La banlieue rouge se délite
Le dessin de Sapiens qui illustre cet article pourrait être issu du Mouvement de la paix, cette association fondée en 1947 par des résistants communistes notamment Charles Tillon.
Cette association toujoiurs existante aujourd'hui a été une association de masse.
Des associations comme celle là ont été et sont fort utiles aujourd'hui comme hier alors que se profilent des risques d'une guerre mondiale.
Toutes ces associations d'éducation populaire qui se sont créées ou développées à la Libération sont d'une utilité sociale et progressiste indéniable. Leur présence massive hier dans les quartiers a constitué une "contre société" dont les bienfaits ne sont pas à démontrer.
Lors des dernières élections municipales, trois bastions communistes sont tombées à droite dans le Val de Marne : Valenton, Choisy le Roi et Champigny !
Ce fut un tremblement de terre dans ce département, le Conseil Départemental étant déjà passé du rouge historique au bleu.
Des explications locales expliquent ce basculement historique.Mais il est indéniable que c'est l'abstention populaire massive qui explique en grande partie cet effondrement relatif du « communiste municipal » dans ce département
Voici les taux de participation – historiquement bas
43,75 % Valenton
39, 41 % Champigny
40 % Choisy le Roi
Dans les quartiers populaires de ces trois villes le taux d'abstention est encore plus bas, beaucoup plus bas.
Il y a indéniablement une désaffection, un découragement de la part des familles populaires.
A côté des raisons sociologiques connues comme la ghettoïsation de certains quartiers, la paupérisation, il y a un délitement du lien quasiment « organique » qui existait entre les couches populaires et le « communisme communal ».
A la Libération, le PCF a développé une toile d'araignée impressionnante dans tout cette banlieue rouge.
De nombreuses et puissantes associations, liées au « parti de la classe ouvrière » encadraient la population et défendaient les intérêts de ses mandants.
Il arrivait souvent,dans la même famille, que les grands parents soient à l'Union des Vieux de France, le père cotisant à la CNL (Confédération National du Logement), la mère bénévole ou bénéficiaire au Secours populaire et sympathisante des Femmes françaises... sans oublier les grands qui s'entraînaient à la FSGT …..
Cette liste n'est pas exhaustive .
Les adversaires du PCF, à droite surtout et parfois à gauche ont beaucoup critiqué cet encadrement qui pour eux procédait de l'électoralisme !
Les socialistes oubliaient qu'ils faisaient un peu la même chose à plus petite échelle avec Léo Lagrange dans le Nord .
Quant à la droite elle a toujours fonctionné sur le mode du clientélisme... c'est d'ailleurs comme cela qu'elle a remporté des villes jadis communistes .
Aujourd'hui en 2023, toutes ces associations créées par le PCF existent encore mais elles sont moins puissantes et toutes indépendantes du parti, c'est indéniable.
Cette indépendance est liée à plusieurs facteurs ; la crise du PCF, l'évolution des mentalités, l'expérience de terrain d'équipes militantes qui ont pris leurs distances.
Je pense que le peuple, les familles populaires ont perdu beaucoup avec l'affaiblissement de ces associations. Il existait un cadre éducatif et social fort qui permettait de développer les solidarités et de défendre les intérêts populaires.
Mon grand oncle qui a été président national de l'Union des Vieux de France m'a confié dans les années 70 qu'un militant communiste devait obligatoirement être syndiqué, si possible à la CGT et adhérent d'une association....
C'est une leçon que j'ai bien intégrée, car bien que communiste hors du PCF, je suis syndiqué et adhérent à plusieurs associations.
Je loue cette indépendance des associations mais estime qu'il faudrait que tous ceux et toutes celles qui veulent une autre société, plus humaine, plus solidaire ne se contentent pas de faire des listes aux élections mais s'ancrent dans les quartiers en participant à la vie sociale avec leurs voisins avec les gens.
Autrefois les élus municipaux socialistes, communistes, de gauche avaient un ancrage dans la ville, en militant dans une association, ce qui leur permettait d'ailleurs de ne pas perdre pied avec la réalité.
Je suis pour l'indépendance des associations mais pas pour l'apolitisme.
Il ne faudrait pas passer d'un vieux système de subordination de l'association au parti au refus de tout « politisme » !
Le Secours Populaire Français a une action solidaire exceptionnelle mais refuse très souvent par neutralité, à toute action politique même large, y compris participer à des manifestations pour le droit au logement ou pour le relèvement des minima sociaux.
On voit plus souvent le Secours catholique dans la rue que le SPF !
LSR, Loisirs Solidarité Retraite, organisation fondée par la CGT au tout début des années 80 a une implantation importante.
Il accueille en son sein tout retraité, ce qui est une belle chose mais beaucoup d'administrateurs ne savent pas d'où vient ce mouvement, quelles en sont les racines.
Cette déculturation est regrettable.
Ne faudrait-il pas aujourd'hui revenir aux fondamentaux et ne pas jeter le bébé avec l'eau sale du bain ?
Les associations doivent être indépendantes des partis et le rester, elles doivent être des espaces de socialisation et de défense des intérêts des gens et surtout des plus humbles.
Ce sont les espaces de construction, de renforcement du lien social et de l'émergence d'une citoyenneté active.
Le délitement de la banlieue rouge conduit à faire des villes un désert social et politique et risque de conduire à toutes les dérives que sont le populisme ou le communautarisme comme lieux de repli .
Jean-François Chalot
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