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Maïwenn et Bruno Le Maire rêvent. Ils ne dorment pas. Ils endorment...

Maïwenn et Bruno Le Maire rêvent. Ils ne dorment pas. Ils endorment, non peut-être les spectateurs ou les lecteurs, mais les citoyens.

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Maïwenn, à la suite d’un coup de foudre narcissique, s’est éprise de Jeanne du Barry. De celle qu’elle était, à ses yeux, une fille de rien prête à tout. Non de ce qu’elle est devenue aux yeux des autres, La Du Barry ou La Comtesse du Barry.

Maïwenn fait le portrait de la maîtresse de Louis XV, née dans la misère, venue à Paris pour réussir, introduite auprès du roi, rapidement, dans sa couche. Grâce à un amant entremetteur, à un mariage rémunéré et anoblissant, elle peut devenir la favorite du roi, et faire scandale en affichant à Versailles, au nez de la cour et de la famille royale, sa relation avec Louis XV.
Maïwenn, la transfuge, comme elle se définit, en plus d’une vie familiale et personnelle tumultueuse, en plus de sa beauté et de sa volonté d’ascension sociale qui la rapprochent de Jeanne du Barry, a des qualités de cinéastes : belles images de Versailles, visite médicale d’embauche de la future favorite, découverte par les yeux de Jeanne des mœurs ridicules de la cour, avec la complicité du premier valet de chambre du roi, munie d’une longue vue ou derrière une glace sans tain, magnifique scène du dévoilement du cadeau du roi devant la cour ébahie – Zamor, bel enfant, esclave, acheté par le roi, richement enturbanné – patinage dans l’immense galerie des glaces…
Jeanne du Barry bafoue, avec humour, les comportements courtisans comme un collégien frondeur. Et se plie partiellement. S’impose et est imposée dans un monde qui n’est pas le sien.

Maïwenn se reconnaît dans son tempérament, son appétence de vie, sa curiosité, son complexe d’infériorité. Quelque part, c’est un peu mon portrait aujourd’hui. Alors peut-être que l’histoire de Jeanne du Barry, c’est la métaphore un peu de ma vie... Versailles, je le voyais comme le milieu du cinéma qui, peut-être parce que j’avais été la femme de Luc Besson, m’a rejetée d’emblée, qui m’a traitée avec beaucoup de condescendance et d’agressivité. Je me suis fortement identifiée à son parcours de transfuge.

Dans le film, elle s’est arrêtée à ce qui m’importe le plus, je crois, dans la vie : l’histoire d’amour ­entre cette femme et cet homme. Et puis aussi le conte de fées à l’envers : cette femme s’élève, mais court inexorablement à sa perte.

Elle n’a pas voulu faire un film politique, seulement une histoire d’amour entre cette femme et cet homme. Dans le conte de fée de Maïwenn, l’homme se confesse au moment de sa mort dans la royale tradition, quand le peuple manifeste sa joie dans les rues de Paris. Tandis que sa favorite s’enferme au couvent avec son amour continué au delà de la mort.

Mais l’Histoire est un peu différente. En décrivant avec attendrissement le cadeau royal d’un être humain acheté, Zamor, un bel enfant-esclave, sans recul, Maïwen se fait la cinéaste respectueuse de cet événement. Elle fait entendre les remarques méprisantes de Mesdames de la cour, suggère que Jeanne du Barry était différente en lui donnant une éducation de cour, son attention ne va pas plus loin. Elle fait entériner par le spectateur, quelque part, Jeanne, c’est le spectateur, l’acquisition commerciale de son royal amant (1).

La Comtesse du Barry a fini sur l’échafaud en 1793, poursuivie, dénoncée entre autres pour les humiliations que Zamor avait subies du temps où il était page à son service à la cour. Le magnifique petit esclave enturbanné, cadeau vivant du roi, jaillissant de sa boite au milieu de la cour ébahie, est devenu révolutionnaire.

Maïwenn élimine le tragique de la Comtesse Jeanne du Barry pour le divertissement romanesque de Jeanne du Barry.
Transfuges !

 

Bruno Le Maire, c’est la petite histoire du microcosme d’aujourd’hui. Mais toujours le divertissement.
Bruno Le Maire est ministre de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique. Depuis quelque temps, le monde médiatique bruisse de son nouveau livre et celui qui se rêve en homme de lettres a transformé des millions de contribuables, des hommes politiques et des journalistes en critiques littéraires ou moraux autour de quelques pasloginsages de son dernier roman.
Un ministre ne devrait pas écrire... et surtout ne devrait pas écrire ça !
La presse sérieuse qui aurait masqué, il y a peu, de quelques points de suspension, les mots qu’il ne fallait pas lire, s’empresse de les exhiber, permettant à chacun de satisfaire son voyeurisme sans acheter et lire le livre.
Certes, il est possible de s’étonner qu’avec une telle responsabilité ministérielle, Bruno Le Maire ait encore le temps d’écrire des livres. Le pays est en lutte contre la réforme des retraites... Pendant ce temps le ministre Bruno Le Maire écrit des romans, remarque le député Thloginomas Portes sur Twitter. La littérature me permet de m'évader de la vie quotidienne, répond le ministre. Thomas Portes regrette-t-il que Bruno Le Maire ait si mal préparé la contre-réforme des retraites ?

Les politiques de droite devraient favoriser le rêve de Bruno Le Maire, ses ambitions littéraires et libérer une place dans la liste des prétendants à la prochaine présidentielle...

Même Emmanuel Macron aurait pu laisser la polémique se développer et faire oublier, un moment, ses casseroles. Peut-être préfère-t-il entendre Bruno Le Maire travailler par ses déclarations au ralliement de la droite à la prochaine loi sur l’immigration

Dilater cette petite histoire, c’est endormir la part de cerveau disponible pour les questions politiques, économiques et sociales.

1 - Une déclaration signée du roi Louis XV en 1717 fixe les prix en matière de traite des esclaves. Le roi ordonne que trois négrillons ne seront payez que sur le pied de deux nègres, et deux négrittes pour un nègre.
Une ordonnance de 1736 du roi Louis XV interdit aux propriétaires d’esclaves des colonies françaises d’Amérique d’affranchir leurs esclaves sans permission du roi ou de ses représentants.


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2 réactions à cet article    


  • Gégène Gégène 25 mai 2023 11:21

    C’est assez normal que ça caquette dans la basse-cour . . .


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