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Mon regard sur Agoravox

Les initiatives pour la démocratie participative se multiplient, à mon plus grand bonheur, mais sont-elles vraiment ouvertes à tous, et peut-on vraiment parler de démocratie participative ? C’est la question que je me suis posée en étudiant le phénomène Agoravox qui grossit de jour en jour, amassant quelques prix (AgoraVox élu meilleur blog journalistique français au « Best of Blogs ») et allant même jusqu’à proposer une version anglaise pour nos amis d’Outre-Atlantique.

Après quelques mois d’existence, je vais tenter de faire un bilan de cette aventure. Je me permets ceci car j’estime être assez extérieur à cette aventure tout en y étant pleinement intégré. En effet, je suis simple rédacteur et le nombre de mes articles ne se limite qu’à une dizaine, néanmoins, je me suis intéressé de près à ce phénomène, et j’aimerais donc vous faire part de mes impressions, remarques, par rapport à ce journal citoyen !

Tout d’abord, Agoravox est-il vraiment un journal citoyen ?
A première vue, Agoravox semble réunir de simples citoyens voulant partager leur vision de la France, du monde, ou tout simplement amplifier une information qu’ils ont détectée eux-mêmes et qui, à leur yeux, mériterait plus d’attention ! Ceci est d’ailleurs rappelé dans la charte du site Web, sur AgoraVox : « La parole est à ceux qui ont des faits originaux et inédits à relater. » De plus, les créateurs du site ajoutent que « sur AgoraVox, la parole n’est ni au "peuple", ni aux "élites". ».

Chaque personne, s’étant préalablement inscrite sur le site, peut donc espérer voir ses articles publiés sur AgoraVox. Évidemment, les fondateurs sont conscients des risques d’une telle aventure, et ont donc créé un comité de rédaction censé vérifier la véracité des faits développés dans les articles, comme le rappelle cette phrase : « Nous sommes conscients qu’une initiative comme AgoraVox accroît potentiellement les risques de propagation de rumeurs, de désinformation, de déstabilisation ou de manipulations volontaires ou involontaires. Pour cette raison, nous pensons qu’il est indispensable de disposer d’un comité de rédaction qui puisse agir en tant que "filtre" ».

Le projet semble bien ficelé, et l’expérience des fondateurs, Joël de Rosnay et Carlo Revelli, ne peut qu’inspirer confiance. De plus, AgoraVox a l’énorme avantage de ne pas être un blog racoleur dans lequel les auteurs racontent leur vie : ce site peut à long terme servir, car il permet l’éveil de l’esprit, le développement de la pensée critique et l’instauration du débat démocratique sur la toile...

Avènement de la démocratie participative, prudence face aux informations des rédacteurs, et liberté de parole et d’expression, comme Internet sait si bien le faire : ce mélange produit un cocktail qui ne peut que faire plaisir à voir, et que l’on peut intituler, sans prendre trop de risques, le journalisme citoyen ! Mais, alors, d’où peuvent provenir les craintes ou les dérives dans un tel journal ?


AgoraVox et les journalistes expérimentés

Le premier problème est qu’Agoravox est ouvert à tout le monde, tout le monde sans exception. Je m’explique. Le site semble être une vitrine pour certains journalistes expérimentés et connus... Je ne suis pas contre le fait que ceux-ci participent à un tel projet, car ils peuvent apporter une certaine expérience à AgoraVox, mais le problème est que le but initial de ce journal citoyen était que « tout citoyen est potentiellement capable d’identifier en avant-première des informations difficilement accessibles ou volontairement cachées et ne bénéficiant pas de couverture médiatique. »

Je ne remets pas en cause le fait que les journalistes soient des citoyens à part entière, mais ils ont en théorie moins d’informations inédites à dévoiler, puisque celles qu’ils connaissent sont théoriquement écrites noir sur blanc dans un journal : ils n’apportent donc aucun regard nouveau, inédit ou différent de ce que contiennent les quotidiens nationaux pour l’information dans AgoraVox. Leur pensée exprimée dans un média est donc retranscrite à travers AgoraVox.

On se dit alors que les journalistes font preuve d’une grande générosité, car ils nous font partager gratuitement sur le Net ce qu’ils peuvent écrire sur du papier qui est alors payant ! On peut, à ce moment-là, se poser la question : pourquoi un tel engouement des journalistes pour un média considéré comme un journal citoyen (en définition ouvert à tous et non élitiste) ?

J’ai l’impression que les journalistes sont frustrés par leur rédaction, car ils semblent ne pas avoir le choix des sujets qu’ils traitent dans leurs médias, puisque, comme le rappelle la page Web d’AgoraVox au moment de l’inscription pour devenir rédacteur, le média citoyen AgoraVox est là « tout simplement pour faire entendre votre voix et pour relater des faits que vous avez identifiés et qui ne vous paraissent pas être suffisamment repris dans les médias traditionnels, voire ignorés ou censurés ». Les journalistes semblent donc être ignorés, voire censurés, par leur organes de presse respectifs (qui sont des médias traditionnels) : mais, alors, c’est honteux pour notre chère démocratie ! Ils devraient porter plainte pour atteinte à la liberté d’expression !

Néanmoins, les créateurs d’Agoravox, n’étant pas hypocrites sur l’utilisation dont leur site peut faire l’objet, ajoutent quelques lignes plus loin : « Publier sur AgoraVox peut permettre d’accroître votre notoriété ainsi que celle de votre éventuel site Web ou blog. » C’est donc cela qui semble (en partie ?) motiver nos journalistes, qui paraissaient si généreux au premier abord !

Les intérêts particuliers semblent donc primer sur la volonté de bien informer : c’est l’une des dérives possibles d’un site comme AgoraVox.

Mais, cette dérive peut être amplifiée lorsque ces mêmes journalistes se retrouvent à l’intérieur du comité de rédaction ou sont des modérateurs, car ils peuvent opposer leur droit de véto sur un article dont ils souhaitent qu’il soit occulté... Le site peut alors être récupéré à des fins personnels et, à ce moment-là, il perd toute raison d’être.

J’avoue évidemment qu’AgoraVox me sert un minimum pour augmenter en notoriété, mais j’ai moins d’influence, moins d’importance qu’un journaliste expérimenté, et c’est là toute la différence !

AgoraVox face aux démons de la désinformation
AgoraVox est aussi un phénomène symptomatique de notre époque. En effet, ce site est dans l’air du temps, l’ère du tout gratuit, l’ère de la liberté procurée par Internet, l’ère de l’information gratuite, quitte à entraîner la désinformation.

Mais le gratuit sur AgoraVox semble disparaître peu à peu, car j’ai remarqué, depuis quelque temps, que la publicité envahit ce blog.

De plus, les partenariats semblent être tournés vers des géants de l’informatique (Microsoft avec MSN et ses mots-clés dans les articles, mais aussi les annonces Google... lesquels sont par ailleurs concurrents !). Le problème est que désinformation et économie sont souvent très liées (comme peuvent nous le montrer toutes les concentrations de médias dans des groupes économiques de nos jours). J’espère donc que ces partenariats n’engagent en aucun cas une censure pour AgoraVox, auquel cas je serais extrêmement déçu par la démarche.

Sans penser à tous ces intérêts sous-jacents, la publicité pourrit les pages Web en envahissant tous les petits espaces vides ! L’originalité aurait été donc de ne pas accepter de publicité sur ce site... mais s’il en va de la survie de la gratuité du site, l’opération est peut-être indispensable ! Néanmoins, je reste très réservé sur ces partenariats.

Le deuxième problème possible de désinformation est le fait de rumeurs, mensonges qui peuvent être propagés par des internautes malveillants.

En effet, malgré toute leur bonne volonté et leur bonne foi, les deux fondateurs du média citoyen ne peuvent réellement contrôler l’information qui circule sur leur site. En témoignent les déboires récents de leur confrère Wikipédia par rapport aux biographies de certaines personnes...

AgoraVox est moins confronté à ces critiques publiquement, car il est moins connu, mais des dérives existent ! Certains rédacteurs n’hésitent donc pas à mettre en garde, à éveiller les autres, par des commentaires pertinents, pour mieux cerner ces problèmes...

Ce problème n’est donc pas inhérent à AgoraVox en particulier, mais à tous les sites demandant des contributions d’internautes. Heureusement, le rédacteur, d’après la charte du site, reste le seul responsable de ses propos.

Néanmoins, la vigilance doit être de mise, car des « imposteurs » écrivent tous les jours.

Certains n’hésitent donc pas à mentir pour leur propre intérêt : ce qui peut rapidement devenir du n’importe quoi !

AgoraVox, média des masses ?
Non, car une minorité élitiste domine une fois de plus ce média, bien que les créateurs s’en défendent. En effet, lorsqu’on s’intéresse aux fiches des rédacteurs d’AgoraVox, on s’aperçoit que ce sont essentiellement des scientifiques diplômés, des journalistes, des députés, des informaticiens... Pour résumer, toute la France d’en haut  !

Quand on verra un plombier (pour reprendre le mythe du plombier polonais et créer des images qui font peur à la « masse ») rédacteur sur AgoraVox, il faudra m’appeler !

Même si, évidemment, ce site est ouvert à tout le monde, il est totalement faux d’affirmer que tout un chacun peut devenir rédacteur. Pour cela, il faudrait déjà que tout un chacun ait accès à Internet. Vous me direz, ce n’est pas de la faute d’AgoraVox, et vous avez bien raison ! Mais, alors, dans ce cas-là, ne nous réjouissons pas trop vite de ce concept de démocratie participative, car on se rend bien compte que tout ceci n’est qu’artifice et paillettes face à la réalité. Moi-même, je tombe dans ce piège et je m’en réjouis aussi vite que les créateurs d’AgoraVox, comme vous avez pu le constater dans la première partie. Mais cet idéal de démocratie participative que nous souhaitons atteindre ensemble (quoique ... pas tout le monde : demandons leur avis aux néolibéralistes !) n’en est qu’à ses débuts  ; le problème est qu’il n’atteindra jamais son but si nous continuons dans cette direction.

En effet, si l’on veut parvenir à cet idéal, il faut que, nous, journalistes d’AgoraVox, nous allions sur le terrain pour recréer le débat démocratique dans les communes. Ainsi, les journalistes (expérimentés ou non) s’investissent dans la discussion, suscitent le débat... Les réflexions produites par ces discussions sont ensuite rapportées sur AgoraVox : voilà un vrai journal citoyen ! De plus, le débat peut ensuite être poursuivi sur le Net grâce à de nouvelles contributions d’internautes sur le site d’AgoraVox.

Avec un tel concept, les journalistes peuvent enfin apporter un regard différent sur l’actualité, faire autre chose que le journal de 20 h, confronter leur regard sur l’actualité à d’autres, et nous rapporter le fruit de ce débat, et pourquoi pas, dans quelque temps, créer ce débat sur Internet avec des systèmes de vidéo-conférence ... Ce n’est même plus de la démocratie participative qui se crée, c’est bien de la démocratie au sens noble du terme !

Évidemment, ces propositions ne sont pas la solution miracle... Bien sûr que les débats ne réuniront pas toujours le nombre de personnes désiré, mais pour nous motiver, rappelons-nous l’élan qu’a pu impulser le référendum du 29 mai, au-delà du résultat pour le débat démocratique !

Voilà, le regard différent que peut apporter AgoraVox, voilà ses atouts à développer, à poursuivre, à créer...

Conclusion
Toujours pouvoir se remettre en cause, réfléchir, poser les bonnes questions, avoir un regard critique sur ce qu’on fait, sur ce qu’on écrit, accepter de se tromper... Voilà l’esprit que doit avoir AgoraVox et, surtout, ses rédacteurs, pour faire fructifier toutes les réflexions qui émanent d’un tel projet !

Bien entendu, cela ne se fait pas forcément sans peine, mais j’ai confiance, et je suis certain que les rédacteurs vont dans le bon sens, et que la plupart ont le désir de bien informer... ce qui est tout à leur honneur, mais n’oublions pas que les dérives existent !

AgoraVox, au moment où il commence à prendre son envol, saura-t-il résister aux sirènes de l’économie et contrer les rumeurs ? C’est tout l’enjeu qui est devant nous, pour préserver cet espace de liberté !


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