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Enfants de voleurs

Tout est annoncé dans le mythe fondateur occidental quand Dieu dit à Adam et Eve : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l'assujettissez ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre (La Genèse).

Tout est annoncé dans le mythe fondateur occidental quand Dieu dit à Adam et Eve : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l'assujettissez ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre (La Genèse).

 

Place prééminente promise à Adam et Eve : se multiplier, remplir la terre, l’assujettir, dominer… Le mal est dans le fruit avant même qu’il ne soit croqué.

Mais avec la consommation, le serpent promet bien plus : leurs yeux s’ouvriront, leur connaissance du bien et du mal les apparentera à des dieux.

Prométhée, sur l’autre rive, vole le Feu sacré de l’Olympe pour le donner aux hommes et, avec lui, le savoir et le pouvoir. Il en fait des concurrents des dieux.

 

Voleuse de fruit, voleur de feu, ils ont voulu égaler les dieux...

 

Leur descendance a connu une suite tumultueuse de luttes individuelles ou collectives pour la domination du monde. Mais la construction de cités, d’empires, prestigieux et destructeurs, repose toujours sur l’asservissement du nombre.
 

Cette domination a été décuplée par l’alliance de la science et du profit. Car, l’anthropocène ne commence pas avec l’homme mais avec cette fusion de la science et du profit pour l’assujettissement, la domination des choses, de bêtes, des hommes, de la terre entière. Qui, aujourd’hui, veut s’étendre au-delà ! Sans limite.
Plus que d’anthropocène, il faut parler de capitalocène.

Ce n’est pas le progrès pour le développement des connaissances, du bien-être, de l’épanouissement de tous qui est en cause mais le progrès au service de la domination, du profit accumulé de quelques uns.

 

Histoire africaine

Tous les matins, Babacar part en mer, avec sa barque et son filet, capture quelques poissons pour nourrir la famille. En une heure ou deux. Il revient et profite paisiblement du temps, de la famille, des amis.
Le commerçant du coin :

- Pourquoi ne restes-tu pas plus longtemps en mer, tu rapporterais plus de poisson.

- Pour quoi faire ?

- Tu pourrais le vendre au marché et faire des économies.

- Pour quoi faire ?

- Avec les économies, tu pourrais acheter une autre barque et faire travailler un autre pêcheur et vendre plus sur le marché.

- Pour quoi faire ?

- Avec plusieurs barques, plusieurs pêcheurs, tu aurais assez d’argent pour profiter paisiblement de la vie, de la famille, des amis....

- C’est ce que je fais tous les jours, tout seul, avec une seule barque !

 

 

Hommes, cités, empires naissent, grandissent et passent à la suite de conflits externes ou de leurs contradictions. Quelquefois, après des siècles pour certains empires. Mais, limités dans leur volonté de puissance, de vaincre, d’exploiter. Et limités aussi dans leur capacité de nuisance, ils ne font qu’égratigner la terre.

L’union du profit et de la science, née en Europe, a permis la prospérité des impérialismes occidentaux, concurrents d’abord, britannique et français, puis continués, dépassés et dominés par l’impérialisme des États-Unis. Au-delà de ces impérialismes classiques, promis à disparaître comme les précédents, la grande nouveauté est la diffusion à presque toute la planète de la même science, des mêmes techniques au service de la même idéologie du profit, de la domination : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l'assujettissez, et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre…

Le mythe est quasiment accompli. La terre est remplie, l’homme domine. Mais, depuis Descartes, l’animal n’est plus qu’une machine. Et, de plus en plus, l’homme qu’un animal. L’un comme l’autre soumis à la massification, à l’industrialisation de la production pour le profit. De l’esclavage domestique à la traite et à l’esclavage de plantation, de l’artisanat à la fabrique et à la prolétarisation industrielle, de l’élevage à la ferme à l’élevages en batteries…

 

Le XVIII ème siècle est le moment ambigu : d’un côté, la sacralisation des droits de l’homme ; de l’autre, la désacralisation de toute chose, classification, hiérarchisation, exploitation y compris des êtres humains. Que les techniques de demain ne feront qu’amplifier au service de l’homme peut-être (la santé) mais surtout de son contrôle, y compris par la médecine. Le monde en connaît les prémices.

Par ailleurs, chaque progrès, chaque évolution, apporte de nouveaux bienfaits et de nouvelles nuisances. Qui nécessitent de nouvelles évolutions… avec leurs nuisances… Spirale infinie…

Et avec cette lanterne magique qui, depuis deux siècles, fascine quel que soit le régime, c’est toutes les plantes, toutes les bêtes, tous les peuples, toute la terre qui sont assujettis. Tous les peuples qui souffrent de leur situation, de leur frustration par la création de nouveaux besoins, de nouveaux modèles, hors de portée.

 

Cette civilisation sait que, comme toutes les précédentes, elle est mortelle. Elle commence à s’apercevoir qu’elle est aussi mortifère. Y compris pour elle même. Suicidaire.
Trop tard ?

 

Restent des pôles de résistance qui viennent d’ailleurs et commencent à s’implanter ici. Les êtres humains ne sont pas en dehors, au dessus. Au dessus les uns des autres, au dessus des animaux ou des choses. Les autres, êtres humains, animaux, choses, ne sont pas là seulement des moyens, des objets mais sont des sujets qui participent de façon complémentaire, réciproque, nécessaire à la vie de tous.

La résistance n’est pas dans la mobilisation nationale et télévisée autour du sort de l’orque malade et égarée dans le cours inférieur de la Seine tandis que les pêches intensives et le déversement de polluants détruisent la faune des mers fermées et que des millions d’animaux vont des élevages en batterie à nos tables en passant par des abattoirs industriels.

 

Le désastre annoncé sera-t-il total, définitif ? Ou permettra-t-il un nouveau départ sur de nouvelles bases ? La sagesse est-elle pour demain ? Il est toujours permis de rêver...


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2 réactions à cet article    


  • Étirév 27 octobre 2022 16:07

    Voler, faucher, piquer ou même dérober
    La Femme (Déesse) avait fait la science. Le Prêtre, en prenant sa place et en donnant sa divinité à l’homme, voulut aussi lui donner le savoir. Il l’imite en tout, lui prend son costume, sa robe (d’où dé-rober).
    L’interversion des rôles est un travestissement moral qui naquit en même temps que le carnaval ; permis pendant quelques jours de l’année, pour s’en amuser, il finit par se maintenir en toutes saisons. Et, chose curieuse, quand l’homme prend le rôle de la femme il continue à prendre, en même temps, son costume. Le travestissement est devenu un usage acquis.
    Pour rendre la justice, fonction féminine, il met la robe du juge, la robe de Thémis.
    Pour exercer le sacerdoce, fonction féminine, il met la robe de la prêtresse, la robe blanche de Junon, de Minerve.
    Pour enseigner les lois de la Nature, fonction féminine, il met la robe universitaire : le satin et le velours dont on faisait la robe des neuf Muses.
    NB : Les Femmes avaient dirigé, avec leur esprit clairvoyant et leur sagesse, les institutions sociales. Elles faisaient tout venir de la Vérité, de la Justice, du Droit. Le verbe aryen « Vasa » (racine du mot Vérité) signifiait établir, fixer, on reconnaissait que c’est la Vérité qui crée la fixité, la solidité. La Théogonie (règne du génie) avait engendré la Théodicée (règne de la Justice, de « Dikê », Justice), et la Théosophie, la sagesse qui préside à la vie sociale. Tout leur gouvernement découlait de leur science de la vie.
    Les hommes voulurent changer tout cela. Ne comprenant pas les lois qui avaient dicté le savant échafaudage Théosophique, moral et social, et ne cherchant dans le pouvoir que l’intérêt immédiat et personnel, ils ne s’occupèrent que des choses concrètes, ils accommodèrent leurs croyances et leurs institutions, non plus à la Vérité, mais à leurs besoins, à leurs instincts, à leurs sentiments ou à leurs caprices. Les Femmes avaient fait une Doctrine (de « docere », instruire, enseigner) ; les hommes firent des dogmes (de « dokein », sembler).
    Ainsi, de la science primitive les prêtres firent « la Théologie », pendant que de la savante organisation matriarcale, les rois faisaient « la Politique ».
    Triste transformation qui amena la chute de la paisible et féconde Gynécocratie, détruite par le mensonge du prêtre et par la fougue guerrière du conquérant portant partout la dévastation.
    Ce fut un effroyable malheur pour la Terre tout entière, puisque ce fut le commencement de l’ère de cruauté, de servitude, de barbarie, qui devait durer aussi longtemps que l’anthropocratie.
    LIEN


    • ZenZoe ZenZoe 27 octobre 2022 16:36

      Votre histoire africaine me rappelle un poème de Roland Topor que j’adore :

      Toujours couri pou gagner vie

      Quand bien couru vie l’est foutue

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