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Du bas Canada français au Québec moderne, loin de La Nouvelle-Orléans

Il n’allait pas de soi qu’une culture originale se développerait dans ce continent, que le Canada et plus encore le Québec pourrait affirmer une personnalité, une vitalité distincte de celle des grands Etats-Unis, voisin obligé, client premier, fournisseur important de modèles à toute la planète et pourtant si peu capable de soutenir ses propres populations.

Le Québec ne pouvait pourtant rêver meilleur cadre que le Canada. Le français et l’anglais sont les deux langues officielles du Canada. Equilibre dynamique à la confluence de plusieurs cultures, combinaison de la tolérance à l’anglaise, volontarisme du service public à la française plus un soutien substantiel aux minorités immigrantes ou non. Un premier pas vers un art de vivre entre “différents”, ce multiculturalisme pacifique où se mélangent des gens venus de tous les continents avec pleine reconnaissance des droits des “Amérindiens” et des Inuits. Le Québec contribue fortement à cette identité canadienne, il en est souvent le gardien vigilant, comme par exemple lors de la guerre états-unienne d’Iraq depuis 2003 à laquelle il refuse de participer et le reste du Canada à sa suite. La cohabitation au sein de la nordique fédération canadienne ne va pourtant pas toujours de soi et il n’est pas exclu qu’un troisième référendum en modifie les termes.

Comment exister dans ce coin de continent au rude climat ? Comment ne pas devenir petit à petit une Louisiane du Nord, désuète, folklorique sacrifiée à la violence de la nature mais surtout à celle des hommes, des rapports de forces économiques et des décisions politiques ? Car la langue, la différence, la marginalité ne sont pas seulement affaire d’identité ou de conviction. Dans des sociétés modernes, urbanisées, complexes, elles conditionnent la vie et la mort, comme le montre l’abandon de la population de la Nouvelle-Orléans par les décideurs états-uniens.

Le Québec revient de loin. Fernand Braudel décrivait “Une société et une civilisation fermées sur elles-mêmes, paysannes tout d’abord, conservatrices ensuite, avec un clergé vigoureux qui a défendu et maintenu la tradition, diffusé la culture de tradition classique”.

L’armée française est battue en 1759 par les Anglais sur les plaines d’Abraham à côté de Québec. Le peuple est abandonné par les aristocrates et l’armée repart en France. Une population de 60 000 Canadiens français est cantonnée autour du Saint-Laurent et soumise aux tâches subalternes. Le commerce, l’entreprise et le pouvoir, cela relève des Anglais. Les âmes et les familles, le clergé s’en charge. Aux hommes -les nègres blancs d’Amérique- le labeur, aux femmes la maison.

Pourtant depuis 50 ans le paysage se transforme, la “révolution tranquille” est passée par là. Le Québec a récupéré sa prééminence culturelle et linguistique, puis son développement économique.

Le fleuve Saint-Laurent lui fournit - comme le Nil qui fait vivre aussi un grand pays, l’Egypte- , une production d’électricité d’avenir. Et quelle abondance, c’est le Québec qui éclaire et réchauffe la ville de New York ! Le protocole de Kyoto peut passer par là, nous sommes loin du schéma de l’Ontario et des Etats-Unis gros dilapidateurs des stocks d’énergies fossiles (charbon et pétrole) responsables de l’effet de serre et du réchauffement climatique. Depuis 1962, Hydro-Québec nationalisé est un des symboles de la souveraineté québécoise.

Mais c’est d’abord la vitalité culturelle, après la vitalité démographique, qui a permis de passer avec l’immigration à 7,5 millions de Québécois en 2004 sur un territoire de 1,5 millions de km2, ce qui explique le dynamisme de ce peuple nord-américain tourné vers le futur.

Le rôle des femmes, la place des minorités, l’éducation - celle de tous -, l’innovation pédagogique, le rôle de la puissance publique font du Québec un creuset dynamique marquant sa différence avec les Etats-Unis tout autant qu’avec la France. Montréal s’affirme comme une métropole technologique post-industrielle : imagerie électronique, aérospatiale, informatique, recherche - compensant le froid et les distances par les réseaux et l’information.

La mobilisation des acteurs, l’assiduité des participants, une société démocratique relativement égalitaire et la volonté - inégale- des politiques, assurent cette transformation progressive du bas Canada français d’hier en un Québec attachant, moderne et innovant, qui dit jusque sur ses plaques d’immatriculation “Je me souviens”.


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3 réactions à cet article    


  • Michel Monette 3 septembre 2005 23:29

    Je me suis pincé pour voir si je vis bel et bien dans ce pays idyllique que vous décrivez. Le Québec n’a surtout pas à dire merci au Canada pour ce qu’il est devenu. Il le doit à sa volonté de continuer à vivre en français malgré le Canada. D’ailleurs, les communautés francophones hors Québec vont plutôt mal. Un jour ou l’autre, nous la ferons notre indépendance. Quand aux Premières nations, elles connaissent les plus hauts taux de pauvreté et de suicide de cette merveilleuse société canadienne.


    • Remo (---.---.59.242) 4 septembre 2005 09:19

      Très intéressantes ces vues - même si un peu théoriques - aussi bien sur les Etats-Unis, coupables de tous les maux de la terre... que du Québec - sur lequel je vois émerger des souhaits que le général de Gaulle avait formulés déjà il y a près de quante ans... Mais ce que j’aime - même si nous savons que la réalité quotidienne n’est pas aussi belle que ce que l’on a rêvé qu’elle soit ! ... - c’est ce regard tourné vers l’avenir. Est-ce qu’on ne pas porter le même sur l’Europe ?


      • Iminoreg (---.---.166.69) 19 décembre 2005 16:24

        Je pense que vous idéalisez, comme un grand nombre de Français, la société québécoise. Je vous conseille d’aller lire mon blog personnel « routes américaines » pour vous faire une idée plus juste de la réalité québécoise. Si c’était le paradis que vous décrivez, pourquoi 80% des Français reçus par Immigration Canada quittent le Québec dans les 5 dernières années ? Je vis ici depuis 12 ans, mon conjoint est Québécois, et il ne rêve que de partir. Il est informaticien, a déjà connu la France pour ses études (échange universitaire) et pour une mission d’un an et demi en France et ne rêve que d’y retourner. La société québécoise est effectiovement très différente du modèle républicain français, c’est une société au modèle horizontal par la base qui recherche le consensus. Mais ce n’est pas un endroit sans problèmes de pauvreté, voire de misère morale et intellectuelle, de perte de repères, de suicides masculins faramineux, de racisme envers les minorités visibles et bien sûr d’hypocrisie. C’est bien sûr une société qui cherche, mondialisation oblige, à s’ouvrir aux autres et à la diversité mais cela n’est pas évident. Je vous assure ! La solution des mariages mixtes, de plus en plus nombreux, à Montréal surtout, ne peut régler tous les problèmes mais sera peut-être une bonne voie vers l’intégration réussie des immigrants. C’est un chantier encore expérimental.

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