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Le grand déballage

Deux poids, deux mesures

Le revers de la médaille.

Il fut une époque durant laquelle on pouvait dire : « Emballez c'est pesé ! ». L'expression avait tout son sens dans une économie de la modération. Il n'était pas rare, bien au contraire, de se retrouver face à la balance de l'épicier et la complexité de sa règle à calcul, du côté de l'épicier. C'était encore une époque où sans caisse enregistreuse, le commerçant savait faire un calcul de tête tandis que le client agissait de même in petto.

Nous pouvions alors dire de concert : « Emballez, c'est payé ! » tout en sachant que tout ce que nous achetions ne prenait pas l'avion pour venir chez nos commerçants. La balance commerciale n'était pas alors le fléau que nous connaissons aujourd'hui, dans une nation condamnée à se mettre au service des pays industriels.

La règle à calcul s'emballe, le déficit s'envole et de manière assez curieuse, les prix suivent le même mouvement en dépit des promesses anciennes. Il fallait délocaliser pour gagner en compétitivité, une notion qui du reste, faisait fi du coup social et humain de la combine. À la place d'emballer, on déballait à grande échelle, on mettait à pied dans de multiples plans qu'on prétendait sociaux.

Et ce fut alors l'ère du grand déballage médiatique. Se mettre à nu n'avait pas le moindre intérêt si on ne le faisait pas devant des caméras de télévision. La société du spectacle fit de l'impudeur une valeur marchande tandis que des pauvres gens mettaient dans la balance leur intimité et leurs états d'âmes. Ils se donnaient pour des vendus à la grande cause du capitalisme triomphant, celui qui n'a de cesse de vider les cerveaux.

Dans un grand mouvement de bascule, la confession ne suffisant plus à capter le public voyeur, le déballage se confondit avec l'effeuillage dans des parades nuptiales virant à l'orgiaque. La télé-réalité s’étala au grand jour, fit même la tête de gondole sans le moindre esprit ironique. Pour draguer le téléspectateur, on organisa la drague tous azimuts.

Le public emballé devenant jury de l'épreuve, mettant au rencard un produit périmé, pardon un participant qui ne faisait ni la maille ni le poids dans cette exposition contre nature. Le sexe n'y suffisant plus, l'aventure prit le pas, transportant ces nouveaux produits de la marchandisation des âmes dans des lieux insolites, sauvages et dangereux.

Nous étions loin de la petite épicerie d'antan même si le spectacle était particulièrement épicé si j'en crois ceux qui me racontèrent la chose. Ayant pesé le pour et le contre, j'avais mis ma morale en balance, me refusant à me faire témoin de cette farce. La tare avait désormais déserté la balance pour devenir la clef de voûte de ces productions hideuses.

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Le fléau ne s'arrêta pas en si bon chemin. Les chaînes se multipliant, il fallut faire preuve d'imagination pour déballer tout ce qui attirait le chaland sans scrupule. Le sexe, le sang, la peur, l'horreur, la mort devinrent des produits de grande consommation jusqu'à ce qu'un esprit plus retord ou avisé que les autres se rende compte que tous ces ingrédients étaient dans l'actualité elle-même. Autant mettre au rencard, les piètres figurants de ces spectacles pour faire de l'information le dernier déballage de toutes les perversions humaines.

Ce fut le départ d'un mouvement hystérique pour que chacun dispose de sa chaîne d'information en boucle. Déballer, déballer, il n'en sera rien retenu si ce n'est ces merveilleux et fort propices sentiments d'insécurité et de peur qui serviront tôt ou tard l'avènement du totalitarisme. Emballez de brun, ce sera pesé, le pire fléau qui soit progresse dans toutes nos démocraties occidentales qui à force de vendre leur âme ont fini par semer les graines du fascisme.

Le petit banquier du Palais aura lui aussi sa part de responsabilité dans cette catastrophe qu’il appelle sans doute de ces vœux. À trop solder les droits et les libertés, il a mis dans la balance le retour de l'ordre martial que ses adeptes ont emballé sous de pseudos habits respectables.


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5 réactions à cet article    


  • juluch juluch 30 décembre 2023 11:19

    Je regarde rarement la télé quant aux « émissions téléralité » je l’ai fuit !


    • C'est Nabum C’est Nabum 30 décembre 2023 12:05

      @juluch

      Que nous échappions à ces erreurs n’empêche nullement un grand nombre d’y plonger avec délectation pour finir par en perdre la raison


    • Brutus S. Lampion 30 décembre 2023 17:29

      Quand il y avait encore une boucherie dans notre rue, j’ai vu la cliente qui était avant moi piquer un fard quand le boucher lui a dit :

      « c’est bon, là ? ou je vous en remets un bout ? »

      Elle avait peut-être mal compris.

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