Panique dans les pharmacies !
Panique dans les pharmacies ! En plein hiver, les ruptures de stocks et les rationnements sur certains médicaments se multiplient, contraignant nombre de nos compatriotes à passer d’officine en officine pour parvenir à obtenir, qui un antibiotique, qui un anticancéreux, qui un antiépileptique, qui du paracétamol. N’ayant jamais connu pareille situation, les pharmaciens entament leur journée de travail la boule au ventre à la recherche de stocks inexistants chez leurs fournisseurs. Ne parvenant qu’à commander 2 boites d’Amoxiciline au lieu des 40 habituelles, les voilà contraints de fabriquer eux-mêmes dans leurs arrières boutiques les médicaments manquants en récupérant après moult efforts de la poudre de molécule.
Plus de 40 % de français prennent chaque jour un médicament, soient plus de 30 millions d’entre nous. Pour le citoyen lambda, on court de pharmacie en pharmacie en quête de l’antibiotique permettant de faire baisser la fièvre de son enfant, on sort d’une hospitalisation sans pouvoir se voir remettre les prescriptions nécessaires pour retrouver un bon état de santé, et on doit même parfois, lorsqu’on est accueilli à l’hôpital, venir avec ses propres médicaments, les stocks s’étant réduits à une peau de chagrin pour certains. Anticancéreux, antidiabétiques, antiépileptiques, médicaments nécessaires pour la greffe du rein : on flirte désormais en permanence ici et là avec la ligne rouge. Alors certains vont se fournir en Italie et en Allemagne, voire sur internet, où ce qu’ils se font livrer à domicile n’est soumis à aucune sécurité sur le plan sanitaire.
Plus de 3000 médicaments en rupture de stock ou risques de rupture en 2022 contre 870 en 2018 : une explosion dont on a pu ces toutes dernières années observer l’irréversible ascension. Et qui, à terme, aura d’évidentes conséquences, forcément néfastes, sur ce bien de première nécessité qu’on nomme la santé. Couplées avec le manque de médecins, lui aussi en chute libre, les pénuries de médicaments augurent nombre de pathologies aggravées faute de diagnostics faits en temps et en heure comme de traitements pris au bon moment. Sans compter les effets secondaires, qu’il nous faudra des années pour bien mesurer à l’échelle de la Nation.
Pour le moment, les professionnels tirent la sonnette d’alarme sur le front des antibiotiques et des médicaments ayant trait à la fièvre. Concernant les pathologies chroniques comme le diabète, on n’a pas encore atteint de seuil critique, mais rien ne permet d’être absolument certain que l’avenir immédiat sera radieux. Là, les professionnels de la santé gèrent l’urgence le nez sur le guidon après avoir multiplié les alertes depuis plus d’une décennie, et ne mâchent pas leurs mots pour nous faire comprendre qu’il n’est pas de leur ressort de nous rassurer. La vision et l’anticipation leur ayant été ôtée depuis 1995 et les ordonnances Juppé.
Tandis que la France connaissait ces trente dernières années un bond de 10 millions d’habitants et un gain de 6 ans d’espérance de vie, nos chers gouvernants n’ont rien trouvé de mieux que placer la santé sous séquestre en contenant ses coûts. Une pure logique de contrôle des dépenses appliquée à un bien essentiel dont les technologies par essence plus performantes suivent une logique diamétralement opposée. Une fracture au crâne ? La radio d’hier est désormais remplacée par un IRM, lequel IRM coûte forcément un peu plus cher. La solution : on contient les coûts, admirez la logique. Et tout à l’avenant, quel que soit le poste de dépenses, pour reprendre le vocable de nos contrôleurs de gestion en herbe : fonctionnement de l’hôpital, remboursements, prix des médicaments, masse salariale … : une logique comptable pure. Laquelle logique s’applique également à nos chères retraites, et à bien d’autres choses essentielles.
Un malheur n’allant jamais seul, la financiarisation des grands groupes industriels pharmaceutiques conduisit depuis une quinzaine d’années ces derniers à accélérer ce pour quoi ils sont faits, à savoir maximiser leurs profits. Les coûts de production en Occident étant ce qu’ils sont, le gros des usines se sont progressivement délocalisées en Chine et en Inde, où 80 % des principes actifs pharmaceutiques sont dorénavant fabriqués, sans que jamais nos états protecteurs de pacotille y aient jamais trouvé à redire. Le libre échange et le marché libre étant leur credo suprême et la calculette leur principal outil de pilotage, comment aurait-il pu en être autrement ?
Donc perte de souveraineté et dépendance critique envers les lois du marché, sur fond de compression des coûts, d’augmentation du coût réel de la médecine, de bond démographique et de gains en termes d’espérance de vie : il ne faut pas avoir fait Saint Cyr pour être en mesure de comprendre que quelque chose clochait depuis l’origine dans les politiques publiques de la santé depuis près de trente années. Gaymard, Kouchner, Mattéi, Douste Blazy, Xavier Bertrand, Bachelot, Touraine, Buzyn, Veran, Braun, ainsi que tous leurs premiers ministres : tous coupables, et tous aux abonnés absents !
Après les pénuries de masques constatées début 2020, ce sont au tour de certains nos médicaments de base faire défaut un à un. Sans que quiconque au poste de commandes soit en mesure de nous sortir de son chapeau la solution magique. Et pour cause : le gouvernail n’est plus dans leurs mains depuis vingt ans, ils n’ont plus qu’une clef à molettes pour serrer les boulons en guise de vision.
On pourrait croire, naïvement, que la multiplication alarmante des alertes de ces tous derniers mois aient eu quelque effet pour dessiller les yeux des lieutenants du Titanic France face à l’approche d’un iceberg désormais bien en vue. Ce serait mal les connaître : en même temps que les pharmaciens se faisaient les relais atterrés des drames traversés par des concitoyens à qui la sixième puissance mondiale ne pouvait désormais plus garantir ce dont ils avaient absolument besoin, nos olibrius votaient un budget de la sécurité sociale juste en deçà de l’augmentation du coût de la vie. Pareille constance laisse pantois.
Tandis que satisfaisant leurs gourmands actionnaires les grands groupes industriels privilégiaient les commandes des pays susceptibles de leur acheter leurs médicaments à prix fort, nos Picsou hexagonaux se virent donc une fois de plus souffler leurs colis sur le tarmac de New Delhi, comme hier leurs lots de masques à Pékin. Et absolument rien, dans la logique ubuesque de cette exception française aussi sourde aux réalités de marché qu’à la logique de la santé, ne nous garantit que ce que nous connaissons actuellement pour les antibiotiques ne s’étendra pas demain à la quasi totalité de nos pilules. Ce qui nous laissera Gros Jean comme devant et impuissants.
Il y a donc urgence, sur un front majeur, celui de la santé, qu’ont depuis 1995 massacré les uns après les autres ceux que Mitterrand dans ses tous derniers mois appelait les « comptables ». Sans vision, émasculés de toute capacité à anticiper les conséquences de leurs erreurs à mesure qu’ils les accumulaient, sourds aux nombreuses alertes s’étant empilées dans des rapports classés verticalement depuis dix ans, nos adeptes de la saignée budgétaire n’auront pas l’ombre d’une solution à nous proposer, sinon quelques promesses de relocalisation par ci par là pour faire bonne figure. Une usine de Doliprane pour dans deux ans en France : à ce rythme-là, on risque de faire la fortune des pompes funèbres et des crématorium.
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