La démocratie au tapis
La semaine qui vient de s’écouler a été accaparée par les commémorations des attentats du 11 septembre 2001. Mais qu’avons-nous célébré au juste ?
Il fallait s’y attendre : durant ce weekend du 11 septembre 2021, le déluge médiatique a supplanté le déluge de flammes et de poussières toxiques de l’évènement originel, vingt ans plus tôt. L’Amérique frappée – avec quel sens de la mise en scène ! – par des attentats d’une ampleur inégalée. Près de 3000 morts en quelques minutes. Deux des symboles de sa puissance économique effondrés en moins d’une heure comme un simple château de cartes. Et il s’en est fallu de peu que le Pentagone ne connaisse alors le même sort. Stop ! Basta ! N’en jetez plus ! Nous ne les avons que trop vu, ces images hallucinantes, et pas seulement depuis la semaine dernière. Elles sont à jamais gravées dans nos mémoires et il y aura toujours une occasion de les re-visionner au cours des années et des décennies à venir, ne fut-ce que pour instruire les enfants de nos enfants sur cette entrée fracassante dans le XXIeme siècle.
La question est bien plutôt de savoir ce que nous avons commémoré, tant aux Etats-Unis qu’en France, durant ces trois journées pathétiques. Des victimes innocentes (dont la liste n’a cessé de s’allonger depuis) ? Certainement, car nous avons un devoir de mémoire envers elles. Et, malheureusement, d’autres, chez nous et en Europe, sont venues s’ajouter à cette terrible litanie. L’affront fait aux USA et la riposte légitime qu’il a entraînée ? Dans ce cas, il faudrait commémorer aussi, tous les 7 décembre, l’attaque japonaise sur Pearl Harbour, puisqu’elle a quand même déterminé les Américains à entrer en guerre contre le Japon et l’Allemagne nazie avec les conséquences historiques que l’on sait. Mais, contrairement à l’issue victorieuse du deuxième conflit mondial et la période de relative prospérité qu’elle a inaugurée dans le bloc occidental, les guerres qui ont suivi les attentats du 11 septembre ont sans doute modifié partiellement l’ordre politique international, mais elles n’ont pas rétabli la paix et la sécurité. Pire ! On peut dire avec une quasi certitude que le monde d’aujourd’hui est plus instable et plus dangereux que celui de 2001. Un peu partout la démocratie a reculé et les régimes autoritaires, de quelque obédience qu’ils se réclament, n’en finissent pas de progresser.
C’est donc une défaite que, finalement, nous avons célébrée en ce 11 septembre 2021. Et sa preuve la plus éclatante, ce sont ces cohortes de talibans barbus qui paradent depuis un mois à Kaboul et ailleurs en Afghanistan. Malgré la longue guerre que les USA et leurs alliés ont menée pendant près de vingt ans à ces complices historiques d’Al Qaïda ; malgré leur repli stratégique et l’élimination de Ben Laden voici dix ans, ils sont revenus sur le devant de la scène, plus sûrs que jamais de leur droit à imposer à la population afghane l’Islam le plus intégriste. Eux, en tout cas, sont convaincus de l’échec de leurs adversaires et de la chute prochaine de l’Amérique qu’ils appellent dans leurs prières. Chacun voit, bien sûr, midi à sa porte. Mais leur constat est sans appel et l’Histoire va devoir composer avec eux. L’Occident a perdu la guerre en Afghanistan et c’est tout juste s’il endigue le terrorisme islamiste sans parvenir à l’éliminer radicalement. Le monde qu’ont inauguré les attentats du 11 septembre 2001 a l’allure d’un cauchemar dont nous ne parvenons pas à nous réveiller.
Jacques Lucchesi
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