La Laïcité, une exception menacée
Regards croisés sur un principe républicain.
Il n’est point besoin d’être grand clerc pour comprendre que cet ouvrage collectif instigué par Jean-François Chalot n’aura pas l’heur de recueillir l’adhésion de tous en ces temps de profondes distanciations idéologiques. C’est même tendre le bâton pour se faire battre que de revendiquer un principe de tolérance au chœur même d’une époque qui se voue corps et âme à la polémique véhémente et à l’intolérance belliqueuse. C’est à ce titre qu’il convient de mettre un peu d’huile sur le feu afin d’oindre cet ouvrage aussi indispensable que nécessaire tout en repoussant l’idée de la redondance par un résumé incomplet. En faire l'exégèse s’avère d’autant plus nécessaire qu’elle enfonce le clou de ceux qui prétendent nous réserver le pilori.
Si les regards sont croisés, le présent recueil n’est pas écrit par des croisés en route vers les chemins de la rédemption et du grand pardon. Le glaive n’a pas sa place dans les différentes démonstrations, témoignages ou synthèses qui font appel à la raison, une valeur mise à mal par tous ceux qui pensent par procuration, confiant leurs codes de lecture à une entité évanescente réputée infaillible. L’abolition du doute est la pierre angulaire de ce ferment de discorde que constitue la religion dès lors qu’elle quitte le champ de l’opinion personnelle pour entrer dans celui de la conviction publique et séculaire.
La Laïcité à la française se donne pour mission sacrée de ne pas accorder de place prépondérante sur l’Agora à ce qui relève du divin, domaine exclusivement restreint aux seules consciences individuelles. Ce n’est pas non plus repousser ou plus encore nier le phénomène mais se borner à lui octroyer une place parfaitement délimitée tout en donnant l’occasion à tous les enfants d’en percevoir les limites au travers d’un enseignement du fait religieux qui le replace dans son contexte conflictuel, culturel et historique.
La loi gravée dans le marbre ou les tables éponymes ne peut en aucun cas prendre en considération les incessantes variations qu’impose l’évolution de nos sociétés. Confier au passé par le truchement d’une autorité suprême et évanescente l’écriture définitive des codes gérant nos existences est une hérésie tout autant qu’une folie pure. Hélas, dénoncer cet anachronisme manifeste est blasphématoire tout autant qu’offensant pour les fous d’un Dieu qui prétend dicter tous les principes de nos existences de manière intemporelle et définitive.
Le Grand Architecte a tout prévu et dès avant le septième jour durant lequel il prit enfin la peine de se reposer. Auparavant et dans la précipitation il avait prévu tous les codes sont figés pour toujours par un guide de bonne conduite qui donne droit à un aller simple pour la béatitude éternelle. Contre cette extraordinaire perspective, la laïcité a voulu abattre les préjugés, détruire les idoles, réduire en poussière le carcan des superstitions pour faire place à la raison. On se doute que le défi est immense et suppose encore et pour longtemps des combats idéologiques qui ne supposent aucune faiblesse à la petite semaine.
Car les adversaires ne restent pas tapis dans l’ombre. Ils s’affichent, portent haut et fort les marques de sa soumission à une essence par définition supérieure à celle des humains. Il ne peut y avoir de concession dans l’application de la laïcité car tout recul est vécu comme une défaite, la démonstration de la supériorité de Dieu sur les humains. Combattre pour la laïcité c’est ne jamais céder aux sirènes du consensus mou.
La tolérance ne peut pas être que la croix exclusive des laïcs qui devraient toujours baisser pavillon devant les oukases des croyants en mettant deux genoux à terre devant leurs rodomontades sacrées. Eux aussi défendent l’intangible, le permanent, l’incontestable. Seule la laïcité est immanente et en ce sens, elle ne peut être remise en cause, atténuée, galvaudée pour complaire à ceux qui au bout du compte n’ont qu’un objectif, la réduire en poussière. Perdre sa tête dans ce combat n’est pas qu’une menace en l’air. Nous savons qu’en face un Dieu prétendument de miséricorde a armé des mains et endurci des cœurs disposés à toutes les abjections pour que gagnent ses théories. Défendre la laïcité c’est se faire soldat de la vie sur Terre, la seule qui soit certaine et qu’il importe de vivre dans la paix et le partage.
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