Face au terrorisme, la défense pathétique de l’Occident
Pour combattre le terrorisme, il faut en comprendre les raisons.
Les rares tentatives d'analyse sérieuse disparaissent sous un amoncellement d'informations incontrôlables, de déclarations guerrières et incohérentes contre l'Etat islamiste, sur la nécessité et l'utilité des bombardements, sur les moyens militaires, policiers, économiques ou politiques à mettre en peuvre, personne ou presque ne s'avisant de relever que ne doivent pas être confondues les causes du terrorisme, et les manifestations de ce phénomène.
Pour se manifester, le terrorisme n'a évidemment pas attendu l'existence de l'Etat islamiste, et dans l'histoire récente, celle des cent cinquante dernières années, le terrorisme s'est maintes fois manifesté sans que l'Islam ne soit en quoi que ce soit concerné. Le terrorisme a été souvent utilisé et pratiqué, y compris par des Etats qui aujourd'hui le condamnent, ou qui en sont les victimes.
Dans les évènements récents, ce qui préoccupe et ce qui frappe réside dans le fait que des individus se réclamant apparemment d'une vision de l'Islam, commettent des actes terroristes au péril de leur vie, ou même en faisant délibérément le sacrifice de leur vie.
Cela même n'est pas propre au terrorisme islamiste. L'Europe du XIXème siècle est marquée de multiples attentats, notamment en Europe, en Russie, aux Etats-Unis, qui se sont immanquablement soldés par la mort des terroristes. Le début du XXème siècle connaît les attentats anarchistes. La première guerre mondiale commence par l'assassinat d'un grand-duc autrichien, l'auteur du crime est qualifié de fanatique nationaliste.
Bien que ces évènements ne soient pas qualifiés d'actes de terrorisme, les massacres régulièrement perpétrés aux Etats-Unis, dans des lieux publics, des écoles, des universités, font aux aussi apparaître des criminels prêts à sacrifier leur vie, et cherchant à faire le plus de victimes possible. La cause de ces massacres est très généralement attribuée à la profusion des armes aux Etats-Unis, et à l'absence d'une législation en restreignant sévèrement la vente, la détention et la circulation.
Plus récemment, un pilote d'avion de ligne s'est suicidé avec son avion, entraînant dans la mort tous ses passagers. Ce fait divers particulièrement meurtrier n'a jamais été qualifié de terroriste.
Pourtant, tous ces évènements démontrent que dans certaines conditions, un individu, acceptant et même décidant de perdre la vie, passe à l'acte en provoquant la mort de personnes n'ayant jamais eu aucun lien avec l'auteur de l'acte terroriste.
C'est ce passage à l'acte qu'il faut analyser et comprendre, si l'on veut tenter de prévenir les actes terroristes. Face à la diversité apparente des exemples qui viennent d'être donnés, on pourrait être tenté d'imputer la survenance de ces actes à une forme de folie. Ce serait une grave erreur, car les terroristes ne sont pas des fous, ils suivent une certaine logique, et du reste, même les fous, ou ceux que la société répute fous, ont une logique qui n'est pas la nôtre, mais dont il faut admettre l'existence si l'on veut comprendre leurs actes. Invoquer ici la folie reviendrait à renoncer à expliquer le terrorisme.
En réalité, dans tous les cas, on retrouve chez les auteurs d'actes de terrorisme la poursuite, parfois désespérée, d'un but, d'un idéal, fût-il complètement dévoyé, l'acte de terrorisme apparaissant alors comme l'aboutissement de cette recherche.
Le terrorisme apparaît en réalité comme une quête exaltée d'idéalisme, et comme le rejet d'une société qui a elle-même renié toute forme élevée d'accomplissement de l'individu, qui a renoncé non seulement aux valeurs et enseignements de la religion, mais également à toute forme de spiritualité, et dont les seules valeurs sont le matérialisme, l'argent, le consumérisme, l'hédonisme. Cette société n'est pas même athée, elle a simplement été gagnée par l'indifférence, et ignore les questions métaphysiques.
Dans un ouvrage célèbre, consacré à l'étude des idées fascistes ("Ni droite, ni gauche"), Zev Sternhell avait parfaitement souligné que l'idéologie fasciste était née d'une aspiration idéaliste, en réaction à un monde déjà dominé par le matérialisme, et par réaction à un système politique corrompu.
La France a été la victime des derniers attentats terroristes commis en Europe. Pourquoi la France ? Tout simplement, parce que c'est le plus faible des Etats européens. Faible, non seulement parce que la France, après la défaite honteuse de 1940, s'est vautrée dans la "douceur de vivre", que tirant prétexte d'un prétendu universalisme, d'un esprit français ouvert sur le monde, la France a définitivement accepté d'être occupée, par les Allemands, par les Américains, et à présent par différentes communautés, tous étrangers à sa culture et à ses mœurs, mais surtout parce que la France a procédé à une sorte de désarmement unilatéral sur le plan moral.
La France est devenu un pays dirigé par une caste bureaucratique dont la seule préoccupation est de préserver ses privilèges. Cette caste qui se sent aujourd'hui menacée par les attentats, a beau demander au petit peuple de mettre le drapeau français aux fenêtres, elle n'a aucun patriotisme, elle ne défendra ni les intérêts français, ni l'indépendance de la France. Cette caste s'appuie en cela sur une proportion importante, et sans doute majoritaire, de la population, et de l'opinion française qui continue de voir dans les Etats-Unis la puissance qui a sauvé la France.
La société française, c'est à dire l'ensemble de la population résidant sur cet appendice européen que l'on nomme la France, ne propose aucun idéal à la jeunesse qu'elle invite simplement à jouir des bienfaits de la société de consommation, et dont les seules références morales résident dans l'évocation rituelle et compassée de la démocratie et des droits de l'homme.
Dans les faits, la démocratie est bafouée, les institutions politiques sont dominées par des partis que rien ne différencie notablement, et qui font tout pour conserver leur pouvoir, au mépris de l'esprit démocratique dont ils se disent pourtant les champions.
Quant aux droits de l'homme, l'application pointilleuse et hypocrite qui est faite d'un texte à portée prétendument universelle, celui de la Convention européenne, nous fait oublier une vérité élémentaire qui veut que l'homme n'a pas que des droits, mais aussi des devoirs, des obligations à l'égard de lui-même, de son pays et de la société. La religion des droits de l'homme a pour effet pervers de désarmer moralement les individus.
N'ayant à proposer que cette fausse démocratie et cette fausse religion, la société française est en réalité une société qui n'a plus d'âme, une société d'exclusion dans laquelle l'appartenance à un parti, à un syndicat, à une secte, à une communauté a le plus souvent plus d'importance que les qualités, le travail ou la compétence des individus. La société française vit dans le mensonge permanent. Le Parti socialiste est un parti de privilégiés qui aiment à se donner bonne conscience en se référant au socialisme, mais qui soutient le système capitaliste dans tous ses excès, et qui a la même politique que la droite. La droite se réfère au gaullisme, mais il y a bien longtemps qu'elle a renoncé à la souveraineté et à l'indépendance de la France, et à la défense d'un projet proprement français. Nous sommes tous témoins de ces hypocrisies, mais à quoi sert de dire une vérité que tous connaissent, si "le peuple", devenu cynique, se complait dans le mensonge !
Enfin et surtout, la société française, et au-delà de la France, la société occidentale n'offrent à leurs membres qu'un idéal de boutiquier, d'épicier, seulement invités à s'enrichir... s'ils le peuvent. Au XIXème siècle, les grands écrivains, les philosophes, les artistes, les penseurs étaient le plus souvent issus de l'aristocratie, parfois, de la bourgeoisie. L'élite contemporaine n'engendre plus de penseurs, plus de génies, prêts à révolutionner la société, elle n'accouche que d'un esprit gestionnaire cherchant les remèdes pour préserver l'ordre établi, au mépris de toute morale. Ses seuls prophètes sortent des écoles de l'administration, ils nous assènent quotidiennement, dans les médias, sur un ton faussement inspiré et prophétique, les pauvres et maigres recettes de la portion congrue.
Faut-il s'étonner que dans cette société d'hypocrites, ceux qui sont les exclus ressentent un sentiment de révolte. C'est vraisemblablement le cas d'une partie de la jeunesse, à laquelle il n'est offert aucun idéal, et qui n'accède pas même aux "délices" de la société de consommation.
Pour être forte et cohérente, une société doit donner une place à chacun, aux riches comme aux pauvres, et un espoir. Le terrorisme, c'est l'absence d'espoir. Le passage à l'acte, c'est le désespoir absolu. Une religion, l'Islam, dans une interprétation dévoyée, donne à la jeunesse perdue un idéal qu'elle ne trouve pas dans notre société.
Alors, bien sûr, il faut lutter contre le terrorisme. Bien entendu, il faut réduire à néant les Etats ou les organisations qui pratiquent le terrorisme. Bien évidemment, il faut prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir et déjouer les attentats. Mais pour lutter durablement et efficacement contre le terrorisme, il faudrait que la société occidentale se réforme, qu'elle retrouve une inspiration et un idéal. Nous en sommes loin. De ce point de vue, les bombardements sont inutiles, et la défense de l'Occident, Russie comprise, est pathétique.
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