Réforme des retraites : Point de situation
La réforme des retraites en 2023.
Macron l'a confirmé lors des vœux du nouvel an : “cette année sera celle d’une réforme des retraites”. Après l'échec d'une réforme structurelle en 2019, avec la “retraite par points", Macron tente une réforme paramétrique qui allonge l'âge du départ à la retraite.
Depuis trente ans chaque gouvernement propose une nouvelle attaque contre notre système de retraite. Chronologie.
Le retraite par répartition existe depuis 1945, la retraite à 60 ans depuis 1983. Chacune des “réformes” successives a sévèrement dégradé nos retraites. La réforme Macron serait le coup de grâce.
Le journal Le Monde - Décodeurs propose un dossier factuel intéressant à propos de la réforme Macron. Le Monde
Et le Collectif Nos retraites une argumentation solide contre la réforme 2023. Argumentaire
Bien que ce ne soit pas le sujet de ce billet, on peut se faire une idée des conséquences de la future réforme : Harribey Libé
Le contexte politique.
La plupart des partis de gauche se mobilisent, avec plus ou moins d'ardeur, contre la réforme des retraites afin de répondre aux attentes de leurs électorats respectifs, dans un climat de division politique.
La plupart des partis de droite approuvent la réforme, mais la droite est divisée. Les députés Renaissance, Modem, Horizons et quelques indépendants voteront la réforme.
Les députés RN devront s'abstenir ou se prononcer contre la réforme car leur électorat est majoritairement contre.
Les députés LR sont tous en faveur d'un allongement de l'âge de la retraite qui figurait dans leur programme en 2022. Ils ne peuvent pas soutenir Macron, il en va de leur survie politique. Mais ils ne peuvent pas s'opposer à une réforme que leur électorat soutient.
Les négociations entre le gouvernement et les responsables LR sont donc intenses. En effet il suffirait que les députés LR s'abstiennent pour que la réforme soit votée à la majorité relative, donc sans 49.3.
Selon les informations disponibles il semble qu'un accord minimal ait été trouvé, mais rien n'est sur. Sans l'appui de LR le texte sera voté avec le 49.3 fragilisant l'arc politique bourgeois.
Le contexte syndical.
Entre septembre et décembre 2022 le gouvernement a engagé trois séries de négociations avec les syndicats. L'objectif était de rallier les syndicats “réformistes" autour du projet de réforme, ou du moins d'obtenir leur neutralité bienveillante.
Mais les adhérents des syndicats sont majoritairement contre le report de l'âge de la retraite. Donc tous les syndicats - sans exception - sont contraints de se déclarer contre la réforme, quelle que soit leur véritable opinion.
De même tous les syndicats sont obligés de participer à une “mobilisation” minimale. Puisque cette mobilisation aura lieu avec ou sans leur participation. Ils sont donc obligés de faire semblant de l'organiser afin de la contrôler.
Cependant l'unité syndicale est fragile. A la première occasion les syndicats “modérés” comme la CFDT, FO, CGC, UNSA, etc. tenteront de casser l'unité d'action en agissant séparément. Se fier à la mobilisation syndicale contre la réforme des retraites c'est comme marcher sur une planche pourrie qui peut céder à tout moment.
Concrètement, la “mobilisation” syndicale a été presque inexistante dans le dernier trimestre 2022 au motif d'attendre le texte de la réforme. Alors que la mesure de report à 64 ou 65 ans est évidemment connue depuis longtemps.
Pour la suite l'intersyndicale construira une mobilisation symbolique. Sous prétexte de respecter une “unité syndicale” factice, les actions seront toujours basées sur les propositions des syndicats les moins combatifs.
Toutefois tous les syndicats se battront avec la dernière énergie contre les tentatives de coordonner les mobilisations et les luttes afin de paralyser le pays et d'obliger le gouvernement à reculer. Car un syndicat ne fait pas de politique.
Le contenu de la réforme
La réforme des retraites proposée par Macron se décompose en deux parties :
Le cœur de la réforme :
- allonger l'âge de départ à 64 ou 65 ans,
- supprimer les derniers régimes spéciaux,
- éventuellement augmenter la durée de cotisations.
Les mesures d'accompagnement :
- une retraite minimum
- étudier l'emploi des seniors
- étudier les carrières longues
- prendre en compte la pénibilité
Les mesures complémentaires sont affichées pour tenter d'amadouer l'opinion publique et négocier la collaboration des syndicats. Mais ce sont essentiellement des promesses. Face à l'opposition du Medef elles n'ont aucunes chance d'être réellement appliquées.
Quant à la retraite minimum elle est conditionnée à une carrière complète, donc 42-43 ans, les carrières incomplètes ne toucheront pas plus que l'actuel ASPA. Enfin s'agissant d'une allocation différentielle elle pourra être réduite du montant des aides sociales. Le gain final sera faible voire nul.
Procédure législative
Sur la forme, deux solutions législatives sont possibles :
• soit un seul projet de loi pour l'ensemble de la réforme,
• soit la mesure d'âge dans un PLFSSR et les mesures complémentaires dans un projet de loi.
La deuxième solution est privilégiée mais le choix final reposera sur plusieurs critères :
- La rapidité de la procédure, pour un PLFSS le délai maximum est de 50 jours.
- La possibilité de voter la loi sans le 49.3 avec le soutien des députés LR
- Faciliter le vote du projet en le scindant en deux parties
Dans tous les cas le gouvernement est assuré d'atteindre l'objectif principal : augmenter l'âge de départ. Le faire avec un minimum de casse politique et sociale est relativement secondaire.
L'analyse de la réforme
Tous le monde a bien compris que la réforme pénalisera gravement les salarié(e)s et plus particulièrement les moins riches. Et donc profitera au patronat.
Néanmoins il existe réellement un problème de financement des retraites sur le long terme. Pas seulement pour des raisons démographiques puisque l’espérance de vie stagne. Mais plutôt parce que le financement de la sécurité sociale est structurellement laminé par les baisses et les exonérations de cotisations sociales patronales.
Le débat autour du report de l'âge de départ à la retraite se résume à ce choix :
- faire payer le patronat en rétablissant le niveau normal des cotisations sociales
- réduire les retraites en diminuant leur volume et la durée de versement
Quelqu'un doit payer, ce sera le patronat ou les salariés. La réforme Macron se propose de faire payer les salariés. Evidemment la décision finale dépendra du rapport de forces entre salarié(e)s et gouvernement/patronat.
La mobilisation intersyndicale
Actuellement l'intersyndicale qui regroupe la plupart des syndicats et des organisations de jeunesse dirige la mobilisation contre la réforme des retraites. Malgré des initiatives éparses comme la marche LFI ou les manifestations à Montpellier. Et la tentative de réactivation des gilets jaunes n'a guère réussi.
Le déroulement de la “mobilisation” est plus ou moins prévisible, selon ce calendrier :
- 10 janvier :
annonce des détails de la réforme des retraites dont les grandes lignes sont déjà connues
réunion de l'intersyndicale pour fixer les modalités de la “mobilisation” symbolique - courant janvier :
en parallèle une série de grèves catégorielles liées aux NAO et autres revendications - 21 janvier :
manifestation assez importante à Paris par la jeunesse et LFI contre la réforme Marche - 19/23/26 janvier :
première grande manifestation intersyndicale contre la réforme - 23 janvier :
le projet de loi est présenté en conseil des ministres - début février :
le texte de loi proposé est examinée au Parlement - courant février :
série de trois grandes manifestation intersyndicales
sur fond de grèves catégorielles successives - mi mars :
le texte de loi allongeant l'âge de départ en retraite est voté par le Parlement - courant mars :
deux ou trois grandes manifestations intersyndicales d'amplitudes décroissantes
Quelques réflexions.
Tel est schéma idéal de la “réforme” des retraites 2023, tel qu'il est rêvé par la droite, une partie de la gauche et quelques directions syndicales que je nommerais pas, chacun reconnaîtra les siens :)
Pour ceux qui ont gardé la mémoire des mobilisations précédentes ce processus rappellera fortement la mobilisation de 2010 contre la réforme Sarkozy qui a porté la retraite à 62 ans.
Du point de vue des salarié(e)s le problème à résoudre sera de ne pas rejouer 2010. Quand des dizaines de manifestations massives, dépassant souvent le million de manifestants selon les chiffres de la police, le triple selon les syndicats, n'ont pas suffi à faire reculer le gouvernement.
Pour faire avancer le débat on peut faire plusieurs remarques.
1 - Il faut accentuer le travail de communication pour diffuser les conséquences de la réforme sur les salarié(e)s. C'est une erreur de penser que tout le monde est complètement informé. Surtout avec l'appareil médiatique aux mains des capitalistes qui diffuse en continu enfumage et fausses informations. Cf Acrimed
2 - Il est vital de réussir des manifestations massives. Les grandes manifestations intersyndicales sont indispensables. Elles permettent déjà de se compter. Et elles permettent de réunir des gens qui pourront s'organiser pour aller plus loin. Il faut lutter contre le découragement après des années de défaites sociales et réhabiliter la manifestation même symbolique.
3 - Pour gagner il faut réussir à paralyser le pays. Proposer la grève générale n'est pas opérationnel. D'une part parce que tout le monde ne veut pas ou ne peut pas faire grève. D'autre part parce depuis plus d'un an toute la France est déjà en grève, mais par roulement !
Il est bien plus efficace d'essayer de regrouper les luttes, par exemple en utilisant les secteurs clés (transport, énergie, distribution ...) pour mobiliser d'autres entreprises. Ou encore en coordonnant différents secteurs en lutte localement ou nationalement. A noter que l'existence d'une coordination nationale (démocratique !) des salarié(e)s déstabiliserait complètement le gouvernement.
Ajoutons pour être complet, que depuis 2016 les provocations et les violences policières ont rendu les mobilisations sociales bien plus difficiles. Le problème de l'autodéfense des manifestations va se poser à nouveau. Les blackblock devraient être incités très fermement à quitter nos manifestations. Eventuellement en leur fournissant de bonnes adresses de banques ou de locaux fachos, restons humains :)
Tels sont les défis qui nous attendent si l'on décide de sauver notre système de retraite. Et ne pas rééditer le fiasco de 2010 !
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