai qu’il y a de quoi rire - ou de quoi pleurer - à l’annonce d’une nationalisation ou de la garantie par un Etat des flux des marchés interbancaires lorsque l’échelle est devenue internationale. Que dire encore de cette Europe dotée d’une banque centrale impuissante à agir en dehors de l’injection de liquidités qui, comme aux Etats-Unis, vont alimenter une nouvelle bulle et un nouveau krach si les règles ne changent pas ?
La perméabilité idéologique des élites politiques françaises et mondiales de droite et de gauche à la dérégulation des marchés financiers est, de mon point de vue, la seule responsable de la crise. Toujours à la remorque de ce monde qu’ils ne comprennent même plus, certains continuent de nous raconter le vieux conte d’Adam Smith selon lequel le marché tend spontanément à l’équilibre sous l’action d’une main invisible et bienveillante. Le pire est que cette histoire est aujourd’hui relayée par la gauche de gouvernement.
Complètement perdus, les mondes politique et médiatique nous déversent un océan de sornettes. “Il faut éviter 1929 par la mise en place d’un nouveau Bretton Woods.” Pour rappel, la crise de 1929 était une crise de surproduction d’un système international régulé par des Etats-nations omnipotents. Elle est née de l’assèchement en liquidités. La crise qui nous concerne, c’est tout l’inverse. C’est l’excès de liquidités qui, sans emploi, a contribué à constituer des bulles spéculatives : internet en 2000-2003 et l’immobilier depuis 2006. Quant à Bretton Woods, il s’agissait de la mise en place du dollar - seule monnaie du monde étalonnée en or - en tant que référence au système des changes. En quoi le retour à un système étalon d’ordre monétaire serait-il en capacité de résoudre une crise financière ?
Et les dindons ?
La force de cette belle histoire, très largement relayée par des médias aux bottes des pouvoirs économiques et politiques, a amené certains à croire au miracle de la capitalisation et de l’intéressement adossés sur la valeur des actions cotées en bourse. J’espère qu’ils comprendront qu’ils n’ont été que les dindons de la farce.
Que faire ?
Cette semaine, nous avons eu droit au numéro des régulateurs du vide. “Il faut réguler”, nous disent-ils. Oui, mais comment ?
En premier lieu, il convient de segmenter les marchés financiers et l’activité bancaire ainsi que la conception de produits qui empruntent au monétaire (change), au bancaire (crédits), à l’obligataire et aux actions. Il faut des limites à l’expression de l’imagination délirante. Les règles de gestion d’une banque d’affaires dont le métier s’appuie sur le prêt aux entreprises n’a rien à voir avec l’activité de banques de dépôts dont l’objet est de prêter, pour l’essentiel, aux particuliers. Il faut aussi imposer des règles plus strictes et différenciées sur l’emploi des ressources bancaires afin de favoriser l’économie réelle, veiller au respect strict des ratios des encours de crédits par rapport aux encours de dépôts selon la nature de la ressource. Enfin, il convient d’assurer davantage de transparence et de publicité autour des engagements hors bilan. En fusionnant les banques selon l’idée que Big is beautiful, nous fournissons des raisons endogènes à l’émergence d’une nouvelle bulle et d’un nouveau krach. La qualité de décision du financement bancaire passe par la proximité avec le monde réel. En France et ailleurs, nous n’en prenons pas le chemin.
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