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Accueil du site > Tribune Libre > Mais qu’est-ce donc que je suis ? Une chose qui pense. (...)

Mais qu’est-ce donc que je suis ? Une chose qui pense. Qu’est-ce qu’une chose qui pense ?

Écrit par le mathématicien, physicien et philosophe français René Descartes dans son ouvrage « Les Méditations Métaphysiques ». Pages 25 à 37. (1)

Texte :

Méditation Seconde

De la nature de l’esprit humain ; et qu’il est plus aisé à connaître que le corps.

 La Méditation que je fis hier m’a rempli l’esprit de tant de doutes, qu’il n’est plus désormais en ma puissance de les oublier. Et cependant je ne vois pas de quelle façon je les pourrai résoudre ; et comme si tout à coup j’étais tombé dans une eau très profonde, je suis tellement surpris, que je ne puis ni assurer mes pieds dans le fond, ni nager pour me soutenir au-dessus. Je m’efforcerai néanmoins, et suivrai derechef la même voie où j’étais entré hier, en m’éloignant de tout ce en quoi je pourrai imaginer le moindre doute, tout de même que si je connaissais que cela fût absolument faux ; et je continuerai toujours dans ce chemin, jusqu’à ce que j’aie rencontré quelque chose de certain, ou du moins, si je ne puis autre chose, jusqu’à ce que j’aie appris certainement, qu’il n’y a rien au monde de certain.

 Archimède, pour tirer le globe terrestre de sa place et le transporter en un autre lieu, ne demandait rien qu’un point qui fût fixe et assuré. Ainsi j’aurai droit de concevoir de hautes espérances, si je suis assez heureux pour trouver seulement une chose qui soit certaine et indubitable.

  Je suppose donc que toutes les choses que je vois sont fausses ; je me persuade que rien n’a jamais été de tout ce que ma mémoire remplie de mensonges me représente ; je pense n’avoir aucun sens ; je crois que le corps, la figure, l’étendue, le mouvement et le lieu ne sont que des fictions de mon esprit. Qu’est-ce donc qui pourra être estimé véritable ? Peut-être rien autre chose, sinon qu’il n’y a rien au monde de certain.

 Mais que sais-je s’il n’y a point quelque autre chose différente de celles que je viens de juger incertaines, de laquelle on ne puisse avoir le moindre doute ? N’y a-t-il point quelque Dieu, ou quelque autre puissance, qui me met en l’esprit ces pensées ? Cela n’est pas nécessaire ; car peut-être que je suis capable de les produire de moi- même. Moi donc à tout le moins ne suis-je pas quelque chose ? Mais j’ai déjà nié que j’eusse aucun sens ni aucun corps. J’hésite néanmoins, car que s’ensuit-il de là ? Suis-je tellement dépendant du corps et des sens, que je ne puisse être sans eux ? Mais je me suis persuadé qu’il n’y avait rien du tout dans le monde, qu’il n’y avait aucun ciel, aucune terre, aucuns esprit, ni aucun corps ; ne me suis-je donc pas aussi persuadé que je n’étais point ? Non certes, j’étais sans doute, si je me suis persuadé, ou seulement si j’ai pensé quelque chose. Mais il y a un je ne sais quel trompeur très puissant et très rusé, qui emploie toute son industrie à me tromper toujours. Il n’y a donc point de doute que je suis, s’il me trompe ; et qu’il me trompe tant qu’il voudra il ne saurait jamais faire que je ne sois rien, tant que je penserai être quelque chose. De sorte qu’après y avoir bien pensé, et avoir soigneusement examiné toutes choses, enfin il faut conclure, et tenir pour constant que cette proposition : Je suis, j’existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce, ou que je la conçois en mon esprit.

 Mais je ne connais pas encore assez clairement ce que je suis, moi qui suis certain que je suis ; de sorte que désormais il faut que je prenne soigneusement garde de ne rendre pas imprudemment quelque autre chose pour moi, et ainsi de ne point me méprendre dans cette connaissance, que je soutiens être plus certaine et plus évidente que toutes celles que j’ai eues auparavant.

 C’est pourquoi je considérerai derechef ce que je croyais être avant que j’entrasse dans ces dernières pensées ; et de mes anciennes opinions je retrancherai tout ce qui peut être combattu par les raisons que j’ai tantôt alléguées, en sorte qu’il ne demeure précisément rien que ce qui est entièrement indubitable. Qu’est-ce donc que j’ai cru être ci-devant ? Sans difficulté, j’ai pensé que j’étais un homme. Mais qu’est-ce qu’un homme ? Dirai-je que c’est un animal raisonnable ? Non certes : car il faudrait après par rechercher ce que c’est qu’animal, et ce que c’est que raisonnable, et ainsi d’une seule question nous tomberions insensiblement en une infinité d’autres plus difficiles et embarrassées, et je ne voudrais pas abuser du peu de temps et de loisir qui me reste, en l’employant à démêler de semblables subtilités. Mais je m’arrêterai plutôt à considérer ici les pensées qui naissaient ci-devant d’elles-mêmes en mon esprit, et qui ne m’étaient inspirées que de ma seule nature, lorsque je m’appliquais à la considération de mon être. Je me considérais, premièrement, comme ayant un visage, des mains, des bras, et toute cette machine composée d’os et de chair, telle qu’elle paraît en un cadavre, laquelle je désignais par le nom de corps. Je considérais, outre cela, que je me nourrissais, que je marchais, que je sentais et que je pensais, et je rapportais toutes ces actions à l’âme ; mais je ne m’arrêtais point à penser ce que c’était que cette âme, ou bien, si je m’y arrêtais, j’imaginais qu’elle était quelque chose extrêmement rare et subtile, comme un vent, une flamme ou un air très délié, qui était insinué et répandu dans mes plus grossières parties. Pour ce qui était du corps, je ne doutais nullement de sa nature ; car je pensais la connaître fort distinctement, et, si je l’eusse voulu expliquer suivant les notions que j’en avais, je l’eusse décrite en cette sorte. Par le corps, j’entends tout ce qui peut être terminé par quelque figure ; qui peut être compris en quelque lieu, et remplir un espace en telle sorte que tout autre corps en soit exclu ; qui peut être senti, ou par l’attouchement, ou par la vue, ou par l’ouïe, ou par le goût, ou par l’odorat ; qui peut être mû en plusieurs façons, non par lui-même, mais par quelque chose d’étranger duquel il soit touché et dont il reçoive l’impression. Car d’avoir en soi la puissance de se mouvoir, de sentir et de penser, je ne croyais aucunement que l’on dût attribuer ces avantages à la nature corporelle ; au contraire, je m’étonnais plutôt de voir que de semblables facultés se rencontraient en certains corps.

  Mais moi, qui suis-je, maintenant que je suppose qu’il y a quelqu’un qui est extrêmement puissant et, si je l’ose dire, malicieux et rusé, qui emploie toutes ses forces et toute son industrie à me tromper ? Puis-je m’assurer d’avoir la moindre de toutes les choses que j’ai attribuées ci-dessus à la nature corporelle ? Je m’arrête à y penser avec attention, je passe et repasse toutes ces choses en mon esprit, et je n’en rencontre aucune que je puisse dire être en moi. Il n’est pas besoin que je m’arrête à les dénombrer. Passons donc aux attributs de l’âme, et voyons s’il y en a quelques-uns qui soient en moi. Les premiers sont de me nourrir et de marcher ; mais s’il est vrai que je n’aie point de corps, il est vrai aussi que je ne puis marcher ni me nourrir. Un autre est de sentir ; mais on ne peut aussi sentir sans le corps : outre que j’ai pensé sentir autrefois plusieurs choses pendant le sommeil, que j’ai reconnu à mon réveil n’avoir point en effet senties. Un autre est de penser ; et je trouve ici que la pensée est un attribut qui m’appartient : elle seule ne peut être détachée de moi. Je suis, j’existe : cela est certain ; mais combien de temps ? A savoir, autant de temps que je pense ; car peut-être se pourrait-il faire, si je cessais de penser, que le cesserais en même temps d’être ou d’exister. Je n’admets maintenant rien qui ne soit nécessairement vrai : je ne suis donc, précisément parlant, qu’une chose qui pense, c’est-à-dire un esprit, un entendement ou une raison, qui sont des termes dont la signification m’était auparavant inconnue. Or je suis une chose vraie, et vraiment existante ; mais quelle chose ? Je l’ai dit : une chose qui pense. Et quoi davantage ? J’exciterai encore mon imagination, pour chercher si je ne suis point quelque chose de plus. Je ne suis point cet assemblage de membres, que l’on appelle le corps humain ; je ne suis point un air délié et pénétrant, répandu dans tous ces membres ; je ne suis point un vent, un souffle, une vapeur, ni rien de tout ce que je puis feindre et imaginer, puisque j’ai supposé que tout cela n’était rien, et que, sans changer cette supposition, je trouve que je ne laisse pas d’être certain que je suis quelque chose.

 Mais aussi peut-il arriver que ces mêmes choses, que je suppose n’être point, parce qu’elles me sont inconnues, ne sont point en effet différentes de moi, que je connais ? Je n’en sais rien ; je ne dispute pas maintenant de cela, je ne puis donner mon jugement que des choses qui me sont connues : j’ai reconnu que j’étais, et je cherche quel je suis, moi que j’ai reconnu être. Or il est très certain que cette notion et connaissance de moi-même, ainsi précisément prise, ne dépend point des choses dont l’existence ne m’est pas encore connue ; ni par conséquent, et à plus forte rai- son, d’aucunes de celles qui sont feintes et inventées par l’imagination. Et même ces termes de feindre et d’imaginer m’avertissent de mon erreur ; car je feindrais en effet, si j’imaginais être quelque chose, puisque imaginer n’est autre chose que contempler la figure ou l’image d’une chose corporelle. Or je sais déjà certainement que je suis, et que tout ensemble il se peut faire que toutes ces images-là, et généralement toutes les choses que l’on rapporte à la nature du corps, ne soient que des songes ou des chimères. En suite de quoi je vois clairement que j’aurais aussi peu de raison en disant : j’exciterai mon imagination pour connaître plus distinctement qui je suis, que si je disais : je suis maintenant éveillé, et j’aperçois quelque chose de réel et de véritable ; mais, parce que je ne l’aperçois pas encore assez nettement, je m’endormirai tout exprès, afin que mes songes me représentent cela même avec plus de vérité et d’évidence. Et ainsi, je reconnais certainement que rien de tout ce que je puis comprendre par le moyen de l’imagination, n’appartient à cette connaissance que j’ai de moi-même, et qu’il est be- soin de rappeler et détourner son esprit de cette façon de concevoir, afin qu’il puisse lui-même reconnaître bien distinctement sa nature.

  Mais qu’est-ce donc que je suis ? Une chose qui pense. Qu’est-ce qu’une chose qui pense ? C’est-à-dire une chose qui doute, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent. Certes ce n’est pas peu si toutes ces choses appartiennent à ma nature. Mais pourquoi n’y appartiendraient-elles pas ? Ne suis-je pas encore ce même qui doute presque de tout, qui néanmoins entends et conçois certaines choses, qui assure et affirme celles- là seules être véritables, qui nie toutes les autres, qui veux et désire d’en connaître davantage, qui ne veux pas être trompé, qui imagine beaucoup de choses, même quelquefois en dépit que j’en aie, et qui en sens aussi beaucoup, comme par l’entremise des organes du corps ? Y a-t-il rien de tout cela qui ne soit aussi véritable qu’il est certain que je suis, et que j’existe, quand même je dormi- rais toujours, et que celui qui m’a donné l’être se servirait de toutes ses forces pour m’abuser ? Y a-t-il aussi aucun de ces attributs qui puisse être distingué de ma pensée, ou qu’on puisse dire être séparé de moi- même ? Car il est de soi si évident que c’est moi qui doute, qui entend, et qui désire, qu’il n’est pas ici besoin de rien ajouter pour l’expliquer. Et j’ai aussi certainement la puissance d’imaginer ; car encore qu’il puisse arriver (comme j’ai supposé auparavant) que les choses que j’imagine ne soient pas vraies, néanmoins cette puissance d’imaginer ne laisse pas d’être réellement en moi, et fait partie de ma pensée. Enfin je suis le même qui sens, c’est-à-dire qui reçois et connais les choses comme par les organes des sens, puisqu’en effet je vois la lumière, j’ouïs le bruit, je ressens la chaleur. Mais l’on me dira que ces apparences sont fausses et que je dors. Qu’il soit ainsi ; toutefois, à tout le moins il est très certain qu’il me semble que je vois, que j’ouïs, et que je m’échauffe ; et c’est proprement ce qui en moi s’appelle sentir, et cela, pris ainsi précisément, n’est rien autre chose que penser.

  D’où je commence à connaître quel je suis, avec un peu plus de lumière et de distinction que ci-devant.

  Mais je ne me puis empêcher de croire que les choses corporelles, dont les images se forment par ma pensée, et qui tombent sous le sens, ne soient plus distinctement connues que cette je ne sais quelle partie de moi-même qui ne tombe point sous l’imagination : quoiqu’en effet ce soit une chose bien étrange, que des choses que je trouve douteuses et éloignées, soient plus clairement et plus facile- ment connues de moi, que celles qui sont véritables et certaines, et qui appartiennent à ma propre nature. Mais je vois bien ce que c’est : mon esprit se plaît de s’égarer, et ne se peut encore contenir dans les justes bornes de la vérité. Relâchons-lui donc encore une fois la bride, afin que, venant ci- après à la retirer doucement et à propos, nous le puissions plus facilement régler et conduire.

  Commençons par la considération des choses les plus communes, et que nous croyons comprendre le plus distinctement, à savoir les corps que nous touchons et que nous voyons. Je n’entends pas parler des corps en général, car ces notions générales sont d’ordinaire plus confuses, mais de quelqu’un en particulier. Prenons pour exemple ce morceau de cire qui vient d’être tiré de la ruche : il n’a pas encore perdu la douceur du miel qu’il contenait, il retient encore quelque chose de l’odeur des fleurs dont il a été recueilli ; sa couleur, sa figure, sa grandeur, sont apparentes ; il est dur, il est froid, on le touche, et si vous le frappez, il rendra quelque son. Enfin toutes les choses qui peuvent distinctement faire connaître un corps, se rencontrent en celui-ci.

  Mais voici que, cependant que je parle, on l’approche du feu : ce qui y restait de saveur s’exhale, l’odeur s’évanouit, sa couleur se change, sa figure se perd, sa grandeur augmente, il devient liquide, il s’échauffe, à peine le peut-on toucher, et quoiqu’on le frappe, il ne rendra plus aucun son. La même cire demeure-t-elle après ce changement ? Il faut avouer qu’elle demeure ; et personne ne le peut nier. Qu’est-ce donc que l’on connaissait en ce morceau de cire avec tant de distinction ? Certes ce ne peut être rien de tout ce que j’y ai remarqué par l’entremise des sens, puisque toutes les choses qui tombaient sous le goût, ou l’odorat, ou la vue, ou l’attouchement, ou l’ouïe, se trouvent changées, et cependant la même cire demeure. Peut-être était-ce ce que je pense maintenant, à savoir que la cire n’était pas ni cette douceur du miel, ni cette agréable odeur des fleurs, ni cette blancheur, ni cette figure, ni ce son, mais seulement un corps qui un peu auparavant me paraissait sous ces formes, et qui maintenant se fait remarquer sous d’autres. Mais qu’est-ce, précisément parlant, que j’imagine, lorsque je la conçois en cette sorte ?

 Considérons-le attentivement, et éloignant toutes les choses qui n’appartiennent point à la cire, voyons ce qui reste. Certes il ne demeure rien que quelque chose d’étendu, de flexible et de muable. Or qu’est- ce que cela : flexible et muable ? N’est-ce pas que j’imagine que cette cire étant ronde est capable de devenir carrée, et de passer du carré en une figure triangulaire ? Non certes, ce n’est pas cela, puisque je la conçois capable de recevoir une infinité de semblables changements, et je ne saurais néanmoins parcourir cette infinité par mon imagination, et par conséquent cette conception que j’ai de la cire ne s’accomplit pas par la faculté d’imaginer.

  Qu’est-ce maintenant que cette extension ? N’est-elle pas aussi inconnue, puisque dans la cire qui se fond elle augmente, et se trouve encore plus grande quand elle est entièrement fondue, et beaucoup plus encore quand la chaleur augmente davantage ? Et je ne concevrais pas clairement et selon la vérité ce que c’est que la cire, si je ne pensais qu’elle est capable de recevoir plus de variétés selon l’extension, que je n’en ai jamais imaginé. Il faut donc que je tombe d’accord, que je ne saurais pas même concevoir par l’imagination ce que c’est que cette cire, et qu’il n’y a que mon entendement seul qui le conçoive, je dis ce morceau de cire en particulier, car pour la cire en général, il est encore plus évident. Or quelle est cette cire, qui ne peut être conçue que par l’entendement ou l’esprit ? Certes c’est la même que je vois, que je touche, que j’imagine, et la même que je connaissais dès le commencement. Mais ce qui est à remarquer sa perception, ou bien l’action par laquelle on l’aperçoit, n’est point une vision, ni un attouchement, ni une imagination, et ne l’a jamais été, quoiqu’il le semblât ainsi auparavant, mais seulement une inspection de l’esprit, laquelle peut être imparfaite et confuse, comme elle était auparavant, ou bien claire et distincte, comme elle est à présent, selon que mon attention se porte plus ou moins aux choses qui sont en elle, et dont elle est composée.

 Cependant je ne me saurais trop étonner quand je considère combien mon esprit a de faiblesse, et de pente qui le porte insensiblement dans l’erreur. Car encore que sans parler je considère tout cela en moi-même, les paroles toutefois m’arrêtent, et je suis presque trompé par les termes du langage ordinaire ; car nous disons que nous voyons la même cire, si on nous la présente, et non pas que nous jugeons que c’est la même, de ce qu’elle a même couleur et même figure : d’où je voudrais presque conclure, que l’on connaît la cire par la vision des yeux, et non par la seule inspection de l’esprit, si par hasard je ne regardais d’une fenêtre des hommes qui passent dans la rue, à la vue desquels je ne manque pas de dire que je vois des hommes, tout de même que je dis que je vois de la cire ; et cependant que vois-je de cette fenêtre, sinon des chapeaux et des manteaux, qui peuvent couvrir des spectres ou des hommes feints qui ne se remuent que par ressorts ? Mais je juge que ce sont de vrais hommes, et ainsi je comprends, par la seule puissance de juger qui réside en mon esprit, ce que je croyais voir de mes yeux.

  Un homme qui tâche d’élever sa connaissance au-delà du commun, doit avoir honte de tirer des occasions de douter des formes et des termes de parler du vulgaire ; j’aime mieux passer outre, et considérer, si je concevais avec plus d’évidence et de perfection ce qu’était la cire, lorsque je l’ai d’abord aperçue, et que j’ai cru la connaître par le moyen des sens extérieurs, ou à tout le moins du sens commun, ainsi qu’ils appellent, c’est-à-dire de la puissance imaginative, que je ne la conçois à présent, après avoir plus exactement examiné ce qu’elle est, et de quelle façon elle peut être connue. Certes il serait ridicule de mettre cela en doute. Car, qu’y avait-il dans cette première perception qui fût distinct et évident, et qui ne pourrait pas tomber en même sorte dans le sens du moindre des animaux ? Mais quand je distingue la cire d’avec ses formes extérieures, et que, tout de même que si je lui avais ôté ses vêtements, je la considère toute nue, certes, quoiqu’il se puisse encore rencontrer quelque erreur dans mon jugement, je ne la puis concevoir de cette sorte sans un esprit humain.

  Mais enfin que dirai-je de cet esprit, c’est- à-dire de moi-même ? Car jusqu’ici je n’admets en moi autre chose qu’un esprit. Que prononcerais-je, dis-je, de moi qui semble concevoir avec tant de netteté et de distinction ce morceau de cire ? Ne me connais-je pas moi-même, non seulement avec bien plus de vérité et de certitude, mais encore avec beaucoup plus de distinction et de netteté ? Car si je juge que la cire est, ou existe, de ce que je la vois, certes il suit bien plus évidemment que je suis, ou que j’existe moi-même, de ce que je la vois. Car il se peut faire que ce que je vois ne soit pas en effet de la cire ; il peut aussi arriver que je n’aie pas même des yeux pour voir aucune chose ; mais il ne se peut pas faire que lorsque je vois, ou (ce que je ne distingue plus) lorsque Je pense voir, que moi qui pense ne soit quelque chose. De même, si je juge que la cire existe, de ce que je la touche, il s’ensuivra encore la même chose, à savoir que je suis ; et si je le juge de ce que mon imagination me le persuade, ou de quelque autre cause que ce soit, je conclurai toujours la même chose. Et ce que j’ai remarqué ici de la cire, se peut appliquer à toutes les autres choses qui me sont extérieures, et qui se rencontrent hors de moi.

 Or si la notion ou la connaissance de la cire semble être plus nette et plus distincte, après qu’elle a été découverte non seulement par la vue ou par l’attouchement, mais encore par beaucoup d’autres causes, avec combien plus d’évidence, de distinction et de netteté, me dois-je connaître moi-même, puisque toutes les raisons qui servent à connaître et concevoir la nature de la cire, ou de quelque autre corps, prouvent beaucoup plus facilement et plus évidemment la nature de mon esprit ? Et il se rencontre encore tant d’autres choses en l’esprit même, qui peuvent contribuer à l’éclaircissement de sa nature, que celles qui dépendent du corps, comme celles- ci, ne méritent quasi pas d’être nombrées.

 Mais enfin me voici insensiblement revenu où je voulais ; car, puisque c’est une chose qui m’est à présent connue, qu’à proprement parler nous ne concevons les corps que par la faculté d’entendre qui est en nous et non point par l’imagination ni par les sens, et que nous ne les connaissons pas de ce que nous les voyons, ou que nous les touchons, mais seulement de ce que nous les concevons par la pensée, je connais évidemment qu’il n’y a rien qui me soit plus facile à connaître que mon esprit. Mais, parce qu’il est presque impossible de se défaire si promptement d’une ancienne opinion il sera bon que je m’arrête un peu en cet endroit, afin que, par la longueur de ma méditation, j’imprime plus profondément en ma mémoire cette nouvelle connaissance.

 

Medjdoub Hamed
Chercheur en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospectives

 

Note :

René Descartes, Méditations métaphysiques, 1641
http://palimpsestes.fr/textes_philo/descartes_textes/descartes_meditations.pdf


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29 réactions à cet article    


  • jocelyne 15 septembre 17:39

    "Ecrit par le mathématicien, physicien et philosophe français René Descartes dans son ouvrage « Les Méditations Métaphysiques ». Pages 25 à 37. (1)"

    René n’aura surement pas écrit le titre...


    • Xenozoid Xenozoid 15 septembre 17:40

      @jocelyne

       ? 


    • jocelyne 15 septembre 18:24

      @Xenozoid
      le titre de l’article


    • hamia 15 septembre 19:19
      « Et ils t’interrogent au sujet de l’âme, - Dis : « L’âme relève de l’Ordre de mon Seigneur ». Et on ne vous a donné que peu de connaissance. »Coran sourate Al-Isra 85

      • amiaplacidus amiaplacidus 15 septembre 19:30

        @hamia

        Je ne m’interroge pas du tout au sujet de l’âme. Ce n’est qu’une superstition inventée par des petits malins, voulant vivre sur le dos des autres, curés, pasteurs, imams et autres gourous.

        Les religions instituées sont les plaies de l’humanité.


      • hamia 17 septembre 00:27

        @amiaplacidus : L’âme ou le« principe pensant » est indépendant du cerveau et subsiste après la mort .Les preuves ont été faites ,lors des réveils après le coma . Réveillez vous de votre insouciance , avant votre mort ! -« Ô les croyants ! Craignez Dieu comme Il doit être craint. Et ne mourez qu’en pleine soumission. » Coran 3 : 102


      • amiaplacidus amiaplacidus 17 septembre 09:44

        @hamia

        Vous avez peur de la mort, alors, pour conjurer cette peur, vous vous livrez à toutes sortes de simagrées. Si cela vous soulage, tant mieux pour vous.

        En ce qui me concerne, la mort ne m’effraye pas, je sais que lorsqu’elle arrivera statistiquement, pour moi, dans 2 à 3 ans, ce sera la fin, je disparaitrai dans le néant. Ne subsisteront, durant quelques années, uniquement les souvenirs que j’aurai laissés chez les gens qui m’aiment, et aussi chez ceux qui me détestent, s’il y en a.


      • Hamed 17 septembre 12:44

        @amiaplacidus

        Si vous dîtes que "En ce qui me concerne, la mort ne m’effraye pas, je sais que lorsqu’elle arrivera statistiquement, pour moi, dans 2 à 3 ans, ce sera la fin, je disparaitrai dans le néant. Ne subsisteront, durant quelques années, uniquement les souvenirs que j’aurai laissés chez les gens qui m’aiment, et aussi chez ceux qui me détestent, s’il y en a.« , c’est très juste.

        Cela signifie que vous êtes apaisé et clairvoyant. Que vous disparaissiez dans le néant, peu importe. Et c’est quoi le néant ?

        Pour vous, c’est rien, en clair vous avez été pour aller vers rien ; extrapolant, vous êtes rien pour aller dans rien ; ce n’est là qu’une erreur de votre chose en vous qui pense ; elle ne vous dit pas tout parce qu’elle sait que vous ne pouvez pas comprendre l’humain qui est en vous.

        Cependant, elle vous apaise, et c’est déjà beaucoup pour vous de pas avoir peur de la mort ; d’ailleurs que vous n’ayez pas peut ou que vous ayez peur, tout est dans votre esprit, dans votre pensée qui vous donne ce sentiment ; mais quand la mort vient, vous pensant plus, vous êtes mort.

        Le seul problème est que votre corps est mort, mais la chose qui a pensé en vous et que vous ne connaissez pas et vous connaît n’est pas morte ; elle va témoignait ce que vous avez dit contre elle.

        Comment ?Le fait de dire à hamia »Je ne m’interroge pas du tout au sujet de l’âme. Ce n’est qu’une superstition inventée par des petits malins, voulant vivre sur le dos des autres, curés, pasteurs, imams et autres gourous.

        Les religions instituées sont les plaies de l’humanité."

        Et là c’est grave, très grave même ; vous croyez l’avoir dit à hamia, en fait non, vous l’avez dit à la chose qui pense en hamia ; hamia lui aussi pense par la chose qui pense en vous, sauf que hamia respecte cette pensée, ou plutôt est proche de cette chose qui pense en lui et en vous et en nous tous êtres humains qui n’existons que par elle. 

        Donc, amiaplacidus, sachez que votre pensée a enregistré ce que vous avez énoncé, et la chose qui pense en vous a exprimé ce qui était noir en vous ; vous l’avez poussé à le faire parce que c’est votre libre-arbitre qui a choisi le négatif croyant que vous étiez dans la voie juste.

        Puisqu’il ne vous reste que 2 à 3 ans pour vivre, amiaplaidus, il n’est pas trop tard de vous corriger si vous voulez vraiment partir en paix de ce monde. A vous de choisir et convainquez la chose qui pense en vous.


      • Hamed 17 septembre 12:48

        @hamia

        Vous êtes servi par la chose qui pense en vous ; vous êtes un heureux élu ; tentez de faire comprendre ou plutôt votre chose qui pense en vous et vous donne de sa lumière répandez autour de vous cette « lumière ».

        Vous n’en serez que récompensé dans ce bas-monde et dans l’autre monde, l’éternité.


      • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 17 septembre 13:52

        Même plus envie de répondre à la connerie islamique...


      • Hamed 17 septembre 14:23

        @Aita Pea Pea

        Idiot qu vous êtes doit-elle dire ou plutôt pauvre zèbre humain que moi la chose en lui qui pense, je suis obligée de diriger et d’accepter que je le satisfasse.

        Ecoutez Aita Pea Pea, ce n’est pour vous offenser qu la chose en moi me dicte ces propos, simplement pour vous pousser à vous repentir vis-à-vis de cette pensée qui pense en vous qui a pour ordre de vous servir et de vous maintenir en vie même si vous dîtes des bêtises.

        Ne répondez-pas, ne la poussez pas à vous dicter de vos bêtises. Je sais aussi que ce n’est pas de votre faute ; parce que vous êtes conçu ainsi. Donc comme vous dîtes « Même plus envie de répondre à la connerie islamique... ». Appliquez-le pour votre âme.


      • Jean Keim Jean Keim 16 septembre 08:09

        Ce qui craint le plus n’est pas de s’interroger sur l’âme, Dieu, les dieux, la vie après la mort..., ce qui craint le plus est de trouver des réponses.


        • Hamed 16 septembre 10:19

          @Jean Keim

          Pourquoi craindre de trouver les réponses ? A-t-on peur de n’être plus ? A-t-on peur de perdre notre âme, et notre rencontre avec Celui qui nous a créés ?

          Faîtes table rase de vos préjugés, et avancez serein dans votre vie, Jean. Je suis sûr que vous avez tout pour ce que vous avez, et point besoin d’en dire beaucoup. 


        • Jean Keim Jean Keim 16 septembre 18:15

          @Hamed

          En fait mon commentaire était destiné à amiaplacidus...

          Néanmoins ne comprenez-vous pas que trouver une réponse à une question qui n’est pas du domaine du connaissable et la faire sienne, c’est comme s’engager dans une impasse. Une définition dans un livre c’est comme une inscription sur une pierre tombale, c’est lettre morte.


        • Hamed 16 septembre 20:23

          @Jean Keim

          J’apprécie votre jugement, cependant nous sommes une chose qui pense, et malgré nous nous pensons. Vous avez votre pensée et j’ai la mienne.

          Je respecte votre jugement qui est très sensé ; et moi que puis-je faire pour vous suivre ; ce n’est pas que je ne veux pas et même si vous avez raison dans vos propos ; que fais-je en moi sinon que je pense ou que cette chose pense en moi, et je n’y peux rien.

          Voilà, Jean, nous sommes deux à penser mais différemment, et pensons en fait le même but, donc restons ou plutôt soyons ce que nous sommes et à chacun sa richesse de pensée.


        • Jean Keim Jean Keim 16 septembre 22:07

          @Hamed

          Donc, comme vous l’écrivez, vous pensez que vous êtes une chose qui pense, l’I.A. aussi, elle y arrive de mieux en mieux, la pensée étant un processus qui est imitable par des artifices de programmation, ainsi vous revendiquez d’être une machine, vous vous limitez à cette constatation ???

          Si vous doutez et que vous vous demandez ce que vous êtes intrinsèquement, alors laissez tomber cette démarche qui fait appel à la pensée positive qui affirme ceci ou cela et qui ne fait que répéter ce qu’elle sait en ressassant des savoirs puisés dans des mémoires , tout ce que nous pouvons faire c’est de rejetez ce que nous ne pouvons pas être, commençons tout de suite : nous ne sommes pas des animaux ni des machines...


        • Hamed 17 septembre 09:56

          @Jean Keim

          C’est vrai ce que vous dîtes "l’I.A. aussi, elle y arrive de mieux en mieux, la pensée étant un processus qui est imitable par des artifices de programmation, ainsi vous revendiquez d’être une machine, vous vous limitez à cette constatation ???« 

          L’IA y arrive, mais qui la fait arriver, n’est-ce pas la chose qui pense en nous et dont on ne sait rien ! Les artifices de programmation relèvent de cette pensée en nous.

          Quant à me revendiquer d’être une machine, là aussi, ce n’est pas moi qui me revendique, c’est la chose en moi qui pense et qui revendique en fait tout et me dicte ce que je dois énoncer, ce que je dois faire y compris exister. Ce qui signifie que ce n’est pas moi qui me lite à cette constatation.

          Bien sûr, Jean, ceci est exprimé en absolu, et René Descartes a bien compris le jeu humain qui se joue en nous, pauvres terriens qui ne sont que par la chose qui pense en nous et peu sont qui en prennent conscience.

          Vous me dîtes, Jean, »Si vous doutez et que vous vous demandez ce que vous êtes intrinsèquement, alors laissez tomber cette démarche qui fait appel à la pensée positive qui affirme ceci ou cela et qui ne fait que répéter ce qu’elle sait en ressassant des savoirs puisés dans des mémoires , tout ce que nous pouvons faire c’est de rejetez ce que nous ne pouvons pas être, commençons tout de suite : nous ne sommes pas des animaux ni des machines..."

          Je veux bien laisser tomber cette démarche qui fait appel à la pensée positive ; mais c’est quoi la pensée positive ou la pensée négative ? Certes, avec mon libre arbitre, je peux scinder la pensée positive de la pensée négative, mais je ne dois pas perdre de vue que je le fais par ma pensée, comme vous Jean, vous m’exhortez à le faire par votre pensée.

          Ce n’est pas que je ne veux suivre votre pensée, mais c’est la chose en moi qui me dit non, comme la chose qui pense en vous dit oui, c’est ce qu’il faut faire. Ou comme elle vous dit que la pensée positive ne fait que répéter ce qu’elle sait en ressassant des savoirs puisés dans des mémoires. Mais où sont les mémoires ? Sûrement dans cette chose qui pense en nous et qui est un tout.

          Enfin, pour terminer, la chose qui pense en moi me dit de ne pas rejeter ce que vous me conseillez à ce que nous ne pouvons pas être. Bien au contraire, elle me dit que vous n’êtes pas des animaux ni des machines, mais vous le summum de la création parce que, par essence, j’existe en vous, en vous humains.

          Humains qui par mon pouvoir, vous pensez vous et l’univers et ce que je vous fais découvrir progressivement de votre nature et de la nature de la Nature. Et surtout vous n’êtes pas sans moi, la chose qu pense en vous.

          Voilà, Jean, c’est un peu métaphysique, mais les êtres humains sont en réalité tous métaphysiques sauf qu’ils ne se rendent pas compte.


        • christophe nicolas christophe nicolas 16 septembre 15:22

          Pour savoir ce qu’est l’âme, vous dites à une femme proche de vous « qu’elle est la chose que j’ai et pas toi », le péché originel opère immédiatement en elle et elle vous répondra avec dédain « ce que tu as entre les jambes espèce d’idiot » pour toiser le machisme dont elle vous habille pour mieux vous soumettre et, là, pour corriger sa suffisance, vous lui dites « l’âme »...

          Sa réaction risque d’être explosive donc prenez vos précautions car elle vient de comprendre le péché originel, d’une manière qu’on pourrait qualifiée de « l’âme expliquée aux nuls »... :)

          • Le Verbe, même les matérialistes sont obligés d’admettre son existence pouvant le décrire sous forme d’ondes sonores bien que sa définition soit la transmission du sens
          • la Pensée, même les matérialistes sont obligés d’admettre son existence pouvant la décrire sous forme d’encre et de papier bien que sa définition soit des idées
          • Mais l’Ame, il faudrait un test de Rorschach... :)

          https://www.youtube.com/watch?v=Njts2RwYUNc

          Or, à quoi sert la psychologie de nos jours ? Au marketing pour vous vendre des trucs et des bidules, à faire de l’ingénierie sociale, du management, et plein d’autres choses parfaitement secondaires, voire manipulatoires et, dans de rares cas, pour soigner les traumatisés de guerre ou d’attentat.

          Bref, si vous vous étonnez que la société soit dans la merde, ne cherchez pas ailleurs que des joueurs manipulant l’âme, ne voyant pas de mal à ça puisqu’y voyant du vent.

          Voici la définition de la femme par Dieu :

          La femme n’est pas pareille à l’homme dans sa formation et dans ses réactions à la faute d’origine. L’homme a d’autres buts pour ses désirs plus ou moins bons. La femme a un but : l’amour.

          http://www.maria-valtorta.org/Thematiques/Femme.htm

          Le péché originel, c’est lorsque la femme fait descendre l’amour sur le plan de l’âme, c’est à dire l’intention de bonté, au niveau de la braguette parce qu’elle est troublée de ne pas disposer des attributs de l’homme qui se demande si la France va gagner la coupe du monde de rugby et s’il y a de la bière fraîche au réfrigérateur sans douter de sa supériorité innée... :)

          Du coup, ça jase dans la savane... :)


          • Jean Keim Jean Keim 17 septembre 07:51

            Si l’inconnu vient à notre rencontre, vraisemblablement nous en ferons une chose connue, ainsi fonctionne la pensée.


            • njama njama 17 septembre 09:24

              Les méditations métaphysiques publiées en 1642 développent celles de son Discours de la Méthode publié 5 années plus tôt.

              La citation « je pense, donc je suis » est à replacer dans son contexte pour en apprécier justement la portée, mais aussi dans la phrase intégrale d’où elle a été extraite, pour connaître le principe qui en est déduit.
              Son Discours livre une expérience, la sienne, son cheminement spirituel, ses méditations qu’il s’efforce de rendre simples et lisibles par tous en un petit livret « Ainsi mon dessein n’est pas d’enseigner ici la méthode que chacun doit suivre pour bien conduire sa raison ; mais de faire voir en quelle sorte j’ai tâché de conduire la mienne ».
              Il exprime clairement ses pérégrinations, sa démarche, son but, « je désirais vaquer seulement à la recherche de la vérité » et après avoir reconsidéré toutes choses et rejeté ce qui ne lui paraissait pas entièrement indubitable, il arrive donc à cette conclusion qui le place au bord de son être, sans autres richesses (puisqu’il en est venu à penser que tout pouvait être faux), que celle de cette solide certitude qu’il ne peut le nier sauf à renier ce « je » qui « est », sentiment qui vaut son pesant d’or philosophal. Principe opposable à tous, inébranlable, et charpente sur laquelle s’édifie « son être ».
              « Mais aussitôt après que je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse aussi quelque chose : et remarquant que cette vérité, je pense donc je suis, était si ferme et si assurée que toutes les extravagantes suppositions des sceptiques n’étaient pas capables d’ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchais. » (Discours de la Méthode).
              On peut noter par ailleurs que dans l’expression latine exprimée « cogito, ergo sum », le latin « sum » ne distingue pas le sujet du verbe, le « je » du « suis ».


              • Hamed 17 septembre 10:48

                @njama

                Très juste ce que vous dîtes sur René Descartes. La citation « je pense, donc je suis »

                ou en latin « 

                cogito, ergo sum »,

                n’exprime en fait que la pensée de Descartes qui, à la fin, après de longues pérégrinations métaphysiques, lui dictent ce « je pense, donc je suis »
                .
                Tous les êtres humains sont mus par leurs pensées ; sans celles-ci, ni ils ne vivent pas ni ils n’existent ; ils ne relèveraient même pas du néant ; le néant n’aurait aucun sens s’il n’y avait pas l’existence de l’être humain pensant par la chose pensante en lui pensant l’univers.

                Si nous approfondissons la pensée de Descartes « je pense, donc je suis », il veut dire par « il pense, il est », en fait qu’il n’est pas, qu’il n’existe pas dans la réalité, dans la vraie réalité, dans la réalité absolue ; il n’en est certain de son existence que parce que la chose qui pense en lui dise qu’il n’existe que parce qu’il pense ; et ce grâce à la chose qui se découvre en lui et lui fait dicter ces mots « je pense, donc je suis ».

                Qui ira énoncer, parmi les êtres humains de notre planète entière à énoncer ces mots ? Rares certainement le seraient. C’est pour cela que l’on a énoncé le cartésianisme, une philosophie rigoureuse, logique et surtout relevant de l’essence.


              • amiaplacidus amiaplacidus 17 septembre 16:16

                @njama

                Effectivement, il faut remettre les choses dans leur contexte. Et le contexte, en ce qui concerne Descartes, c’est une censure féroce qui s’attaque à tout ce qui ne conforte pas les dogmes des églises.
                Dogmes catholiques dans les pays catholiques, protestants dans les pays protestants.
                Impossible de publier si l’on ne fait qu’évoquer l’hypothèse qu’il n’y ait pas de dieu, et même sérieux danger de se voir emprisonné, voire plus.

                À mon avis, Descartes insiste vraiment très fort et, venant de sa part, de façon assez maladroite sur l’existence d’une déité.
                Serait-ce de sa part une manière cachée de montrer son agnosticisme ? Je ne sais pas, je pose simplement la question.

                De même, le pari de Pascal me semble également dissimuler l’agnosticisme de Pascal.


              • Gollum Gollum 17 septembre 16:23

                @amiaplacidus

                De même, le pari de Pascal me semble également dissimuler l’agnosticisme de Pascal.

                Certainement pas. Pascal était un bigot de première, croyant de façon littérale à tout ce qui était biblique.. Il était persuadé qu’Adam avait existé, qu’il a vécu 930 années et que l’Univers n’avait que 6000 ans environ... Il croyait même en l’eucharistie.

                D’où le diagnostic sévère de Nietzsche à propos de Pascal, disant que le christianisme lui avait ramolli le cerveau...

                Sur Descartes je n’ai pas d’idée, connaissant mal le bonhomme.


              • amiaplacidus amiaplacidus 17 septembre 16:42

                @Gollum

                Je prends acte. Je ne connais pas vraiment Pascal, hors son important apport aux mathématiques.
                De toute façon, moi et la philo…


              • amiaplacidus amiaplacidus 17 septembre 16:49

                @amiaplacidus
                Je complète :

                Pour moi, je fais le pari de Pascal à l’envers.

                Je ne sais pas si une quelconque déité existe ou non, je penche plutôt sur la non-existence ou à tout le moins à la non-existence d’une transcendance consciente d’elle-même et poursuivant un but. Mettons que les idées de Spinoza me conviennent.

                Je me suis toujours comporté de façon à ne pas nuire volontairement aux autres. Alors, si une déité existe, elle ne peut pas vraiment me tenir rigueur de ne pas avoir cru.
                À l’inverse, s’il n’existe pas de déité, je n’aurai pas perdu mon temps à des cérémonies vides de sens.


              • Gollum Gollum 17 septembre 17:22

                @amiaplacidus

                Mettons que les idées de Spinoza me conviennent.

                Idem. Spinoza est déiste mais son Dieu n’exige rien. smiley


              • njama njama 17 septembre 17:24

                @Hamed

                On ne peut pas définir « l’être », on peut que le ressentir ou moins fréquent sauf témoignages de mystiques, de mort imminente, expériences personnelles, ... on ne peut que le contempler.
                Dès que vous essayez de le définir (de le penser, d’y mettre « formes ») suivant l’ordonnancement d’idées de « votre » vécu, de « vos » connaissances qui vous permettent d’ordonner le monde, vous le réifiez, il n’est pas réductible à votre esprit.

                « L’être » n’est pas plus réductible à la pensée, que vous en fassiez l’expression d’une « énergie », d’une aura, d’un charisme,... vous ne mettrez au final que des « mots » sur ce qui fait partie de l’Indicible, de l’Immanence propre à la Nature des choses, du monde, au Mystère de la Création.

                Je vous en avais averti, souvenez-vous (le tonal, le nagual, l’explication des sorciers).
                Vous pouvez la retrouver dans le mail que je vous avais envoyé ou ici (pour les autres lecteurs) dans le fil de commentaires njama 17 mars 2019 17:27 @Alina Reyes nous sommes « des animaux bizarres. Nous sommes entraînés et, dans notre folie, nous croyons que nous comprenons parfaitement. »


              • Hamed 17 septembre 17:39

                @amiaplacidus

                Merci amiaplacidus pour votre sincérité. La chose qui pense en vous a pris acte, et déjà vous éclaire mieux même si vous êtes dans le doute comme l’était Descartes, au début de ses pensées. En revanche, B. Pascal a été trop éclairé, et peu importe la chose qui pensait en lui lui a été trop bonne, c’est la raison pour laquelle il avait une foi inébranlable en Dieu.


              • Hamed 17 septembre 17:57

                @njama

                C’est votre point de vue que je respecte ; en ce qui me concerne, le texte de R. Descartes est cartésien, logique, inébranlable ; nous ne sommes en réalité pas nous, et ce ne sont pas les mots qui le contredisent ; les mots, on les croit nôtre parce qu’on y croit puisque c’est nous qu les émettions par nos pensées.

                Dans la réalité absolue, non ; vous vous dîtes njama votre pseudo et vous croyez que vous êtes njama, vous le croyez simplement parce que vous êtes convaincus que vous êtes njama, et cela dit consciemment ou inconsciemment, peu importe, les deux n’indiquent rien dans l’Absolu de nous, de l’Être en nous ; nous en sommes inconscient, c’est tout.

                Dans la réalité de votre vie, de votre vécu, vous êtes njama ou vous avez un autre nom, le vrai, peu importe ; la seule chose que je cherche à vous communiquer, comme le fait Descartes, il parle de cette chose qui pense en nous, qui octroie la pensée, et nous permet d’exister. C’est tout ce que j’ai cherché à montrer ce qui se joue en nous ; bien sûr, si ce n’est pas accessible, peu importe. A vous de penser comme vous fait la chose qui pense en vous. Nous sommes tous mus comme chacun l’est ; on n’est pas obligé d’être d’accord si on ne l’est pas.

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