• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > R & D : un submersible supersonique

R & D : un submersible supersonique

Un article du South China Morning Post de mai 2024 rapporte qu'une équipe de chercheurs de l’Université de Harbin aurait amélioré l'efficacité de la propulsion d'un submersible en utilisant un revêtement de fibres optiques permettant de diriger l’onde de détonation produisant ainsi une poussée comparable à celle d’un moteur à réaction avec 70 000 newtons de force pour seulement deux mégawatts de puissance laser (pulsée). « ce qui mettrait le submersible supersonique Shanghai à San-Francisco (6000 milles) en 100 minutes » (sic).

La propulsion vise à l'application d'une force de sens opposé supérieure à la résistance à vaincre et au coefficient hydrodynamique. L'eau restant un milieu très dense, toute forme s'y déplaçant rencontre une résistance passive. La résistance augmente avec le carré de la section, mais l'effort croît avec le cube. Si je double la section la résistance sera multipliée par 2 x 2 soit 4, mais l'effort à fournir sera égal à 8. Si la densité du liquide favorise l'appui des pales des hélices, les formes du sous-marin et ses rugosités (aspérité, saleté) contribuent à séparer les molécules d'eau et à modifier l'écoulement des filets d'eau autour de la coque. L'écoulement peut être laminaire, les trajectoires des molécules restent parallèles entre elles, ou turbulent et aboutir à des remous. Ce point critique dépend du Cx, de la vitesse, de la viscosité du fluide et du nombre de Reynolds.

Il existe quatre méthodes de propulsion sous-marine : l'hélice, le jet d'eau (hydro-jet), la Magnéto Hydro Dynamique, et la super-cavitation (vitesse supérieure à une centaine de nœuds par heure). « Quand un fluide se déplace rapidement autour d'un objet, sa pression diminue sur les coins et les arêtes de l'objet. Quand la vitesse augmente, la pression de l'écoulement atteint la pression de vapeur saturante de l'eau et le fluide subit un changement de phase : l'eau se transforme en vapeur d'eau  ». Le phénomène de cavitation est à l'origine de « tourbillons qui perturbent l'écoulement de l'eau et le fonctionnement des pompes, des turbines, des hélices et source de bruits caractéristiques et endommagent hélice et coque. Les bulles de gaz implosent et de violentes ondes de choc qui déforment et érodent les coques ».

Dans le phénomène de super-cavitation une seule bulle entoure tout le sous-marin. Le submersible non soumis aux turbulences peut, en THÉORIE, se déplacer à la vitesse supersonique. Cela nécessite un propulseur capable de délivrer la poussée nécessaire. Sur les torpilles à super-cavitation, la poussée est limitée à quelques minutes, comme pour le lancement d'une fusée. La torpille Shkval (squale) développée par les Soviétiques dans les années soixante doit d'abord être propulsée à une soixantaine de nœuds afin de créer la bulle lui permettant d'atteindre la vitesse de 200 nœuds sur une distance de 12 milles. C'est ce type de torpille conçu à l'Institut ukrainien d'hydromécanique de Kiev qui fut à l'origine de l'accident survenu au Koursk. K-141 au mois d'août 2000 en mer de Barents.

L'approche décrite par l'Institut de technologie de Harbin (Chine) utilise un cône avant pénétrant à " museau " plat pour créer l'enveloppe de super-cavitation, et une « membrane aspergée en continu par liquide spécial qui réduit la friction à basse vitesse, et des lasers génèrent un plasma à l'origine d'une onde de détonation qui propulse le sous-marin. (...) Nous utilisons la théorie et la méthode de propagation directionnelle des ondes de détonation à travers un plasma induit par un laser à fibre sous-marin, dans le but d'améliorer les performances structurelles du coefficient de couplage de poussée et d'impulsion de la propulsion laser » (extrait du rapport chinois).

Hertz découvre l'effet photoélectrique en 1887 ; des électrons sont arrachés à une surface métallique lorsqu'elle est frappée par des ondes électromagnétiques. En 1913 Niels Bohr remarque que les atomes peuvent présenter des états différents, chacun pouvant présenter une certaine quantité d'énergie selon que l'atome est plus ou moins excité. Il n'y a pas de niveau intermédiaire, chaque atome passe brusquement d'un état à un autre. L'atome acquiert de l'énergie à la suite d'un choc avec un autre atome, ou lorsqu’il absorbe un rayonnement. Lorsqu’il perd de l'énergie sous forme d'un rayonnement lumineux, c'est sous forme d'un rayonnement de longueur stable (couleur uniforme). En 1917 Einstein démontre qu'on peut déclencher l'émission par un bombardement de rayons d'où Light Amplification by Stimulated Emission of Radiations.

L'Américain Townes et les Russes Basov & Prokhorov proposent dans les années cinquante d'employer le laser pour l'amplification des hyperfréquences (ondes électromagnétiques). Townes réalise les premières expériences avec des Ultra-Hight-Frequencies (ondes métriques). Un cristal de rubis artificiel attire les atomes sur des orbites instables en faisant circuler des micro-ondes dans le cristal. Lorsque les atomes sont suffisamment excités, une faible impulsion d'onde en UHF suffit à les repousser vers leur orbite initiale. Les atomes libèrent alors leur énergie sous forme d'un puissant faisceau de micro-ondes d'une seule longueur d'onde.

Si nous connaissons : solide, liquide et gaz, nous connaisson moins le plasma et l'état supercritique domaines de la physique quantique. Le développement de la physique des plasmas est la conséquence des premières découvertes de Langmuir en 1928 avec l'observation du comportement du gaz ionisé dans des tubes à décharge et les recherches sur les faisceaux d'électrons comme sources de rayonnement cohérent (klystrons). Dans les conditions de température et de pression standards les atomes se trouvent sous forme neutre, atomique ou moléculaire. En 1958 Townes et Schawlow travaillent sur un Microwaves Amplification by Stimulated Emission of Radiations optique fonctionnant dans la partie du spectre visible. Deux années plus tard, Maiman construit le premier laser en utilisant un cylindre de rubis artificiel dopé au chrome aux deux faces planes parallèles.

Le rubis de 4 cm de long est entouré d'un tube de flash formant une " queue de cochon " alimenté par haute tension. La décharge électrique (plusieurs milliers de volts) dans le tube empli de krypton (invention des frères Seguin 1925) ionise le gaz qui laisse passer une grande quantité de courant transformant le gaz incandescent en plasma. Les éclats lumineux excitent les atomes de chrome les faisant sauter d'un état énergétique à un autre plus élevé. Après quelques millièmes de seconde les atomes retrouvent leur état initial en émettant spontanément des photons (particules de masse nulle). Lorsqu'un photon percute un atome de chrome dont l'énergie est encore élevée, il stimule son passage vers un niveau inférieur entraînant la production d'un photon. Les atomes étant de même nature, tous ces photons sont identiques en fréquence, énergie et en phase mais émis dans toutes les directions. Un miroir et un miroir semi-réfléchissant formant la cavité résonnante les canalisent dans une direction privilégiée. " Seuls les photons ayant une direction perpendiculaire au miroir peuvent sortir de la cavité et produire un faisceau lumineux ". Les décharges électriques au sein du gaz entretiennent le " pompage optique " qui consiste à faire passer une majorité d'atomes dans un état excité afin qu'ils puissent émettre des photons en cascade. " La réflexion des photons et le pompage optique permettent d'entretenir l'amplification. " Le rayon pulsé ne se disperse pas, la lumière reste parfaitement rectiligne et le laser produit des éclats de couleur rouge dix millions de fois plus intenses que la lumière solaire.

La fibre optique fut utilisée pour la première fois en 1955, mais il faut attendre 1966 pour que des chercheurs de Standard Telecommunication laboratorie découvrent que les pertes de lumière dans les fibres sont la conséquence d'impuretés dans la silice. Quatre années plus tard Corning Glass livre des fibres d'une qualité suffisante pour assurer la transmission des impulsions lumineuses. Lorsqu'un faisceau pénètre dans la fibre, l'âme de celle-ci canalise le faisceau. Si la fibre guide la lumière selon les courbes sans entrainer de pertes d'intensité, reste à résoudre la dissipation de chaleur ; effet Doppler-Fizeau portant sur les atomes avec modulation de la longueur d'onde ?

L'adjectif supersonique n'est-il que de la poudre aux yeux ? Le mur du son est franchit lorsqu'un objet dépasse la vitesse du son (343 m/sec dans l'air à 15°C et au niveau de la mer). Le 14 octobre 1947, le pilote Charles Yeager de USAF franchi le mur du son à bord du bell X-S1 propulsé par une fusée. L'impulsion spécifique délivrée par un booster correspond à la poussée obtenue par unité de poussée divisée par les kilogrammes consommés par seconde (une fusée présente un Isp de 400). Imaginez le franchissement du mur du son dans un milieu 773 fois plus dense que l'air et dans lequel la célérité du son est d'environ 1.500 m/sec (celle-ci varie avec la température, la salinité et la pression (l'eau est faiblement compressible) !

La plupart des sous-marins modernes atteignent la vitesse d'une quarantaine de nœuds. Un submersible doit pouvoir, en cas d'urgence, d'évitement, dérobement, pistage ou combat virer de bord sur quelques degrés par seconde ! Les essais à grande vitesse du système à super-cavitation montrent un « battement de queue " contre la bulle de gaz... Comment maintenir le submersible dans sa bulle et virer avec sûreté ? Les submersibles sont équipés d'empennages de queue, de stabilisateurs, d'ailerons de proue, sur le kiosque et de safrans qui ont besoin d'être en contact avec l'eau. Si la cavité est perturbée, la surface au contact de l'eau augmente et la vitesse chute très soudainement. Si la bulle éclate le submersible est désintégré !

L'USNavy qui s'est intéressée à la super-cavitation au début des années 1950 y a renoncé, car seules les turbines à gaz à haut rendement et les dispositifs de propulsion par réaction brûlant des combustibles métalliques (aluminium, magnésium ou lithium) et utilisant l'eau environnante comme oxydant du combustible et réfrigérant des produits de combustion délivrent une puissance suffisante pour propulser des engins à super-cavitation à grande vitesse. Inconvénients des turbines à gaz, la présence de systèmes d'échappement et de prises d'air. Les États-Unis ont préféré s'orienter vers la furtivité avec les moteurs à high-temperature superconducting synchronous motors à aimants permanents et la mise au point d'un statoréacteur (propulseur à réaction sans organe mobile constitué d'une tuyère thermopropulsive ou entraînant l'aube d'une turbine) à eau.

Des experts restent très sceptiques. Un article similaire a été déjà publié dans les colonnes du South China Morning Post par le professeur Li Fengchen au mois de juillet 2014, et dans un autre article publié en 2017 d'annoncer que les sous-marins de type 095 (SNA) et 096 (SNLE) allaient recevoir un nouveau système de propulsion, l'Integrated Electrical Propulsion System ou « turbine à hydro-jet sans axe ». Deux anneaux entourent l'hélice, l'un renferme le rotor et l'autre le stator. Il n’y a pas d’axe ni de balais, peu de pièces en mouvements ce qui contribue à réduire la cavitation et les vibrations. Ce type de propulseur (pod) était déjà proposé par les Allemands et Néerlandais en 2010 !

Pour lancer une torpille ou un missile, un submersible doit réduire sa vitesse, remonter près de la surface (inclinaison positive), conserver une assiette stable, et compenser rapidement le délestage. Les pays capables de construire des submersibles à la pointe de la technologie se comptent sur les doigts d'une seule main. « Le sous-marin nucléaire d’attaque de classe Suffren est constitué de 700.000 pièces différentes, soit sept fois plus qu’un avion de ligne ». Les ingénieurs de l'empire du Milieu se sont-ils livrés à du reverse-engineering après avoir acquis des torpilles Shkval auprès d'une ex-république soviétique ou se sont-ils inspirés du Superkavitierender Unterwasserlaufkörper (corps sous-marin supercavitant) allemand ? S'agit-il d'un effet d'annonce, de recherche fondamentale, recherche appliquée, de développement expérimental ou de l'intox ? Je me suis efforcé de rendre compréhensible de nombreux points techniques sans avoir la certitude d'y être parvenu. Une correction, une précision, une remarque ?

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

 


Moyenne des avis sur cet article :  2/5   (20 votes)




Réagissez à l'article

10 réactions à cet article    


  • mmbbb 22 août 14:24

    Merci de votre article .

    Quant aux torpilles à cavitation, elles seraient à l origine de l accident russe le Koursk .

    Explosion de l une d elles .

    Quant à la technologie, on trouve maints articles sur ces nouvelles armes .

    Les russes prétendent mettre au point un avion hypersonique le MIG 41 , 4900 km heures 

    Lors du temps de la guerre froide , le MIG 25 terrifiait l occident .

    Lors d un détournement par un pilote russe fuyant , l URSS cet avion etait encore à lampes 

    Mais entre la théorie et la réalité , il y a souvent un abîme .

    Voir par exemple les supra conducteurs , entre le labo et les applications pratiques !

    Entre la propagande et l aboutissement reel technique !

    PS les américains ne sont pas capable de mettre au point le F35 malgré le coût exorbitant de l etude pres de 2 000 milliards .

    Et le revêtement particulièrement fragile , rend le taux de disponibilité asse moyen .

    In fine les technologies modernes augmentent considérablement les couts d etudes et de production .


    • saint louis 22 août 14:45

      En général, les chinois n’annoncent jamais leurs techniques innovantes avant de les maitriser.

      Nous serons fixés sur la réalité de ce programme dans les années à venir.


      • Mustik 23 août 12:39

        Bonjour,

        quelque chose m’a échappé dans le cadre de l’hypersonique, tu écris

        la vitesse de 200 nœuds sur une distance de 12 milles soit 102,8 m/s,

        or, la vitesse du son dans l’eau est bien supérieure : 1500 m/s


        • jjwaDal jjwaDal 23 août 12:51

          Je n’ai pas trouvé l’étude, vous ne fournissez aucun lien et sur le site de l’université, les publications et objets de recherche sont inaccessibles. On peut douter, alors que les USA sont virtuellement en train de mijoter une guerre avec la Chine que des recherches à portée militaire soient divulguées en libre accès sur le net. Mes recherches sur le South china Morning post n’ont rien donné.

          Il me semble me souvenir que des objets ont été détecté par des instruments militaires à des vitesses supérieures à 1000 km/h sous l’eau, mais personne n’imagine qu’ils sont d’origine humaine.




          • jjwaDal jjwaDal 25 août 18:58

            @Opposition contrôlée
            Merci mais je ne vois rien d’autre qu’un abime entre une recherche théorique et la mise en pratique sur des engins sous-marins.. Il y a 50 ans circulaient déjà de jolis plans (sur la comète) pour le voyage interstellaire (autre milieu) qui n’ont pas avancé d’un cm depuis. Je ne vais pas retenir mon souffle en attendant une application pratique.


          • jjwaDal jjwaDal 25 août 21:18

            @jjwaDal
            J’ai retrouvé une source ( à 45 minutes) que j’estime fiable parlant d’un objet observé se déplaçant sous l’eau entre 450 et 550 noeuds, soit entre 800 et 1000 km/h.
            Donc c’est possible. Comment cela l’est, je doute que quelqu’un sache.


          • Panoramix Panoramix 23 août 13:39

            Demain les vitesses super luminiques. Ça existe, même monsieur Spoke le sait !


            • Jean Keim Jean Keim 24 août 08:16

              Que serait le monde si tous les ingénieux savants et ingénieurs devenaient intelligents et œuvraient au bien être de la communauté humaine et de son environnement •••

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité




Palmarès



Publicité