La laïcité pour les nuls
Définitions
Commençons par le dictionnaire de l'Académie, 9ème édition :
(1)LAÏCITÉ n. f. XIXe siècle. Dérivé de laïc. Caractère de neutralité religieuse, d'indépendance à l'égard de toutes Églises et confessions. La laïcité d'un établissement d'instruction, d'une loi, d'une institution. La laïcité de l'État est inscrite dans la Constitution de la Ve République.
Pour l’Église, un laïc est quelqu'un qui n'appartient pas au clergé.
Puis les courants de pensée se diversifièrent (Religions catholique, protestante, juive, musulmane, absence de croyance religieuse).
L’État se devait donc d'être indépendant des religions.
L'usage adopta les mots "laïque", "laïcité" pour se référer à ces principes.
Le mot "laïc", ainsi orthographié, garda son sens originel.
Par ignorance et plus communément par mauvaise foi (un comble), le mot est trop souvent détourné de son sens.
Ce que la laïcité n'est pas
- Une idéologie. La laïcité est un principe constitutionnel, et c'est une attitude de neutralité et d'acceptation de l'autre. - Une religion. Il n'y a pas d'église ni de temple laïque ! - Un athéisme. Un prêtre peut être parfaitement laïque (respect du principe précité) sans être laïc (puisqu'il appartient au clergé). - Un anticléricalisme. Cela n'empêche pas, bien sûr, de s'opposer à toute intrusion de la religion dans la politique.
- Le dénigrement systématique d'une religion et de ses pratiquants.
Laïque, pas laïque...
La laïcité est un gage de cohésion sociale, du "bien vivre ensemble".
Pour savoir si un acte accompli au nom de la religion - ou de la laïcité - est laïque ou pas, il convient de se demander :
- S'il ne s'oppose pas aux lois de la République.
- S'il ne porte pas atteinte aux droits d'autrui.
Bien vivre ensemble à table.
Plus jeune, j'ai eu l'occasion de m'occuper de cantines scolaires et de colonies de vacances. On ne faisait pas tant de manières. Quand il y avait du porc, on offrait aux enfants une alternative (omelette, poisson). Le poisson était servi plutôt le vendredi. Dans tous les cas, aucun plat n'était spécifiquement destiné à des enfants de telle ou telle religion, et tout se passait très bien. Si les Églises ne doivent pas s'immiscer dans les affaires de l’État, l’État n'a pas à se soumettre à des rites alimentaires religieux.
En revanche, je ne vois pas au nom de quoi on interdirait les restaurants halal ou casher. Ces établissements répondent aux demandes d'une clientèle et chacun est libre de les fréquenter ou pas. Si vous allez déguster un couscous dans un restaurant maghrébin, la viande qui vous sera servie sera sans doute halal, ce qui ne nuira en rien à la convivialité du repas !
Bien vivre ensemble au lit.
Toute personne a le droit d'aimer qui elle veut, et toute atteinte à cette liberté (menaces, voies de fait, séquestration, enlèvement) doit être punie comme il se doit.
Avant de m'extraire du confort douillet de dessous la couette, je revendique ma sieste comme laïque (je n'ai pas écrit : sacrée) et, à ce titre nul sonneur de cloches ni muezzin ne saurait la troubler..
Prier ou pas, mais en paix.
Un temple, une synagogue, une église même chapeautée ou flanquée d'un clocher ne heurtent pas mon regard et ne portent pas atteinte à ma liberté de circuler ni à toute autre liberté. Pourquoi m'offusquerais-je de la construction d'une mosquée même chapeautée ou flanquée d'un minaret ?
Les prières sur la voie publique me dérangent bien plus car elles entravent la circulation. En outre elles peuvent, de façon dramatique, retarder l'arrivée des secours en cas d'urgence. Faut-il pour autant envoyer la troupe, et chasser les gens qui prient de façon brutale et humiliante ? Bien sûr que non. Nous ne sommes pas des sauvages.
Chacun sans sans doute pense aux prières musulmanes rue Myrha à Paris, qui ont importuné la France entière à l'exception des riverains du lieu. Je pense qu'au départ, il y a eu des maladresses qui ont laissé l'habitude s'installer. Le problème a été résolu par le dialogue. Cela est venu un peu tardivement, certes, mais souvenez-vous : nombre de problèmes avec le clergé catholique ont été résolus par la concertation et le dialogue, et cela ne s'est pas fait d'un claquement de doigts.
Pas très laïque tout ça...
Le site "Riposte laïque" s'attaque, de façon lancinante et obsessionnelle, à la religion musulmane et aux musulmans dans leur ensemble. Il est aux antipodes de la laïcité. Il usurpe le mot.
Avec ses tapageuses tournées des bénitiers (Le Puy, le mont Saint Michel, Vézelay, Lourdes et j'en passe), le président Sarkozy écorche sérieusement la laïcité, pilier de notre constitution qu'il a pour mission de garantir. A Latran, dont il est le chanoine, il a osé dire :
"Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance."
Avec cette sortie un rien calottée, Sarkozy a dû se faire beaucoup d'amis parmi les enseignants de l'École publique !
Autre cancre ès-laïcité, Christian Estrosi, maire de Nice, n'est pas loin d'égaler, à cet égard, son saint chanoine de patron.
C'est bien lui qui ne veut pas de minaret dans sa ville.
Le débat est malsain, ajoute-t-il finement. En langage moins boutonné, si tu penses que cela prête à discussion tu fermes ta gueule.
C'est lui encore qui à l'été 2011, va pêcher sur les listes paroissiales électorales les pèlerins qui grimperont vers l'oratoire de Notre-Dame du Très Haut (2802 mètres) près du col de la Bonnette (Alpes Maritimes).
http://monoeil.info/journal-d7/node/17
Les États-Unis d'Amérique ne sont pas un état véritablement laïque. On a vu pire, mais quand même.
Chaque nouveau président doit prêter serment sur la Bible. Serait-il le président des seuls chrétiens de son pays ? Et quid si un un non-chrétien arrive à la Maison Blanche ? Il me semblerait plus logique que le président prête serment sur la Constitution.
Enfin les Américains font ce qu'ils veulent de leur pays.
La France n'est pas parfaitement laïque. Certes, l'article premier de notre constitution commence ainsi :
"La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale."
Mais l'Alsace-Moselle, qui était allemande au moment de la séparation des Églises et de l’État, a conservé le régime concordataire.
La laïcité, un humanisme qui rassemble
Pendant un bon millénaire (de Pépin le Bref à Louis XVI), la France fut gouvernée au nom de Dieu (monarchie de droit divin). La loi sur la séparation des Églises et de l’État a pris en compte la pluralité des orientations religieuses ou pas. Son application n'a pas été une chose facile.
La raison d'être de la laïcité, c'est de garantir la paix civile et religieuse. Elle doit être appliquée avec rigueur et persévérance, en usant en priorité les ressources du dialogue et de la pédagogie. Notre république a une longue expérience en la matière !
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