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Accueil du site > Actualités > Citoyenneté > Petite enfance : en finir avec la pénurie !

Petite enfance : en finir avec la pénurie !

Quand nombre de collectivités françaises en sont réduites à la gestion de la pénurie des personnels en crèches, la Suède a mis en place avec succès l’équivalent d’un service public garantissant à tous l’accueil de qualité des tout-petits.

Et ce, dès la fin d’un congé parental d’une année accessible pour le père ou la mère, et de façon quasi gratuite, jusqu’à la scolarité. Les résultats sont spectaculaires tant du point de vue de l’épanouissement des enfants concernés, de l’amélioration de la condition des femmes que de la garantie des retraites !

Quels ont été les effets à ricochets de cette politique ?

Les premiers effets concernent les enfants, bien entendu. Parmi les indicateurs recensés, les données statistiques concernant les résultats scolaires (1) sont révélatrices des effets bénéfiques du long congé parental puis d’un accueil de grande qualité en bas âge (2), avant la scolarisation. C’est tout particulièrement le cas pour les catégories populaires et les enfants issus de l’immigration. L’influence du « capital culturel initial » est bien moins élevé dans les pays scandinaves qu’en France par exemple. « Les programmes d’intervention précoce incluant un puissant stimulus comportemental et cognitif peuvent efficacement contribuer à l’égalité des résultats, en particulier au profit des enfants les plus exposés à l’échec » (3).

Second groupe d’effets : cette politique influence directement la condition des femmes. Socialement, d’une part, dans un contexte où, comme c’est le cas en France, près de 800 000 d’entre elles sont salariées à temps partiel et voient leur revenu déjà proche du seuil de pauvreté (proche de 800 euros) impacté par les ruptures de carrière ou le coût de la garde d’enfant. Le développement du service public de la petite enfance - gratuit - a des effets immédiats sur la « sortie de pauvreté ». Par ailleurs, l’accès à un congé parental d’un an couplé ensuite à l’accès quasi gratuit à un service de la petite enfance permet aux femmes, selon l’étude, « de gagner en termes de maîtrise des ressources économiques et de capacité à exercer leur autonomie ». En d’autres termes, la hausse de leur taux d’emploi accroît leur capacité de négociation au sein du couple et vis-à-vis de leur patron. Pour les femmes seules également, elle se traduit par une diminution des ruptures de carrière pénalisantes pour l’emploi et les salaires, par une réduction des écarts de salaires avec leurs collègues masculins et une amélioration de leurs retraites. En France, les incitations par les déductions d’impôts ne concernent guère les catégories sociales populaires. A l’inverse, dans le « mix-danois », l’amélioration de la condition sociale des mères toutes catégories sociales confondues se répercute « massivement » sur les enfants. En outre, cette « défamiliarisation » de la fonction d’accueil des tout-petits a eu des effets sur l’implication familiale : en résumé, moins la sollicitation des grands-parents est fréquente et plus elle est forte et plus la mère travaille dans un couple, plus cela agit sur la répartition des tâches en impliquant les hommes.

En France où la « révolution féminine » est bien moins avancée qu’au Danemark, les mêmes études révèlent que la position des femmes s’améliore quand les prestations familiales sont perçues à leur nom et sur leur propre compte en banque (4). Cette politique de « soutien aux mères » devrait inclure, comme le demandent nombre de mouvements féministes, un régime d’imposition neutre et individualisé.

Cette politique globale est particulièrement difficile à mener dans un pays comme le nôtre où l’éparpillement et le cloisonnement politico-administratif appellent de difficiles coordination nationale, communale, départementale et régionale. Le « contrat pour la petite enfance » sur le modèle nordique, associant congé parental de longue durée, prestations, réductions, déductions d’impôts et services publics, est pourtant étonnement peu coûteux. Quand on compare les dépenses publiques et privées dans ce domaine, on atteint 31 % du PIB pour la France contre six points de moins au Danemark pour une couverture bien supérieure !

Il a des effets rapides sur la sortie de pauvreté comme sur l’égalité comme nous l’avons vu. Mais, par effet de domino, la hausse du taux d’emploi des femmes, relativement faible en France, est une des clés de la baisse du taux de chômage. Les conditions de sa mise en œuvre recèlent un potentiel d’emploi énorme via ce levier de la petite enfance. Si on considère que les parcours de vie se déterminent très tôt avant même d’entrer à l’école, alors, on peut même affirmer qu’un investissement massif sur cette politique participe à la consolidation des régimes de retraite.

1- Données européennes PISA
2- En Suède par exemple, les standards d’accueil sont d’un adulte encadrant pour trois enfants
3- Gosta Esping Andersen in « Trois leçons sur l’Etat providence », éd. Seuil, La République des idées
4- S. Lundberg, R. Pollak, T. Wales, « Do husbands and wives pool their ressources ? », Journal of Human Resources, 32, 1997


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5 réactions à cet article    


  • La Taverne des Poètes 14 novembre 2008 11:35

    Excellente illustration de l’affectation du PIB au bien-être des individus dès la petite enfance. Priorité de l’être sur l’avoir. Il serait intéressant de connaître comment le Danemark fait pour dépenser moins et faire mieux que nous.


    • Gilles Gilles 14 novembre 2008 15:35

      heu..hélas le contexte idéologique actuel ne peut ne serait ce que penser à envisager un jour une telle mesure. Arguments typiques dans un pays de droite :

      • Le privé ne fait-il pas mieux que le public ?
      • Ceux qui veulent des enfants n’ont pas à en faire porter le poids financier aux autres.
      • Va encore falloir embaucher des centaines de milliers de fonctionnaires...impensable !
      • On va encore casquer pour accueillir des enfants d’immigrés qui viennent ici pour toucher les allocs, et ainsi créer un appel d’air
      • J’ai pas envie que mon enfant soit contaminés par la mixité raciale
      Faudra démonter d’abord un à un ces arguments, ce qui est absolument impensable pour l’instant.

      • Blé 14 novembre 2008 17:12

        Tout se joue avant 6 ans disait un brave psy étatsunien. Tout le monde sait que c’est durant la petite enfance que le système cognitif de l’individu se développe le plus rapidement et donne des possibilités intellectuelles pour toute la vie. Il y a toujours des exceptions qui confirment la règles.

        J’ai vue des trisomiques être bilingue alors que des enfants "normaux" savent à peine parler la langue du pays dans lequel ils grandissent.

        Mais en France "le don", le doué, fait encore beaucoup d’adeptes comme si le langage venait des gènes.

        La république monarchique dans laquelle nous vivons, demande un moyen qui semble naturel pour expliquer toutes les injustices et les exclusions.


        • Elliryc 15 novembre 2008 18:12

          En effet, la France n’est pas un pays nordique et donc, les mentalités n’ont pas encore autant évolué (progressé ?). De plus, nos parlementaires et ministres se sont saisis de la "cause" de la Petite Enfance depuis quelques temps et leur objectif est de réussir à mettre en place un droit opposable aux modes de garde (nous ne parlons plus d’accueil...) pour 2012 (ah tiens, y’a pas une échéance électorale ???). Seulement, au lieu d’y voir un intérêt qualitatif comme le montre les exemples cités par sitécolo, le gouvernement et les parlementaires nous montrent tous les signes de décisions purement économiques (cf. les articles précédents de mon blog). Peut-on seulement parler de l’accueil (et j’insiste sur ce mot) quand on cherche à tout prix à créer rapidement plus de 350 000 places de garde en assouplissant les taux d’encadrement des assistantes maternelles, des structures Petite Enfance, en proposant de nouvelles structures pour les 2-3 ans avec un taux encore plus élevé (les fameux jardins d’éveil) inquiétant les instituteurs sur l’avenir de la maternelle.


          • Bof 17 novembre 2008 10:09

            OUI...pour le contenu des messages . MAIS,....nous avons en ce moment 22% d’illétrés en France . ET ce chiffre est certainement une moyenne car....bien plus nombreux dans mon village sont les gens qui sortent leur papier anti-sèche simplement pour imiter ce qui devrait être leur signature...ALORS....la petite enfance...on pourrait leur foutre la paix et au moins apprendre à lire et à compter vers sept à neuf ans avant de vouloir que la société ne se ruine à accepter des petits que les parents ne veulent même plus s’occuper.

             Je ne comprends pas du tout les raisons qui font que beaucoup de Français font semblant de ne pas savoir. Il n’empeche que je partage le contenu des commentaires surtout celui de " Elliryc 								 (IP:xxx.x41.97.168) le 15 novembre 2008 à 18H12" qui insiste sur l’accueil qui est si important pour un être humain. 
            Alors, quand j’entends parler d’un manque de quantité de travail en France....c’est vraiment que les gens ne veulent pas en avoir me semble-t-il.
             

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