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Pourquoi l’Occident, instrument de l’histoire, ne comprend pas la marche de l’histoire ? Un ordre naturel non perçu mais l’est a posteriori

Oswald Spengler, dans son ouvrage, en 1919 « Le déclin de l’Occident », s’est interrogé sur l’histoire : « Existe-t-il une logique de l'histoire ? Y a-t-il, par-delà tout le fortuit et tout l'imprévisible des événements particuliers, une structure pour ainsi dire métaphysique de l'humanité qui soit essentiellement indépendante de tous les phénomènes visibles, populaires, spirituels et politiques de la surface ? Qui soit au contraire la cause première de cette réalité de second ordre ? Est-ce que les grands traits de l'histoire universelle n'apparaissent pas toujours au regard du clairvoyant sous une forme qui autorise des déductions ? Et dans l'affirmative, à quoi se réduisent ces déductions ? (...) En un mot, y a-t-il, au fond de tout ce qui est historique, des formes biographiques primaires et universelles ?

Le déclin de l'Occident, phénomène d'abord limité dans l'espace et le temps, comme le déclin de l'antiquité qui lui correspond, est, on le voit, un thème philosophique qui, si on l'entend dans sa gravité, implique en soi tous les grands problèmes de l'être. » (1)

Comme l’écrit Oswald Spengler, il y a des causes qui n’apparaissent pas au regard de l’observateur, qui pourtant concourent à la marche du monde. Une nation, par exemple, qui perdurerait au-dessus des autres nations rendrait tout simplement l’histoire de l’humanité stérile et fausserait le sens même de l’existence humaine. Et c’est la raison pour laquelle l’humanité est une et indivisible dans sa diversité, et elle est de même essence. 

C’est précisément dans cette diversité des peuples pourtant liés par leurs destins et leur histoire qui nous amène à analyser la dynamique de la période contemporaine qui a suivi le Premier Conflit mondial, un événement qui a non seulement marqué le monde mais a véritablement ouvert la voie au monde d’aujourd’hui.

Aussi interrogeons-nous sur le déclenchement de la Première Guerre mondiale (1914-1918). Pouvait-il être fortuit, c’est-à-dire relevant du hasard et de la seule volonté des empereurs d’Europe ? Les empereurs européens ont certes provoqué la Première Guerre mondiale, mais dans leurs plans, il n’était pas question d’entraîner leur perte, et le démembrement de leurs empires. Mais ce qu’ils ne savaient pas, c’est qu’il y a dans « l'imprévisible des événements particuliers, une structure pour ainsi dire métaphysique de l'humanité qui, essentiellement indépendante des hommes, est la cause première qui fait avancer le monde. » C’est ce qu’Oswald Spengler voulait dire de la marche du monde, dans le sens que « le déclin de l’Occident est inscrit dans l’universalité. »

Donc ce premier événement qui a marqué le monde qui n’était ni prévu ni pensé par les acteurs du moment, par son ampleur, a non seulement bouleversé l’Europe et ses empires mais a ouvert un processus qui allait changer la carte du monde. A cette époque, pratiquement toute l’Afrique et une grande partie de l’Asie étaient colonisées par les grandes puissances européennes ; des peuples sans droits humains, vivant sous le diktat des grandes puissances européennes ; la région balkanique de l’Europe était aussi sous tutelle des puissances européennes.

De là, on comprend que la succession des événements dans l’histoire ne relève pas des puissances même si elles ont été les principaux acteurs, mais de ce que le Premier Conflit mondial a produit. Trois empires démembrés (allemand, austro-hongrois et ottoman) et plusieurs États créés, en Europe centrale et du Nord et dans les Balkans créés (9 Etats sont créés en Europe). Mais le plus important, c’est que la Première Guerre mondiale va amener tous les pays colonisés à revendiquer leur indépendance. Le monde donc progressait, l’espoir revenait aux peuples d’Afrique et d’Asie.
 

  1. Les raisons de la crise financière de 1929 et la Grande Dépression des années 1930

 

 Une décennie après le Premier Conflit mondial passe qu’éclate un deuxième événement inattendu qui va changer le cours de l’histoire. C’est la crise financière de 1929, suivie de la Grande dépression des années 1930.

La question qui se pose : Comment est-ce possible une décennie après la Première Guerre mondiale alors que les blessures physiques et morales dues à la guerre n’étaient pas cicatrisées que de nouveau s’ouvre une période d’incertitude qui va mettre à néant la Paix de Versailles ? Le traité de Versailles âprement négocié entre les belligérants et signé en 1919 a amené les pays vainqueurs à imposer leur diktat aux pays vaincus. Cependant, en imposant leur diktat à l’Allemagne, les pays vainqueurs ignoraient qu’ils préparaient une nouvelle guerre encore plus meurtrière ? Pouvaient-ils le savoir ? S’ils le savaient, ils auraient certainement tout fait pour que cette guerre ne puisse arriver ; mais ils ne le savaient pas et ne pouvaient pas le savoir.

D’autre part, savaient-ils comment la guerre va être provoquée ? Non plus, ils ne savaient pas. Est-ce que cela relève de la fatalité due à l’inconscience des gouvernements des puissances ? Ou est-ce que ces événements entrent dans un processus caché mais naturel en vue d’une finalité que n’ont pas vu ceux qui gouvernent ? En réalité, ce n’est ni la fatalité ni un processus caché mais simplement la rationalité de la marche de l’humanité qui n’était pas perçue ni ne pouvait être perçue.

Comme énonce Hegel : « Dieu n’est pas l’enfant héraclitéen qui joue aux dés. (...) Ce monde du tourment et du souci n’est pas extérieur à Dieu comme s’il était indépendant de lui ; on ne peut pas non plus l’imputer à l’homme et à ses limitations, comme si l’homme était un être à part ou pouvait être quoi que ce soit indépendamment de la volonté de Dieu. » (2)

L’homme en tant qu’être créé par Dieu, pourrait-il s’éloigner de Lui ? Il est évident que Dieu est omniprésent en lui sauf que l’homme ne le sait pas. Le fait même que l’homme pense sa pensée dont il ne sait rien de son origine est suffisant pour dire que l’homme n’est pas libre totalement ; et c’est le libre-arbitre octroyé à l’homme qui donne sens à son existant.

Par conséquent, tout événement qui arrive à l’humanité a un sens. La crise boursière qui a fait irruption en 1929 avait donc un sens ; le processus qui l’a engendré est pour ainsi dire parlant. Les États-Unis, durant la guerre, ont suppléé à la baisse de la production des pays d’Europe en guerre, et par une production massive, le progrès technologique aidant, ils sont devenus la première puissance économique mondiale. En aidant les pays d’Europe à se reconstruire, les États-Unis ont mis à profit les débouchés que leur offrait l’Europe dévastée par la guerre, pour maintenir leur croissance économique. Et donc l’Europe leur a évité une contraction de leur potentiel industriel et manufacturer, et un chômage massif.

D’autre part, la menace soviétique était une réalité. Le risque que l’Europe devienne après la guerre « communiste » était une donnée stratégique majeure. L’endiguement de la menace soviétique était d’une absolue nécessité. La même politique s’appliquait à l’Allemagne, la sauver à tout prix du communisme. L’Allemagne profitait de cette générosité au point que ce qu’elle recevait des subsides des États-Unis, elle les versait à la France à titre de réparations de guerre. L’enjeu pour l’Amérique était donc double, maintenir son soutien à l’économie par les débouchés européens et endiguer la menace communiste.

Une Allemagne communiste entrainerait toute l’Europe continentale à embrasser le communisme, ce qui isolerait l’Amérique ; ce qui ressortirait en conséquence seraient insupportables pour les États-Unis, qui se retrouveraient confrontés à des régimes communistes en Europe pouvant s’étendre en Amérique du Sud.

Ainsi se comprend la montée en puissance de l’Europe, et l’aide américaine pour l’Allemagne et le renforcement du mouvement national-socialiste (nazi). Mais, le problème est qu’après la reconstruction, l’Europe, redevenue une puissance industrielle et manufacturière, se transforme en concurrent pour les États-Unis sur le marché mondial. La situation d’impasse dans laquelle va se trouver l’économie occidentale aura de graves conséquences sur leur production, les débouchés se restreignant de plus en plus.

Si le Japon en cours d’expansion coloniale en Asie, les France et l’Angleterre ont leurs empires coloniaux en Afrique et en Asie, de même que les autres pays d’Europe qui ont des colonies, la situation est autre aux États-Unis. De première puissance industrielle mondiale, et ses débouchés dans le monde qui baissent considérablement, et pose la question : comment écouler leur formidable production industrielle et manufacturière face aux concurrents européens et japonais ?

D’autre part, comment les trois pôles de puissance économique pourront « consommer » la formidable production de richesses qu’ils produisent alors que les trois-quarts de l’humanité ne comptent pas dans la consommation mondiale ? Ces trois-quarts de l’humanité sont soit colonisés, donc spoliés de leurs richesses de leurs terres (minerais, énergies fossiles, produits agricoles, etc.) acheminées vers l’Occident et du travail des peuples colonisés (main d’œuvre pratiquement gratuite et corvéable), soit dominés comme les pays d’Amérique du Sud qui sont indépendants mais vivent dans la pauvreté.

Pour les États-Unis, le seul moyen était de masquer cette situation d’impasse économique, après que l’Europe s’est reconstruite et repris ses parts de marché dans le commerce mondial, a été la spéculation en Bourse. Et la spéculation boursière a duré jusqu’à ce que la Banque centrale américaine augment le loyer de l’argent, i.e. le taux d’intérêt directeur (de refinancement des banques) pour mettre fin à cette « ivresse spéculative » qui risquait d’emporter l’économie américaine au désastre.

En fait, la Réserve fédérale US ou Banque centrale américaine n’a fait qu’anticiper le désastre. C’est ainsi qu’en octobre 1929, éclatait, à Wall Street (New York), la plus grave crise boursière de l’histoire américaine et du monde. Elle sera suivie de la Grande dépression économique des années 1930.

On peut s’interroger pourquoi la Grande dépression des années 1930 a été si longue ? La réponse parle d’elle-même. Pourquoi produire et pour qui produire si les débouchés n’existent pas ? Ce qui ne fera qu’augmenter la création de richesses qui ne pourront être consommées, tout au plus provoqueront une surproduction et qui sera jetée à la mer comme cela s’était opéré pour les grandes firmes industrielles et agricoles dans les années 1930.

La réponse se trouve dans « les trois-quarts de l’humanité qui ne consomment pas, ils sont colonisés ou dominés. » Cette situation de crise de la consommation mondiale entraînera une chute drastique de la production mondiale et poussera au chômage de masse en Occident ; des dizaines de millions seront mis au chômage ; aux États-Unis, ils seront plus de 15 millions ; en Allemagne, 6 millions. Il est évident que le monde tel qu’il était structuré était mal parti, et l’économie mondiale ne pouvait être viable.
 

  1. L’avènement d’Hitler, une « ruse de la Raison ou nécessité de l’Histoire » dans le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale ?

 

 Le troisième événement sera le précurseur d’une transformation radicale de l’état du monde. La crise de 1929, le chômage massif qui a suivi en Occident, plus de quinze millions aux États-Unis, le protectionnisme poussant chaque puissance à se replier sur son empire, ont eu des conséquences désastreuses sur l’économie occidentale et mondiale. Et ce qui devait arriver est arrivé.

Les 6 millions de chômeurs allemands ouvrirent le pouvoir au parti national-socialiste des travailleurs allemands. Hitler devient chancelier de l’Allemagne le 30 janvier 1933. Un pays qui a perdu tout son empire, sous le diktat du traité de Versailles, des millions de chômeurs allemands, ne pouvait que mal évoluer ; la militarisation de la société allemande et les revendications territoriales constitueront les bases de la politique belliqueuse d’Hitler ; elles pousseront les pays d’Europe à la guerre. Hitler n’a trouvé qu’une opportunité dans la crise économique mondiale pour se mettre en selle et mettre en pratique son pangermanisme comme il est édicté dans son livre, « Mein Kampf », rédigé lors de son incarcération en 1923-1924.

Avec la reprise économique à marche forcée et le chômage pratiquement résorbé, l’Allemagne, sous un régime nazi totalitaire – l’hitlérisme – prônant la race aryenne allemande supérieure aux autres races, la recherche de créer un espace vital pour le peuple allemand (annexion de plusieurs territoires européens) et toujours dans l’obsession de prendre sa revanche sur les vainqueurs de la Première Guerre mondiale, ne pouvait qu’enclencher un nouveau conflit mondial, bien plus meurtrier que le premier. 

Dix mois après le début de la Deuxième Guerre mondiale, Hitler lançait, le 19 juillet 1940, un « dernier appel à la raison » aux grandes puissances, surtout à l’Angleterre qui résistait à l’Allemagne. Dans un discours prophétique devant l’assemblée du Reichstag, à l'Opéra Kroll, il dit : « (...) Celui qui compare les facteurs d’où est sorti ce règlement de comptes, avec l’ampleur, la grandeur et la portée des événements militaires, doit reconnaître qu’il n’y a aucune proportion entre les épisodes et les sacrifices de cette lutte et les raisons qui l’ont provoquée, à moins que ces raisons n’aient elles-mêmes été que les prétextes pour réaliser des intentions cachées. (...)

Un dernier appel au bon sens, surtout à celui des Anglais. (...) Et Mr Churchill devra m’en croire cette fois peut-être, par exception, lorsqu’en prophète je prévois qu’un grand empire mondial sera détruit. Un empire mondial qu’il n’a jamais été dans mes intentions d’anéantir ou de léser en quoi que ce soit. Seulement je ne me dissimule en aucune façon que la continuation de cette lutte ne pourra se terminer que par la destruction intégrale de l’un des deux adversaires. A Mister Churchill de croire que ce sera l’Allemagne qui sera détruite ; je sais, moi, que sera l’Angleterre.

 A cette heure je me sens tenu en conscience d’adresser une fois encore un appel à la raison, à celle de l’Angleterre. Je crois pouvoir le faire parce que je ne sollicite pas en vaincu mais je parle raison en vainqueur. Je ne vois aucun motif qui puisse contraindre à poursuivre cette lutte.

Je plains ceux qui en seront des victimes. A mon propre peuple, je voudrais aussi épargner ces sacrifices. (...) Mais je sais aussi qu’il y a chez nous, au foyer, bien des femmes et des mères qui, tout en étant sincèrement prêtes à sacrifier ce qui leur est le plus cher, n’en sont pas moins attachées de tout leur cœur à ces êtres aimés. » (4)

 Que peut-on dire ce discours ? Quand on sait que le nazisme prône la supériorité de la race aryenne dont les Allemands sont censés être issus, l’extermination des Juifs, et l’espace vital, il est clair que son discours ne pouvait porter dans son appel à la raison. D’ailleurs, en 1941, Hitler envahit l’Union soviétique.

Cependant, on ne peut ne pas remarquer ce qu’il a énoncé « à moins que ces raisons n’aient elles-mêmes été que les prétextes pour réaliser des intentions cachées », et là, on entre dans l’indicible, dans l’intention cachée, puisqu’il prophétise « la continuation de cette lutte ne pourra se terminer que par la destruction de l’un des deux adversaires. » Et c’est ce qui est arrivé. Si l’Allemagne a été détruite et occupée après 1945, l’empire anglais lui aussi a été détruit ; l’inde et le Pakistan accédèrent à l’indépendance ; puis suivit un formidable mouvement de décolonisation à partir de 1947 qui emporta tous les empires occidentaux.

Donc tout ce qui s’est produit entre 1914 et 1945 est rationnel. La Première Guerre mondiale, la crise de 1929 et la Grande dépression qui a suivi et l’appel à la raison d’Hitler en 1940 qui n’a été qu’une ruse de l’histoire, nous font dire qu’Hitler lui-même a été une « ruse de la raison qui gouverne l’Histoire du monde » dans le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale.

Comme l’écrit Hegel « L’intérêt particulier de la passion est donc inséparable de l’affirmation active de l’Universel ; car l’universel résulte du particulier et du déterminé, et de leur nation. Le particulier a son propre intérêt dans l’histoire ; c’est un être fini et en tant que tel il doit périr. C’est le particulier qui s’use dans le combat et est en partie détruit. C’est de ce combat et de cette disparition du particulier que résulte l’universel. Celui-ci n’en est point troublé. Ce n’est pas l’Idée qui s’expose au conflit, au combat et au danger ; elle se tient en arrière hors de toute attaque et de tout dommage et envoie au combat la passion pour s’y consumer. On peut appeler ruse de la Raison le fait qu’elle laisse agir à sa place les passions, en sorte que c’est seulement le moyen par lequel elle parvient à l’existence qui éprouve des pertes et subit des dommages. Car c’est seulement l’apparence phénoménale qui est en partie nulle et en partie positive. Le particulier est trop petit en face de l’Universel : les individus sont donc sacrifiés et abandonnés. L’Idée paie le tribut de l’existence et de la caducité non par elle-même, mais au moyen des passions individuelles. » (3)

Ce qu’écrit ici Hegel explique d’une manière magistrale l’avènement d’Hitler et le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale et « pourquoi plus de 50 millions d’êtres humains sont morts pour qu’un nouvel état du monde plus juste naisse. » Force de dire donc que quoi que fasse l’Humanité, tout événement qui lui arrive relève en fin de compte de l’Idée, qui lui revient de structurer la marche du monde. Et les peuples ne peuvent rien comme leurs dirigeants, quelles que soient les ambitions, les passions, ils sont assujettis à l’Universalité de la marche de l’histoire.

On comprend dès lors que les trois événements étaient nécessaires pour changer le monde. Avant les guerres, chaque puissance cherchait à préserver son empire, et l’Allemagne cherchait à agrandir son empire sur leurs empires, au besoin par la guerre. A la fin, toutes les puissances ont perdu leurs empires (français, anglais, belge, portugais, espagnol...) après 1945 comme cela fut, après le Premier Conflit mondial, pour les empires (allemand, austro-hongrois et ottoman).

L’histoire du monde a un sens, une finalité, aucun événement qui marque l’humanité ne relève du hasard, au contraire, tout événement participe au progrès universel du monde. Qu’on l’accepte ou non, il existe un ordre naturel, providentiel dans la succession des événements historiques c’est cet ordre qui n’est pas perçu a priori mais l’est a posteriori qui régit le monde. Les puissances occidentales pourraient-ils le comprendre ? 
 

  1. Les zones d’influences post-indépendances et les dictatures militaires essaimées à travers monde dans un contexte extrême de guerre froide

 

Comme on l’a énoncé, l’histoire du monde est rationnelle. Et si la Terre tourne avec la précision d’un métronome, et personne ne peut en disconvenir, la « rotation de l’humanité sur elle-même dans le temps » n’est pas loin, sauf qu’elle a un degré de liberté qui lui aussi est géré indiciblement par l’Universel, par le Principe du monde éternel. Pour ce qui va suivre, nous tentons de montrer que dans les événements historiques qui se succèdent, l’histoire en fait est en tout rationnelle ; elle est positive et c’est ce qui caractérise son caractère universel.

 En revenant aux deux Guerres mondiales, il faut se dire qu’elles ne sont pas venue ex nihilo, mais ont été l’œuvre des hommes, l’œuvre des dirigeants des grandes puissances européennes. Mais une guerre est une guerre, a fortiori une guerre mondiale. Les puissances victorieuses comptaient pour un quart de l’humanité ; les trois-quarts monde dominés ne comptaient ni politiquement ni économiquement sur le plan mondial. Asservis, ces pays étaient des territoires et des peuples enfermés dans une colonisation indigne ne respectant l’humain. Les autochtones assimilés par les colons à des indigènes qui n’ont ni droits ni dignité tout au plus des peuplades bonnes à être exploitées.

C’est ainsi qu’après la Deuxième Guerre mondiale, les puissances européennes de nouveau sortirent « très éprouvées » par les destructions et les pertes humaines. Comme après la Première Guerre mondiale, les États-Unis les aidèrent de nouveau à se reconstruire, et toujours pour les mêmes enjeux. Les pays d’Europe représentaient des « débouchés vitaux pour l’économie américaine. » Sans ces débouchés, l’Amérique serait obligée de diminuer la voilure de son industrie et son agriculture, le marché extérieur ne portant plus comme en temps de guerre. D’autre part, l’Europe, endettée par les dépenses de guerre, ne pouvait pas payer, et c’est là ou entrent les aides massives américaines dont les effacements partiels des dettes et le Plan Marshall.

Et « la générosité de l’Amérique n’était pas gratuite », c’était dans son intérêt ; en plus que l’Europe par ses débouchés évitait de graves dommages à l’économie américaine, et donc une contraction du potentiel industriel et un chômage de masse ; cette même aide américaine permettait d’éviter à l’Europe de céder au chant des sirènes du communisme ; ce qui serait une catastrophe pour les États-Unis, d’où la nécessité urgente d’« endiguer la menace communiste. »

Mais cette situation n’a fonctionné qu’un temps. Les pays d’Europe reconstruits, reprenant leurs parts de marché dans le commerce mondial, se sont transformés de nouveau, comme après le Premier conflit mondial, en concurrents pour l’Amérique. Mais, contrairement à la fin des années 1920 qui a vu éclater la crise boursière de 1929, l’accession à l’indépendance du Pakistan et de l’Inde en 1947, suivi d’un formidable mouvement de décolonisation, a au contraire permis d’« étirer la croissance économique mondiale. » Plus de 100 pays ont accédé l’indépendance, dopant par leurs besoins pour édifier leurs pays la demande mondiale, et donc la croissance de l’économie mondiale.

Période qualifiée par les économistes occidentaux les « Trente Glorieuses » ; et les économistes occidentaux ont entièrement raison, les Trente Glorieuses le doivent surtout à la libération des trois-quarts monde qui ont commencé à consommer des produits occidentaux, en « humains libérés, souverains, recouvrant leur dignité d’êtres libres, qui ont importé mais en échange de leurs richesses minières, agricoles et la force de leurs bras pour les produire avec l’aide occidentale « rémunérée ». 

Si, sur le plan économique, la situation a mieux évolué, sur le plan géopolitique, elle a été très instable. La conférence de Yalta en février 1945 qui a été déterminante dans le nouvel ordre mondial d’après-guerre eut pour effet la création de deux zones d'influence dues à l’émergence de deux grandes puissances, les États-Unis et l’Union soviétique. Comme naguère au temps du nazisme et du fascisme face aux empires de l’Ouest, de nouveau le camp occidental face au camp communiste, un combat idéologique contradictoire qui fait que chaque camp luttait contre l’autre. Tout recul de l’un mettait sa propre existence en péril.

La politique d’endiguement des États-Unis de la menace communiste que faisait planer l’Union soviétique aidée en cela par l’avènement de la Chine communiste qui se proclame République populaire de Chine (RPC), en 1949, aura de graves conséquences sur les pays de la périphérie des puissances communistes en Asie. Ce sont surtout eux qui paieront le lourd tribut à la politique d’endiguement américaine. Deux guerres atroces ont marqué l’Asie, d’abord, en 1950, la guerre de Corée, et la guerre du Vietnam, en 1964. Les États-Unis subiront une débâcle militaire au Vietnam.

Cette bipolarisation du monde eut pour conséquence d’essaimer partout des dictatures militaires dans le reste du monde. Les coups d’État étaient légion dans les pays du tiers monde. Y compris au sud de l’Europe dans les années 1970 et dans les pays latino-américains qui pourtant ont eu leur indépendance au début du XIXème siècle, donc des États qui ont environ 150 ans d’existence. Un profond fossé séparait un Occident riche et développé et un tiers monde sous-développé. Les peuples de ces nouveaux États n’avaient d’alternative que de se soumettre aux régimes politiques militaires, soutenus tous par leurs protecteurs respectifs – les grandes puissances – selon le camp occidental ou communiste auxquels ils se rattachent.

On comprend dès lors les crises à répétition et les guerres dans ces pays, conséquences de la « guerre froide ». Une paix armée avec une pléthore d’arsenaux de missiles nucléaires déployés sur le monde et une guerre froide poussée à l’extrême ne pouvaient qu’avoir une incidence négative sur l’existence des peuples du tiers monde. Certes libérés, mais toujours en confrontation avec les forces subversives déstabilisatrices externes.

Au final, que peut-on dire de la décolonisation ? Les faits historiques parlent d’eux-mêmes. D’une situation d’indigènes, sans droits, sous le joug des puissances colonisatrices, la décolonisation qui a permis à ces peuples de recouvrer leur indépendance les a mis, dès le départ, entre l’enclume et le marteau. Comment sortir de la misère économique si, dès le départ, ils sont confrontés à une guerre froide qui fait rage entre les deux camps, et qui obligent ces peuples à choisir leur camp ? Et cela passe par des systèmes politiques autoritaires imposés qui font que les peuples ne peuvent résister, sinon se soumettre, parce que telle était configurée l’architecture mondiale du temps de la guerre froide.

D’autre part, ces pays nouvellement indépendants ne disposaient ni d’industrie ni d’une élite pouvant les inscrire dans le développement. Donc, tout est à construire et une situation économique difficile qui n’apporte pas beaucoup d’espoir à leurs peuples.

Si les guerres de Corée et du Vietnam ont été néanmoins bénéfiques pour les pays asiatiques alliés à la puissance américaine, le Japon a vite été reconstruit et s’est imposé dès les années 1960 en grande puissance économique, la Corée du Sud, Taïwan, et d’autres pays asiatiques ont profité des aides américaines dans le contexte de la guerre froide, cela n’a pas été le cas pour les pays de la périphérie du camp socialiste, leurs économies sont restées précaires.

Dans le monde arabe, le même processus. Tout d’abord, la création de l’Etat d’Israël en Palestine qui a provoqué plusieurs guerres au Proche et au Moyen-Orient a permis paradoxalement de réveiller le monde arabe. Elle l’a sorti d’une longue léthargie historique d’abord sous l’empire ottoman, puis sous les empires européens. Sorti de la colonisation, le monde arabe s’est trouvé lui aussi divisé en deux camps, les monarchies arabes dans le camp américain, les pays progressistes dans le camp socialiste. Le monde arabe, bien qu’il ne soit pas industrialisé et dépend des biens et services importés, a cependant deux atouts importants qui jouent en sa faveur : le premier, et c’est un paradoxe, les guerres qu’il a menées contre Israël vont l’endurcir au point qu’il aura à jouer un « rôle central » dans l’équilibre de puissance dans le monde ; le second les gisements de pétrole dans son sous-sol, qui sont les plus grands du monde ; ce qui fait son importance centrale entre le camp occidental et le camp communiste.

Les pays arabes continueront à s’armer devant les menaces des deux camps qui pèsent sur eux. Après la guerre du Vietnam, tous les conflits vont se concentrer dans le monde arabe. Il deviendra une aire centrale de confrontation pour toutes les grandes puissances du monde. La question qui se pose, pourquoi le monde arabe est dans cette situation ? Pourquoi il est devenu une aire de confrontation pour les grandes puissances ? Est-ce le pétrole ?

Pourtant l’or noir, en tant que matière première énergétique commercialisable et libre dans le commerce mondial, ne peut expliquer à lui seul cette concentration de forces étrangères en son sein. Comment comprendre que le monde arabe se trouve dans cette situation d’instabilité permanente faite de crises et de guerres ? Même la création de l’État d’Israël implanté par la guerre et les guerres qui ont survenu ne peuvent l’expliquer.
 

  1. L’Empire-dollar et les quatre royautés monétaires (4+1) régnant sur le monde. Le clash entre les États-Unis et l’Europe sur le dollar

 

 Pour comprendre la complexité du monde arabe, il faut remonter à l’année 1944. En pleine guerre mondiale (à moins d’un an de se terminer), les États-Unis ont pris les devants pour mettre en place une organisation monétaire mondiale afin de stabiliser le système monétaire mondial et favoriser la reconstruction et le développement économique des pays touchés par la guerre. Les accords de Bretton Woods, signés en juillet 1944 par 44 nations alliés, un observateur soviétique était présent, instaurèrent le dollar US comme « monnaie internationale » pour l’après-guerre. Adossé à 35 dollars l’once d’or, le dollar américain qui était aussi bon que l’or, et par la confiance qu’il inspira, est devenu la monnaie internationale par excellence. De plus des organisations mondiales tels le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale... ont été prévu dans les accords de 1944.

Et les « accords de Bretton Woods en 1944 dont l’instauration du roi dollar-or dans le monde » constituèrent un événement central dans la marche du monde ; ils auront des conséquences considérables dans l’évolution du monde.

Un point cependant important à souligner est que, par les accords de Bretton Woods, les États-Unis se sont octroyés le « droit de seigneuriage » sur le monde. Et il faut comprendre le droit de seigneuriage non comme il est défini habituellement, qui vient de l’instance qui créé de la monnaie, mais de la place du dollar US qui domine toutes les monnaies internationales dans le commerce mondial.

Pour imager, cela signifie que, par le dollar-or américain, le monde est devenu un immense royaume et les États-Unis détiennent la royauté et même aujourd’hui, puisqu’ils étaient seuls à avoir le pouvoir d’émission monétaire, les autres pays du monde qui s’apparentaient à des sujets à ce pays-roi, émettaient leurs monnaies domestiques sur la base de leurs réserves de change en dollar et or qu’ils avaient dans leurs coffres auprès de leurs Banques centrales.

Les quantités de monnaies domestiques (nationales) émises par ces pays s’opéraient au prorata des réserves de change qu’ils détenaient. Si les pays abusaient de la planche à billets sans couverture suffisante en dollars et or, il se produisait dans les pays concernés inflation et hausse des prix, et le risque d’une spirale inflationniste aboutissant à de graves crises politiques et économiques.

L’Union soviétique avait aussi instauré le rouble-or mais restait très limité dans l’emploi international, utilisé surtout par les pays d’Europe de l’Est dans leurs échanges.

Mais si le dollar-or-roi octroyait des avantages considérables à la première puissance mondiale sur le plan économique, financier et monétaire et était librement convertible, les États-Unis, avec les guerres en Asie et dans d’autres parties du monde, vont se retrouver concurrencés dès les années 1960 par les pays d’Europe, et perdre beaucoup de parts de marché dans le commerce mondial. En effet, après la reconstruction, la remise à niveau et leur essor économique, les pays d’Europe commencent à peser sur le marché mondial.

Précisément, la « création du Marché commun (Europe des Six en 1957) et le retour à la convertibilité-or des grandes monnaies européennes en 1958 » sera déterminante dans les développements politiques et économiques dans les années 1960 et 1970 pour l’ensemble des nations du monde.

Une question cependant : Que sera le véritable sens du « retour des grandes monnaies européennes à la convertibilité-or en 1958 ? » De nouveau la convertibilité des monnaies européennes depuis la Deuxième Guerre mondiale ? Quel sens pour les États-Unis et le reste du monde hors Europe et hors-États-Unis ?

Pour imager le retour de convertibilité de monnaies européennes, si les États-Unis constituent avec le roi dollar-or, un « Empire monétaire » sur le monde puisqu’ils régnaient pratiquement sans partage sur le monde depuis 1945, le retour de la convertibilité en or de la livre sterling, du franc français et du deutschemark allemand de la RFA faisait du Royaume-Uni, de la France et de la République fédérale allemande des pays concurrents à l’Amérique sur le plan financier et monétaire international.

En procédant à la convertibilité monnaies en or, le Royaume-Uni, la France et la RFA deviennent de facto des émetteurs de monnaies internationales à l’instar des États-Unis avec le dollar. Dès lors, le monde n’est plus régi par un Empire monétaire mondial, les États-Unis en l’occurrence, mais par un Empire partageant le « droit de seigneuriage » avec trois Sous-Empires sur le plan financier et monétaire, ou simplement dit trois royautés.

Certes, les trois nouvelles royautés sont plus faibles dans le volume des liquidités monétaires en circulation dans le monde, il reste cependant qu’elles partagent même inégalement, selon leurs tailles respectives dans le commerce international, avec les États-Unis le « droit de seigneuriage » sur le monde.

Le monde, qui était constitué de 82 pays en 1958, est passé à 99 pays en 1960. Ce qui signifie qu’en 1960, les pays qui étaient au nombre de 95 dépendaient des cinq monnaies mondiales, en comptant le Japon avec les trois puissances européennes et les États-Unis, « 4+1 », pour leurs échanges extérieurs. Pour avoir une idée de l’importance des pays à utiliser le dollar et les autres monnaies internationales, en 2011, les pays sont passés de 99 en 1960 à 193 pays, le 14 juillet 2011.

Si on soustrait les pays de la zone euro qui sont 20 membres – la Croatie a intégré la zone euro, le 1er janvier 2023 –, les États-Unis, le Royaume-Uni et le Japon, la Chine en 2011 n’avait pas encore de monnaie internationale agréée par le FMI, du nombre total des pays à cette date, c’est 170 pays qui utilisent ces monnaies (dollar, euro, livre sterling et yen). Aujourd’hui, le nombre de monnaies internationales est passé à cinq avec le yuan chinois, depuis son entrée dans le panier du DTS du FMI, en octobre 2016.

Dès lors ces pays ont une liberté totale pour augmenter ou diminuer la masse monétaire dans le monde selon qu’ils dévaluent ou réévaluent leurs devises internationales, en injectant plus de liquidités ou en restreignant les injections monétaires. Les pays du reste du monde sont tenus de fixer leurs monnaies nationales sur le panier de ces monnaies internationales et l’or selon les quantités disponibles auprès de leurs Banques centrales, et selon les taux de change ; si, par exemple, pour un pays, le dollar est majoritaire dans leurs réserves de change, et que le dollar subisse une dévaluation drastique, ce pays subit une forte perte de ses réserves de change que par la dévaluation de cette monnaie majoritaire puisque la réévaluation des autres monnaies internationales(livre sterling…) restent minimes du fait qu’elles comptent peu dans le panier de monnaie de réserve de ce pays.

Pour cause, c’est ce qui est arrivé à l’union soviétique, avec les accords de Plaza, à New York, en septembre 1985, qui ont décidé une dévaluation drastique du dollar US qui est passé plus du double de 1980 à 1985 ; le dollar US est passé de 4 Fr, en 1980, à 10 Fr, en 1985 ; les grands Banquiers centraux du monde, essentiellement occidentaux, ont décidé un « atterrissage en douceur du dollar américain. Conséquence : l’URSS a enregistré des pertes drastiques de ses réserves de change ; des pertes qui, il faut rappeler, ont beaucoup joué dans l’éclatement de la deuxième puissance du monde, à l’époque, en décembre 1991.

C’est dire l’importance du système monétaire international qui impacte les échanges économiques internationaux et qui relève essentiellement des politiques monétaires discrétionnaires menées par les grandes Banques centrales du monde. Dès lors, par ce statut seigneurial qui est unique pour les Banques centrales occidentales, depuis 1945, toute action concertée pour éviter des turbulences entre elles puisqu’elles ont tout à gagner relève précisément du « droit de seigneuriage » qu’elles ont sur le monde.

Mais cette action concertée a des limites lorsqu’une partie « abuse » dans la création monétaire, et qui déstabilise ses autres partenaires. En effet, combien même les États-Unis détiennent la part la plus importante du droit de seigneuriage, ils sont limités par le stock d’or qu’ils détenaient dans les années 1960.

En effet, par la compétitivité commerciale, les pays d’Europe ont accumulé des excédents commerciaux appréciables sur les États-Unis, et donc accumulé beaucoup d’or au détriment de l’Empire ; le stock d’or américain ayant beaucoup diminué, les Américains ont continué à émettre des dollars pour financer leurs déficits extérieurs, qui sont devenus structurels, dus à une forte consommation et des investissements intérieurs ; des liquidités considérables de dollars américains ont été émises et qui étaient censées être convertibles en or, sauf qu’elles ne l’étaient pas.

Devant la réclamation de conversion de masses de dollars par les pays d’Europe que les États-Unis ne pouvaient satisfaire, le stock d’or américain étant arrivé à la limite de sûreté, une crise de confiance s’est instaurée sur le dollar américain, amenant l’Europe à s’opposer à la première puissance du monde.

Le constat qui s’est fait pour les pays d’Europe, en acceptant des dollars sans couverture or, est qu’ils finançaient gratuitement les déficits commerciaux américains. D’autant plus qu’à cette période, les États-Unis étaient engagés dans une guerre coûteuse au Vietnam ; en plus de l’intervention massive au Vietnam, en pleine guerre froide, ils s’étaient lancés dans une course aux armements et à l’espace avec l’Union soviétique tout aussi coûteuses ; les déficits américains en hausse année après année ont amené les pays d’Europe à refuser les dollars américains, sans couverture or.

Une situation de blocage sur le plan monétaire s’est ensuivi au début des années 1970, qui a conduit le président Richard Nixon à suspendre la convertibilité du dollar en or, le 15 août 1971. Une suspension qui était en fait définitive à partir de cette date. Devant la fin de la convertibilité et la dévaluation du dollar – excès d’émissions monétaires par la Banque centrale américaine (Fed) –, les pays d’Europe sont passés au change flottant, seul moyen pour les prémunir de l’invasion de dollars, issu des déficits extérieurs américains.

Que peut-on dire des dissensions monétaires entre les grandes puissances occidentales ? En imageant cette crise, on peut représenter les trois royautés monétaires européennes du monde demandant des comptes à l’Empire américain. Qu’ont-ils fait les trois royautés en refusant les dollars et passant au change flottant ? Tout simplement, devant les abus du droit de seigneuriage de l’Empire, les trois royautés ont mis fin précisément à leur droit de seigneuriage, mais en même temps au leur. Puisque l’Empire ne pourra plus émettre de dollars sinon à les voir se déprécier sur les marchés monétaires internationaux, rendant leurs importations plus chères, et si la dépréciation continue, elle amènera les autres pays du monde à « fuir un dollar déprécié ».

Devant une telle situation qui pourrait finir par un krach du dollar, l’Empire n’a d’autres solutions que d’arrêter ses émissions monétaires ex nihilo et financer ses déficits extérieurs en levant plus d’impôts, en restreignant les importations, annuler des projets, par exemple, d’armements coûteux, dans la recherche spatiale, etc...

Pour les royautés monétaires européennes, il en sera de même. Ce sera à la loi de l’offre et la demande sur les marchés monétaires qui régira les taux de change respectifs de leurs monnaies. Le Japon qui dépendait du marché américain, et devenu une puissance économique mondiale, est aussi concerné par la crise du dollar. Il constituera le quatrième royaume monétaire avec les pays d’Europe.

Qu’ont-ils fait les pays d’Europe à l’égard des États-Unis ? Toujours en image, sans en prendre conscience, malgré qu’ils étaient dans leur droit en optant pour le refus des dollars, et, par ce biais, refuser de financer gratuitement les déficits américains, les pays d’Europe ont fait « découronner » les États-Unis tous « se découronnant » eux-mêmes.

Cependant, ce processus de contraction de l’économie américaine sera dommageable pour l’Amérique elle-même, mais aussi pour l’Europe et le reste du monde. Le monde entier perdra donc le moteur que furent les États-Unis avant la crise. La diminution des importations américaines va impacter forcément les pays d’Europe qui seront obligés de diminuer leurs exportations, donc moins d’excédents commerciaux, et se traduisent par des fermetures d’entreprises économiques (usines, manufactures...) et hausse du chômage. Au final, ce sera un jeu à somme nulle, personne ne gagnera ni les États-Unis ni l’Europe, et le reste du monde sera aussi gravement touché par une chute d’exportations de matières premières, et donc l’appauvrissement pour tous.

Les conséquences seront terribles pour l’économie mondiale. Le passage du change fixe au change flottant ne règlera pas les problèmes économiques, financiers et monétaires dans le monde ; les pays d’Europe ont certainement pensé aux conséquences de cette donne mais cette situation ne pouvait être évitée parce qu’il y avait pour eux un problème d’équité économique et morale dans leurs échanges commerciaux avec les États-Unis.

Une telle situation que provoquera le clash monétaire entre pays occidentaux ne pourra que mener vers un remake de la crise des années 1920, c’est-à-dire une crise financière comparable à celle de 1929 et une dépression économique mondiale qui suivra. Les États-Unis vont se replier sur eux-mêmes, de même pour les pays d’Europe et le Japon ; ce sera des mesures protectionnistes réciproques qui ne feront que créer un marasme économique mondial.

En image, cela signifie aussi la fin de l’Empire et des royautés monétaires européennes. Alors se pose la question, d’où viendra la solution-miracle à cette situation-impasse ?
 

  1. L’Arabie saoudite, une « ruse de la Raison ou nécessité de l’histoire » dans la facturation du pétrole en dollar

 

 Une telle situation ne pourrait se produire historiquement parlant. Pourquoi ? Parce que l’Occident n’est plus seul comme il l’était dans les années 1920 dans le commerce mondial. Les pays d’Afrique étaient colonisés. Une grande partie d’Asie l’était aussi. Ces pays, accédant à l’indépendance, et venant renforcer ceux qui étaient déjà indépendants comme l’Amérique centrale et du Sud, comptaient tous dans le commerce mondial.

Comme alors vont se régler les crises monétaires entre les États-Unis et les pays d’Europe ? D’où viendra le salut non seulement pour l’économie occidentale mais pour l’ensemble des économies du monde ? Ce sera comme l’a énoncé Hegel, une « ruse de la Raison » qui gouverne le monde. Et que sera cette ruse de la raison ? Ironie de l’histoire, elle viendra de ce monde arabe que l’Occident ne cesse de déstabiliser. La « ruse de la Raison » ou mieux encore, une « nécessité de l’histoire pour sortir le monde du marasme économique » viendra de l’Arabie saoudite qui, en réaction à l’intervention américaine lors de la quatrième guerre israélo-arabe (guerre du Kippour), poussera les pays arabes, membres de l’OPEP, réunis au Koweït, le 16 et 17 octobre 1973, à quadrupler le prix du pétrole. Le prix du baril de pétrole passe de 3 à 12 dollars, en quelques semaines.

Mais ce qui n’est pas dit dans ce jeu du poker menteur, c’est que l’Arabie saoudite, tout en décrétant des sanctions contre les États-Unis, comme l’embargo total sur les livraisons pétrolières, « facture son pétrole en dollar US et pousse les autres pays arabes membres de l’OPEP à facturer leurs exportations pétrolières en dollar US ». Il est évident que l’Arabie Saoudite, en décidant de facturer la vente de son pétrole en dollar, suivie par les pays arabes puis par les autres membres de l’OPEP, ne fait qu’« offrir » aux États-Unis le moyen cardinal pour « obliger » les pays d’Europe, le Japon et les autres pays importateurs de pétrole du reste du monde d’acheter les dollars US pour importer leur pétrole des pays du Golfe, d’Afrique du Nord et des autres pays d’OPEP. En clair, cela se traduit par un achat massif de dollars US par les pays importateurs de pétrole, ce qui permet de nouveau à la première puissance du monde de « répercuter ses déficits commerciaux sur le reste du monde ».

Que peut-on dire dès lors de l’Arabie Saoudite puisque l’impulsion vient d’elle ? Certes, l’impulsion vient de l’Arabie saoudite, mais « dictée » par le lobby financier mondial, en grande partie détenu par le lobby juif dans le monde.

Ouvrons une parenthèse sur le lobby juif, comme l'atteste l'histoire, les Juifs ont toujours dominé les finances publiques, depuis le Moyen-Âge. Comme l'écrit le journal français, La Dépêche, le 11 juillet 2024 :

« Parler des juifs au Moyen-Âge conduit de façon quasi-certaine à évoquer leur rôle dans le prêt à intérêt, voire dans l'usure. Effectivement, dès le début de cette période, les israélites, auxquels la plupart des métiers étaient interdits, s'orientèrent vers le crédit à la consommation entre voisins. Celui-ci, consenti souvent à la semaine et qui portait sur des besoins essentiels, atteignait parfois des taux de 30 à 35 % l'an, était difficile à supporter par les débiteurs. Louis Fédié (1815-1899), dans son Histoire de Carcassonne, nous explique qu'ici comme ailleurs les créanciers, tout comme les lépreux, étaient rendus responsables de tous les fléaux, notamment de l'empoisonnement des puits. Le même auteur a publié le serment que devait prononcer un courtier juif : après avoir reconnu l'existence du Tout-Puissant et des dix commandements, il admettait qu'en cas de malhonnêteté il serait frappé ainsi que ses enfants par les pires maladies et tomberait dans une totale misère. » (5)

En réalité, le lobby juif doit sa puissance sur le plan financier et monétaire à la Raison dans l’histoire ; ce n’est pas le lobby juif qui est devenu le lobby financier mondial, mais l’histoire qui l’a instruit à le devenir ; et elle se traduit comme une compensation à l’errance de 2000 ans que le peuple juif a subie ; sans cette puissance sur le plan financier et monétaire dans le monde, fondant dans les autres peuples, on ne voit pas comment le peuple juif aurait survécu, et avec lui, la religion monothéiste hébraïque qui vient du Seigneur Tout-Puissant.

Or, aujourd’hui, de plus en plus la tendance de la puissance sur le plan financier et monétaire, surtout avec l’implantation de l’État d’Israël, en 1948, est en train de s’étendre aux autres peuples du monde ; la Chine est en train de devenir un leader dans les problèmes financiers et monétaires internationaux ; la Russie est en train de la suivre.

Ceci étant, en revenant au privilège unique octroyé aux États-Unis, à partir de l’année 1973, avec le quadruplement du prix du pétrole, privilège qui n’est autre que le « droit de seigneuriage » sur le monde, ce sont l’Arabie Saoudite et les pays arabes qui remettront la « couronne monétaire » à la première puissance mondiale, sur « ordre de la première puissance. » Les États-Unis redeviennent de fait l’Empire régnant sur le monde par le « dollar adossé au pétrole arabe et OPEP ».

Dans ce nouveau processus, lorsque les pays arabes convertissent des dollars sur les marchés en monnaies européennes ou japonaise pour régler leurs importations en provenance d’Europe et du Japon, et qu’une partie de ces dollars reviennent sur les marchés, si le dollar se déprécie sur les marchés monétaires, cette dépréciation du dollar ne sera pas un frein au « droit de seigneuriage » de l’Empire, pour au moins trois raisons.

La première porte sur les excédents commerciaux des ventes du pétrole en dollars des pays arabes qui, en accord avec le pouvoir financier américain, viennent se placer en bons du Trésor et obligations américains. Ce qui permet de pondérer la dépréciation de la monnaie américaine.

La deuxième raison réside dans le fait que les conversions des dollars en d’autres monnaies pour régler les achats de biens et services en provenance d’Europe ou du Japon par ces pays sont en bonne partie contrebalancées par les achats de dollars sur les marchés pour le règlement des importations pétrolières ultérieures qui sont récurrentes. Le pétrole étant une matière énergétique consommable qui nécessite toujours de nouvelles importations, chaque année.

La troisième raison, et c’est la plus importante, en « couronnant » les États-Unis sur le plan monétaire, les pays arabes « couronnent » aussi les pays d’Europe et le Japon, en tant qu’émetteurs de monnaies internationales. Comment ? Toute dépréciation du dollar due à un excès d’émission monétaire par la Fed est aussitôt contrebalancée par des émissions monétaires ex nihilo par les pays d’Europe et du Japon. En effet, une dépréciation du dollar fait automatiquement apprécier les monnaies européennes et japonaise. Conséquence : les pays d’Europe et le Japon perdent en compétitivité commerciale, les biens exportés sont plus chers. Pour dégonfler le taux de change de leurs monnaies, les pays d’Europe et le Japon utilisent à leur tour la planche à billets et émettent des liquidités en franc, en livre sterling, en deutschemark, en yen, adossés à rien donc ex nihilo comme les États-Unis.

Ainsi, les quatre royautés monétaires, c’est-à-dire les trois grands pays d’Europe et le Japon, en tant que détenteurs de monnaies internationales, retrouvent aussi leurs couronnes monétaires. Et la boucle est bouclée avec de nouveau les quatre royautés monétaires et les États-Unis régnant sur le monde. Il faut dire aussi qu’en plus des grandes nations, d’autres pays comme l’Italie, la Suisse... ont aussi un droit de seigneuriage mais beaucoup plus restreint.

Cette « ruse de la Raison », on le voit bien, avec l’inclusion du monde arabe dans la consommation mondiale à laquelle s’ajoute la monétisation des déficits extérieurs américains, a permis, en dopant la consommation mondiale, d’éviter une crise économique majeure au monde. Avec le monde arabe et l’Arabie Saoudite au centre, le jeu monétaire mondial s’opère en fait à six : « l’Empire, le monde arabe-Arabie Saoudite et les quatre royautés monétaires. »

On comprend dès lors l’importance du monde arabe et de l’Arabie Saoudite dans le jeu monétaire mondial, et toutes les crises et guerres qui se jouent en son sein. Toutes les grandes puissances convoitent cette région centrale du monde ; pour les États-Unis, la région du monde arabe constitue l’espace vital qui conditionne leur survie en première puissance économique, financière, monétaire et militaire du monde ; sauf que ce conditionnement ne s’opère pas dans la paix mais dans la guerre. Et l’islamisme grâce aux pétrodollars qui a permis à l’Arabie saoudite de le propager à travers le monde, en construisant dans tous les pays des mosquées, des instituts islamiques, et ce avec l’assentiment intéressé des puissances occidentales, dans le but d’embrigader les Musulmans où qu’ils se trouvent.

Le véritable objectif des puissances occidentales et l’Arabie Saoudite en tant que monarchie absolutiste est donc d’instrumentaliser l’islam pour en faire, à l’époque, un rempart contre les visées soviétiques sur cette région centrale du monde, surtout depuis l’affaiblissement de la première puissance mondiale dues à la débâcle militaire au Vietnam et à la semi-victoire de l’Égypte contre Israël en octobre 1973.

Nous arrêtons là cette analyse des événements qui ont changé le monde, et laisserons la suite de l’étude dans un prochain article.

 

Medjdoub Hamed
Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective

 Note :

1. « Le Déclin de l'Occident » Esquisse d'une morphologie de l'histoire universelle I, Forme et réalité, par Oswald Spengler. Éditions Gallimard 1948

2. « La Raison dans l’Histoire. Introduction à la Philosophie de l’Histoire », par G. W. F. Hegel. Traduit par Kostas PAPAIOANNOU Union général d’Éditions - Paris

3. Ibid. La Raison dans l’histoire, page 129

4. Adolf Hitler - Discours de la Victoire à l'Opéra Kroll, 19 juillet 1940
https://archive.org/details/AdolfHitlerDiscoursDuReichstagLe19Juillet1940

5. « Prêt à intérêt et usure au Moyen-Âge », par La Dépêche. Le 29/09/2019

https://www.ladepeche.fr/2019/09/29/pret-a-interet-et-usure-au-moyen-age,8445874.php


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