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Accueil du site > Actualités > Economie > Vers une nouvelle crise de la zone euro ?

Vers une nouvelle crise de la zone euro ?

Il est étonnant que le sujet ne soit pas davantage évoqué alors que la précédente date d’à peine une dizaine d’années. Pourtant, les similitudes sont frappantes : au sortir d’une crise économique mondiale où les Etats ont pu dépenser presque sans compter, une forte remontée des taux change profondément les équilibres financiers et pousse à une austérité trop uniforme, alors les situations économiques divergent, soulignant de nouveau toutes les failles de la zone euro. Allons-nous vers une nouvelle crise ?

Divergence et austérité au carré

 Dans l’absolu, la BCE fait une erreur qui tient autant à son mandat déséquilibré (ne se souciant que d’inflation, et pas d’emploi) qu’aux rapports de force et à l’uniformité intellectuelle oligarchiste des banquiers centraux. Comme souvent dans le passé, la remontée des taux est trop rapide et trop forte. La BCE n’a rien appris de ses hausses de taux précipitées. Bien sûr, son action va contribuer à infléchir un peu plus la trajectoire de l’inflation, mais la moindre croissance qu’elle provoque est aussi en bonne partie compensée par les restrictions de production des pays de l’OPEP et les hausses de prix des multinationales destinées à compenser une croissance volume trop limitée… Bref, même sur l’inflation, l’action de la BCE n’est pas si efficace et cela se paiera cher en croissance et emplois.

 Pire, cette envolée des taux provoque une grave crise du marché immobilier et met une pression considérable sur les finances publiques des États de la zone euro, dont les taux d’emprunt se sont envolés depuis 18 mois. En quatre ans, la facture des intérêts de la dette publique en France ont plus que doublé  : autant d’argent qui n’est pas disponible pour payer décemment de nombreux fonctionnaires qui devront se contenter d’une hausse de leur traitement de seulement 1,5% en 2024, que les macronistes veulent camoufler par d’illusoires primes exceptionnelles. Et nous pourrions bien n’être qu’au début de l’austérité tant la trajectoire financière de la France devient délicate dans le contexte de l’UE, de l’euro, de cette hausse des taux et d’un retournement du marché immobilier dont les conséquences restent à venir.

 Pour couronner le tout, comme souvent dans cet espace bien trop hétérogène qu’est la zone euro, les taux actuels parviennent à la fois à être trop élevés pour certains pays, et pas assez ailleurs… Il y a aujourd’hui des pays qui n’ont pas besoin de taux aussi élevés : l’Espagne et la Belgique, dont l’inflation dépasse un peu 2%, n’avaient aucunement besoin d’une augmentation des taux d’intérêt. A contrario, des pays comme l’Autriche (toujours au-delà de 7%), ou l’Allemagne (à plus de 6%) pouvaient légitimement vouloir des taux plus élevés pour lutter contre un niveau d’inflation au plus haut depuis des décennies, d’autant plus que leur histoire les pousse à refuser toute complaisance à l’égard de la hausse des prix. Encore une fois, la monnaie unique impose une politique monétaire unique très malavisée.

 En effet, le resserrement de la politique monétaire n’a strictement aucun sens pour des pays comme l’Espagne et la Belgique, qui auraient probablement arrêté toute hausse des taux dès le printemps. Mais le niveau actuel est très dangereux pour ces pays : il a un effet récessif beaucoup plus puissant qu’en Allemagne car il met le prix de l’argent bien au-delà de l’inflation, ce qui peut provoquer un krach immobilier et est d’autant plus douloureux pour les finances publiques qui voient le coût de leur dette s’envoler. A contrario, le niveau des taux est trop faible pour ralentir la hausse des prix en Allemagne. Bref, loin de corriger les déséquilibres actuels, la politique monétaire de la BCE les aggrave, démontrant à nouveau que la zone euro n’a rien à voir avec une Zone Monétaire Optimale, et ne devrait pas exister.

 Des taux courts à 4% ne vont pas ralentir l’activité d’un pays comme l’Allemagne, où l’inflation dépasse encore 6% et ne pèseront trop lourd sur le budget. En revanche, cette montée des taux pourrait faire beaucoup de mal à d’autres pays qui n’ont nullement besoin de taux si élevés. C’est la malédiction de la monnaie unique, qui, loin de nous aider, fait du mal à la plupart des peuples européens. Il faut espérer que si une nouvelle crise se produit, nous pourrons enfin débattre de la sortie de l’euro, et de l’UE.


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15 réactions à cet article    


  • Brutus Grincheux 7 octobre 2023 12:21

    Il ne fallait pas accepter le Mark comme monnaie-étalon, ni la privatisation de facto de l’émission monétaire à travars le contrôle de la BCE par les banques !


    • Tolzan Tolzan 7 octobre 2023 17:04

      @Grincheux

      Trop tard ! Nous sommes sur la pente verglacée... on ne peut plus rien arrêter !
      Macron nous a placés dans le camp des perdants de la IIIe guerre mondiale qui a commencé entre les BRICS et le capitalisme bancaire anglosaxon.
      Bruno quant à lui nous avait annoncé que nous allions mettre l’economie russe à genoux mais j’ai bien peur que ce soit le contraire qui se produire !


    • Eric F Eric F 9 octobre 2023 17:09

      @Grincheux
      Le mécanisme de création de monnaie par le crédit est répandu largement même hors de l’euro. C’est un dispositif paradoxal, puisque la somme ainsi créée est ’’effacée’’ lors du lorsque le prêt a été remboursé, il y a donc réellement augmentation de masse seulement quand l’en cours de crédit augmente.
      Cela ne correspond pas à la réalité, puisque le PIB augmente sans cesse -même artificiellement, c’est de la valeur en plus, du salaire en plus, etc.-, et que la valeur de capitalisation boursière ou foncière augmente. Evidemment une grande partie de la richesse est ’’potentielle’’ tant qu’elle n’est pas réalisée, mais globalement il circule davantage d’euros que la masse théorique.


    • Florian LeBaroudeur Florian LeBaroudeur 7 octobre 2023 12:49

      Vous avez raison d’insister sur les déséquilibres de la Zone Euro et sur le fait qu’il est aburbe d’imposer les mêmes mesures à des pays aux structures économiques, sociales et anthropologiques divergentes que la monnaie unique a d’ailleurs contribuer à amplifier.

      Mais le problème est beaucoup plus profond.

      Vous soulignez à juste titre la dépendance des pays européens aux matières premières.

      Les européens lambda croient encore en grande majorité que leur prospérité repose entièrement sur le labeur de leurs grands parents et leurs arrières grands parents et que la dégradation de leur condition de vie est uniquement la faute de leurs gouvernements successifs et de l’égoisme des nouvelles générations.

      Ce qui est vrai au premier plan, mais en arrière plan il y a surtout le fait que l’Europe a autrefois conquis le monde et qu’elle a pu bénéficié jusqu’a aujourd’hui des importations de matières premières dont elle avait besoin pour batir sa société industrielle.

      Tout a commencé à changer il y a un demi siècle avec les pics pétroliers, l’émergence du reste du monde et le rétrécissement du rapport de force démographique. 

      L’intelligence aurait été d’accepter de prendre acte de ses évolutions irréversibles et de cultiver les points forts résiduels pour continuer à exister dans un monde ou nous ne serions plus les chefs d’orchestres incontestés.

      Las, le choix a été fait de maintenir les apparences de la puissance à coup d’intégration bancal, d’endettement, d’injonction à la consommation et de mépris du réel.

      La situation est devenu tellement déroutante et desespéré que de simples décisions de bon sens ne suffiront malheuresement pas à endiguer, il est trop tard.

      Les gens lucides savent qu’il va falloir de toute façon souffrir car c’est le prix à payer pour ne pas avoir su réagir sans trop de dommages quand c’était encore possible.

      Je crois que le manque de réaction face aux absurdités multiples et au déchirement du voile bien visible de ces dernières années est davantage dû à la paralysie et à l’angoisse face aux perspectives insécurisantes que suppose un saut vers l’inconnu plûtôt qu’une inconscience assumé dont les concernés n’ont toute façon jamais eu la moindre intention de la corriger.

      C’est ce qui explique la résignation et la résolue domestication des uns malgré leur monde qui s’effrite autour d’eux et l’ancrage mental jusqu’au boutisme des autres malgré les méfaits de plus en plus évidents de leur entêtement.


      • Eric F Eric F 9 octobre 2023 17:13

        @Florian LeBaroudeur
        il se peut que l’une des ’’vraies’’ justification des énergies dites renouvelables est de sortir de la dépendance par rapport aux pays fournisseurs d’hydrocarbures. Las, cela nécessite des métaux rares également importés. Idem l’uranium (quoique le sur-régénérateur en amplifiait l’usage).


      • zygzornifle zygzornifle 7 octobre 2023 12:55

        Cela fait des années qu’on en parle, c’est comme le Freexit, la fin de l’Euro, de la cinquième république ou la destitution de Macron .... 

        C’est comme pisser sur le soleil en espérant l’éteindre ...


        • Seth 8 octobre 2023 18:34

          @zygzornifle

          Ou pisser dans un violon pour bâtir une cathédrale.

          Beaucoup de lamentations...

          Pour la 6ème, tous les penseurs autorisés attendent qu’elle sorte des urnes. Que voulez vous dire après cela ? smiley


        • Pauline pas Bismutée 9 octobre 2023 15:38

          @Seth
          Bonjour,

          C’est bien embêtant tout ça, nous voilà maintenant obligés de garder nos commentaires puisqu’ils continuent de disparaître…

          Je vous avais donc répondu, sous l’article de Chapoutier, à 8h43 :

          « Mélusine joue admirablement bien le rôle qu’elle s’est donné, avec l‘aide volontaire de quelques bouffons, et l’aide involontaire de quelques naïfs. »

           smiley

          Pardon à l’auteur, mais ce site devient pire que l’administration macronienne, c’est dire !


        • Eric F Eric F 9 octobre 2023 17:15

          @zygzornifle
          A force d’en parler, cela arrivera peut être un jour, au prochain siècle ou au prochain millénaire.


        • tashrin 9 octobre 2023 17:03

          Warren Buffet vient de liquider une bonne partie de ses positions, ce qu’il a fait à chaque fois qu’il prevoyait une crise d’ampleur, afin de disposer de liquidités pour tout rafler au moment opportun

          Et en général, Buffet il se trompe rarement

          De toutes facons, ce serait plutot les raisons pour qu’il n’y ait pas de crise majeure qu’il faudrait chercher, tous les voyants sont au rouge de partout et le mur de la dette se rapproche plus que dangereusement

          Raaa c’est rageant quand même. Si seulement on avait pas été obligés de sortir 600 milliards en quelques mois pour une maladie imagin... oh wait...


          • Eric F Eric F 9 octobre 2023 17:20

            @tashrin
            Macron avait mégoté quelques millions d’euros en baissant les APL de 5 euros à son arrivée pour réduire le déficit (que FH avait du reste laissé le plus bas de la décennie), mais a ensuite plus emprunté que ses trois prédécesseurs réunis


          • tashrin 11 octobre 2023 14:35

            @Eric F
            suis d’accord, c’est nimp’
            Et le pire, c’est que c’était pour absolument rien alors que le pays manque de tout


          • Xenozoid Xenozoid 9 octobre 2023 17:19

            Giorgio Agamben : Ces jours-ci, les mots « crise » et « économie » ne sont pas utilisés comme des concepts, mais plutôt comme des mots de commande qui facilitent l’imposition et l’acceptation de mesures et restrictions que les gens n’accepteraient pas autrement. Aujourd’hui, la « crise » signifie « vous devez obéir ! » Je pense qu’il est très évident pour tous que la soi-disant « crise » est continue depuis des décennies et qu’elle n’est en fait rien d’autre que le fonctionnement normal du capitalisme à notre époque. Et il n’y a rien de rationnel sur la fonctionnement du capitalisme à l’heure actuelle.

            Pour comprendre ce qui se passe, nous devons interpréter l’idée de Walter Benjamin que le capitalisme est véritablement devenu une religion, la religion la plus féroce, implacable et irrationnelle qui ait jamais existé, car il ne reconnaît ni les trêves ni rachat. Un culte permanent est célébrée en son nom, un culte dont la liturgie est la main-d’œuvre et son objet, l’argent. Dieu n’est pas mort, il a été transformé en argent. La Banque avec ses drones sans visage et ses experts a pris la place de l’église et de ses prêtres, et par sa commande sur le crédit ( comme les prêts à l’Etat, qui a si allègrement abdiqué sa souveraineté ), manipule et gère la foi - la rare et incertaine foi qui reste encore de notre temps. D’ailleurs, l’affirmation selon laquelle le capitalisme d’aujourd’hui est une religion est plus efficacement démontrée par le titre qui est apparu sur la première page d’un grand journal national, il y a quelques jours : « sauver l’euro Quel que soit le coût » . Voyez vous, le « salut » est un concept religieux, mais qu’est-ce que « quel que soit le coût » signifie ? Même jusqu’à sacrifier des vies humaines ? Car seulement dans une perspective religieuse ( ou, plus exactement, une perspective pseudo-religieuse ) pourrait-on faire de telles déclarations manifestement absurdes et inhumaines .


            • Doume65 9 octobre 2023 17:45

              « Bien sûr, son action va contribuer à infléchir un peu plus la trajectoire de l’inflation »

              Même pas. Cela n’est vrai que lorsque l’inflation vient d’une demande supérieure à l’offre. Mais nous n sommes loin. Cette remontée des taux dans le cas actuel empire l’inflation... et tout le reste.


              • Eric F Eric F 9 octobre 2023 19:37

                @Doume65
                En fait c’est la demande mondiale qui est supérieure à l’offre, du fait du redémarrage de l’économie asiatique et de l’augmentation de population globale. Et certaines denrées sont en pénurie, ou les producteurs baissent leur production.

                Donc les prix mondiaux des matières premières créent un premier niveau d’inflation,
                et les fabricants compensent la stagnation des ventes par une augmentation de leur marge ce qui constitue le second niveau d’inflation.
                La demande dans la zone euro stagne, ce n’est donc pas la demande intérieure qui tire les prix, donc la hausse des taux de l’euro sont non seulement inefficaces contre l’inflation, mais encore néfastes pour l’économie de l’UE, par exemple trou d’air dans le bâtiment. 

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