Comment les pétrodollars, la ceinture verte et la stratégie monétaire US ont mis fin à l’Union soviétique ? Les contingents de l’histoire
Suite de la Version préliminaire courte (1)
Comment comprendre la stratégie américano-saoudienne dans la montée en puissance de l’islam dans le monde ? L’objectif était d’unifier les peuples musulmans sous la bannière de l’Islam dont l’objectif premier était de les ériger en rempart contre le communisme. Une stratégie sous-tendue par une profusion d’aide financière, sous la houlette américano-saoudienne, a dépassé toutes les espérances. Un mouvement politique puissant s’est développé rapidement dans les années 1970 et a pris le contrôle de nombreuses organisations sociales et étudiantes ainsi que des associations caritatives et culturelles.
Prêchant une réforme complète de la société et l’avènement de la justice sociale par l’islamisation des structures de l’Etat, le mouvement islamiste le rendit extrêmement populaire dans les couches les plus défavorisées de la société ainsi qu’auprès de certains milieux intellectuels progressistes mais hostiles aux régimes socialistes arabes. En Europe où vit une forte communauté musulmane, l’implantation de mosquées, à l’époque, s’inscrivit dans une démarche interculturelle, et ne posa pas de résistance politique contrairement à aujourd’hui.
L’instrumentalisation de l’Islam a eu à jouer un rôle déterminant dans un long processus politique qui aujourd’hui encore n’est pas achevé. Par exemple, la révolution en Iran n’a pas été le produit du hasard mais entrait dans le cadre d’une stratégie américaine à l’échelle mondiale. Installer un régime islamique en Iran offrait à la superpuissance trois atouts.
1. Installer sur le flanc sud de l’URSS une « ceinture verte »
2. Mettre fin aux ambitions du chah d’Iran dans son « programme nucléaire »
3. « Opposer un pôle de rayonnement islamiste chiite au pôle islamiste sunnite » pour neutraliser le monde musulman par une division interne.
On comprend pourquoi l’ayatollah Khomeiny a eu tous les égards en France ; de la banlieue parisienne, à Neauphle-le-Château, il dirigea par ses mots d'ordre de résistance et d'action diffusés en Iran pour renverser la monarchie Pahlavi. Rentré le 1er février 1979 à Téhéran, l’ayatollah Khomeiny proclame, deux mois plus tard, la république islamiste d’Iran. Malgré la position prise par l’Iran sur le conflit israélo-palestinien et la séquestration des diplomates américains par les « étudiants révolutionnaires », en novembre 1979, la stratégie américaine pour endiguer l’influence de l’union soviétique sur le Proche et le Moyen-Orient a fonctionné ; l’Iran s’est transformé en phare de l’islam combattant.
Parallèlement aux conflits dans le monde arabo-musulman, des crises financières et monétaires opposaient les États-Unis à l’Europe. La fin des « Trente Glorieuses » qui n’était pas propre à la France touchait pratiquement toutes les économies occidentales. Tout faisait penser que le scénario qui a suivi le premier conflit mondial dans les années 1920 se reproduisait dans les années 1960 et 1970, évidemment avec des changements liés à l’évolution du monde ; le contexte historique avait donc changé.
La reconstruction des pays industrialisés des destructions de la guerre de 1939-1945, leur retour dans le commerce mondial, avec la saturation en biens et produits échangeables sur les marchés internationaux, ne pouvaient préfigurer une crise économique du type de 1929 et la dépression des années 1930, pour la simple raison que les acteurs dans le commerce mondial ont augmenté. Les pays d’Afrique et d’Asie sortis de la décolonisation de l’Afrique et de l’Asie ont une part importante dans l’« absorption mondiale », ce qui a eu pour effet avec leurs importations de reculer la crise.
En outre, contrairement aux années 1920 où aucune monnaie mondiale n’avait une prééminence sur les autres dans le Gold Exchange Standard (GES), le dollar US après la guerre était la « monnaie-centre » du système monétaire international. Toutes les monnaies européennes avant 1958 étaient dévaluées et inconvertibles ; ce n’est qu’en 1958 que les monnaies européennes sont de nouveau devenues convertibles, évoluant avec une marge très étroite autour de la monnaie-pivot, le dollar (1%) ; la convertibilité du dollar américain étant garantie par un cours fixe, vis-à-vis de l’or, à raison de 35 dollars US pour l’once d’or.
Avec le retour de la convertibilité en or des monnaies européennes, des phénomènes négatifs ont commencé à apparaître, dès le milieu des années 1960. Le retour des pays européens sur le marché mondial et la montée en puissance du Japon se sont progressivement traduite par le recul des États-Unis dans la production mondiale. Si la consommation intérieure, les dépenses de guerre, le budget défense et la course aux armements qui intègre la recherche spatiale, ont fait des États-Unis la « locomotive mondiale », faisant progresser les échanges américains avec l’Europe, ses déficits commerciaux croissants avec les pays du reste du monde, financés par la « planche à billet », ont amené les pays européens, au début des années 1970, à refuser d’absorber les dollars émis par la Réserve fédérale qui est la Banque centrale américaine (Fed), qui en fait monétisait les déficits extérieurs des États-Unis.
Une « monétisation récurrente des déficits courant américains » par la Fed a poussé les Banques européennes à réclamer de l’or en échange des liquidités détenues en dollars ; la méfiance s’installant de part et d’autre de l’Atlantique et les faibles stocks d’or aux États-Unis ont entraîné le président américain Richard Nixon à suspendre, le 15 août 1971, la « convertibilité du dollar en or » ; cette suspension sera suivie par le « flottement des monnaies » sur les marchés monétaires. C’est la fin des accords de Bretton Woods de 1944, sur la partie qui concernait le système du change fixe du dollar en or.
Pour parer aux crises monétaires qui opposaient essentiellement les États-Unis à l’Europe puisqu’ils étaient les seuls à détenir, dans le monde, les monnaies internationales en tant que monnaie de réserve et de compte dans les Banques centrales de la planète, des crises d’ailleurs qui ne s’estompaient pas et restaient sans issue de règlement, c’est le « pétrole des pays de l’islam » qui viendra dénouer les crises monétaires en Occident.
En effet, « l’accord sur les pétrodollars », formalisé après la quatrième guerre israélo-arabe d’octobre 1973 qui a vu le prix du pétrole « quadrupler », stipulait que « l'Arabie saoudite fixerait le prix de ses exportations de pétrole exclusivement en dollars américains et investirait ses recettes pétrolières excédentaires en bons du Trésor américain. » Et tous les autres pays exportateurs de pétrole du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ont suivi l’Arabie saoudite ; puis c’est tout le cartel pétrolier, l’OPEP qui a suivi du fait du renchérissement des cours pétroliers.
Mais qui est derrière cette stratégie ? N’est-ce pas le lobby financier américain ! Cette facturation du pétrole de ces pays en « pétrodollar » offrait un « triple avantage » ; il permettait à la superpuissance américaine de continuer à financer ses déficits en dollars crées ex nihilo ; du fait que tous les pays industrialisés qui importaient du pétrole arabe étaient obligés d’acheter des dollars US sur les marchés monétaires pour régler leurs importations ; le système monétaire de Bretton Woods de 1944 en fait est tacitement reconduit entre les pays d’Europe et les États-Unis, l’or noir remplaçait l’or-métal.
Le deuxième avantage, et celui-ci est capital, la hausse des prix de pétrole a permis de « dépasser les crises monétaires et économiques entre l’Europe et les États-Unis », à la fin des années 1960 jusqu’à l’irruption du 1er choc pétrolier, dans le contexte de la quatrième guerre israélo-arabe, en octobre 1973. On est même tenté de penser que la quatrième guerre israélo-arabe a été programmée par les États-Unis pour faire « passer » que le 1er choc pétrolier a été provoqué par l’Arabie saoudite qui, en représailles contre les États-Unis qui a aidé Israël, au cours de la guerre contre l’Égypte, a « quadruplé le prix du pétrole ».
Alors qu’il n’en est rien ; les États-Unis, par leur système de renseignements satellitaires, étaient informés de l’attaque imminente des forces armées égyptiennes ; ils n’ont pas informé Israël de l’imminence de la guerre avec l’Égypte, le laissant fêter le « Yom Kippour » – le terme juif « Yom » signifiant le jour est le même arabe. La fête de Yom Kippour est appelée le « jour du Grand Pardon », la plus solennelle et la plus sainte de la religion juive ; chaque juif doit demander à Dieu le pardon de ses propres fautes ainsi que de celles de la communauté.
Il est évident qu’ils y avaient des « raisons hautement stratégiques » voire aussi « morales » pour que les États-Unis qui savent tout ce qui bouge sur terre par leur réseau de satellites n’aient pas informé Israël de l’imminence de l’attaque égyptienne.
En réalité, sur le plan suprahumain, qui dépasse les capacités de penser et d’agir des hommes, c’est « la Raison qui gouverne le monde qui décide de la marche de l’histoire » ; ni les Américains, ni les Israéliens ni les Égyptiens ne pouvaient commander ce qui serait de la guerre. En clair, les humains cherchent leurs intérêts même s’ils agissent contre leurs alliés si cela s’avère nécessaire ; mais, dans la réalité absolue, suprahumaine, c’est la « Raison qui gouverne le monde qui l’a décrété ainsi. » Ce qui n’est pas perceptible pour ceux qui décident de la marche du monde ; les hommes croient décider mais en fait ils ne décident que ce qui est en puissance, que ce qui doit arriver dans les « desseins de la Raison dans l’histoire. »
Fermons la parenthèse sur les « desseins de la Raison dans l’histoire », en clair la Providence divine, Dieu. Le troisième avantage : il a permis de doper l’« absorption mondiale » et donc d’accroître la croissance économique mondiale, via l’enrichissement des pays exportateurs de pétrole et l’« économie américaine dopée par les pétrodollars ».
C’est la raison pour laquelle on peut considérer que le « pétrodollar » est un « contingent de la Raison dans l’histoire » ; il faut aussi souligner qu’il ne doit son avènement qu’à la présence des grands gisements de pétrole dans cette région centrale du monde qui sont en fait le « contingent sur lequel est assis le dollar US », devenant par les forces dans la marche de l’histoire, le « pétrodollar ». Il y a comme une métaphysique en jeu dans la marche de l’histoire pour expliquer pourquoi les plus grands gisements de pétrole du monde se trouvent dans la région où sont nées les trois religions monothéistes.
Et on comprend pourquoi la Raison dans l’histoire avait déjà tracé la marche du monde ; d’abord en 1945, par le Pacte de Quincy, entre l’Arabie saoudite et les États-Unis avec ce deal « protection de l’Arabie saoudite en échange de l’exploitation du pétrole saoudien » ; création de l’État d’Israël en 1948, avec toutes les conséquences sur le peuple palestinien arabe.
Revenons pour ce qui en est du mécanisme financier des déficits courants américains. Si la Banque centrale américaine doit injecter des liquidités monétaires pour financer les déficits courants qui sont récurrents, les Banques centrale européennes se trouvaient à leur tour astreintes, à leur tour, à monétiser leurs déficits commerciaux extérieurs suite à la hausse des prix pétroliers (chocs pétroliers). Ainsi, compte tenu du système de change flottant, ce processus monétaire entre les États-Unis et les pays d’Europe, qui sont les principaux émetteurs de monnaies internationales, se traduit, suite aux masses de liquidités injectées des deux côtés, après le 1er choc pétrolier de 1973, en dollar US, en franc français, en livre sterling, en deutschemark ; une monétisation par les deux grands pôles occidentaux par une « inflation galopante » et une « hausse ininterrompue des prix du pétrole ».
Si l’inflation certes a galopé dans les années 1970, il demeure que le renchérissement du pétrole était nécessaire parce qu’il jouait comme « contreparties physiques » aux émissions monétaires ex nihilo par la Banque centrale américaine mais aussi aux émissions monétaires ex nihilo des banques centrales européennes, pace que ces dernières étaient obligées de déprécier leurs monnaies qui s’appréciaient face au dollar US, du fait que leurs exportations européennes étaient moins compétitives, leurs monnaies plus chères . Les contreparties physiques que sont les pétrodollars ne suffisant pas à contrer la dépréciation du dollar US.
Ce mécanisme financier et monétaire entre les États-Unis et les pays d’Europe joue toujours aujourd’hui, malgré que le yuan chinois soit devenu, depuis 2016, une monnaie internationale.
Force de dire que les chocs pétroliers étaient « nécessaires » ; il n’y avait pas d’alternative pour la Fed pour financer les déficits extérieurs US avec les pays du reste du monde. Et ce sont les pays arabes et les autres pays musulmans dont l’Iran qui tacitement permettaient ce mécanisme de monétisation de déficits extérieurs US, et par ricochet les déficits européens du fait de la hausse des cours pétroliers.
Il faut préciser que, si les exportations pétrolières des pays arabes étaient facturées en dollar US mais aussi en monnaies européennes et en yen, les États-Unis ne pourraient plus recourir à la « planche à billet ». En effet, tout recours à la création monétaire ex nihilo (à partir de rien) se traduirait aussitôt, sur les marchés monétaires, par une forte dépréciation de la monnaie US, entraînant une fuite de capitaux hors des États-Unis, comme ce qui s’est passé lors du krach boursier du 19 octobre 1987.
Avant le premier choc pétrolier de 1973, le prix du pétrole et des matières premières étaient très bas ; le pétrole cotait 3 dollars environ ; la crise monétaire en Occident et les chocs pétroliers se traduisant par le renchérissement du prix du pétrole et des matières de base n’ont été en vérité qu’un processus naturel rendant dans une certaine mesure justice aux pays du Sud ; ce qui certes compensait dans une certaine mesure leur faiblesse économique mais a aussi permis la croissance économique mondiale.
Sans les chocs pétroliers, l’économie mondiale aurait fortement décéléré, avec des dizaines millions de chômeurs en Occident et dans le reste du monde. Comme on peut remarquer qu’« un travailleur américain, européen ou japonais ne peut être intéressé par qui a gagné ou a perdu des dollars, des livres sterling, des francs, ou des yens, son seul souci est de conserver son emploi dont sa vie en dépend. Et c’est valable pour tous les travailleurs du monde. » Et c’est ce qui est important. De plus, les firmes industrielles n’ont pas manqué de répercuter la hausse des prix de l’énergie sur leurs exportations, ce qui devait compenser les surcoûts de leur production.
Mais le phénomène « pétrodollar » n’est pas sans conséquence à terme sur le plan monétaire dans le monde. Il est évident que les pays européens pénalisés financièrement puisqu’ils vont acheter des masses en dollars qu’ils ont refusés initialement pour cause de manque d’or pour la superpuissance, ne pourront éviter de s’aligner à la nouvelle donne du dollar. Ce qui veut dire que, comme on l’a énoncé supra, les pays européens qui sont aussi détenteurs de monnaies internationales vont aussi « dupliquer de la même façon les bases de crédit des dollars entrants ». Ainsi, on aura en Europe, au Japon le gonflement des avoirs en devises, entraînant une augmentation de liquidités internationales, sans qu’il y ait symétriquement aux États-Unis, de contraction compensatrice de la base monétaire.
Le paradoxe qui ressort est qu’il ne peut y avoir de contraction compensatrice de la base monétaire aux États-Unis, car si cette contraction monétaire intervenait, les États-Unis ne pourraient pas financer leurs déficits ex nihilo. En clair, cela équivaudrait à asphyxier l’économie mondiale par raréfaction de liquidités internationales en dollars US, annulant alors ce qui a accru l’« absorption mondiale ».
On comprend donc pourquoi le formidable transfert d’achat aux pays exportateurs de pétrole, en particulier pour l’Arabie saoudite qui va mettre à sa disposition des moyens financiers colossaux pour lancer l’« islam politique » dans le monde, en « intelligence » avec les États-Unis. Evidemment, par la forte hausse des prix qui va s’accélérer dès 1973 (quadruplement du prix de pétrole), les pays d’OPEP accumuleront d’énormes excédents courants, en pétrodollars et surtout que, sans ces pétrodollars, l’activité mondiale ne pourrait que chuter et plonger le monde dans la déflation.
Ceci étant, cette situation cependant ne pouvait durer sur le plan monétaire. En effet, un grave problème va apparaître ; l’excès de liquidités en monnaies internationales va provoquer « une forte hausse de l’inflation dans le monde » ; elle amènera les banques des pays occidentaux à chercher auprès des pays d’Afrique, d’Amérique du sud et d’Asie des emprunteurs ; ces banques occidentales seront en « quête continuelle d’emprunteurs » ; pourquoi cette quête de clients auprès des pays du reste du monde ?
La réponse relève précisément de l’« immense masse d’eurodevises et de pétrodollars » que les Banques centrales occidentales ont injectés, à partir du 1er choc pétrolier, sur les marchés monétaires nationaux et internationaux, et que les banques occidentales devaient « diffuser » à travers le monde.
Les banques européennes, américaines et japonaises faisaient tout pour faciliter les prêts aux pays emprunteurs étrangers qui ne voyaient pas le danger de ces prêts offerts à faible taux d’intérêt mais à « taux d’intérêt variable ».
C’est ainsi que les pays africains, sud-américains, des pays du bloc Est et dans une moindre mesure les pays d’Asie, se sont massivement endettés pensant que le faible taux d’intérêt ne pouvait avoir de graves conséquences sur leurs économies, surtout que ces pays avaient besoin de liquidités internationales pour financer leurs plans de développement.
Là aussi, malgré le « risque » que faisaient courir ces prêts certes à faible taux d’intérêt mais « variable » aux pays du reste du monde, les pays emprunteurs, en développant leurs achats dans le Nord, ont concouru néanmoins à la croissance économique occidentale mais aussi à la croissance mondiale. Le Nord comme le Sud ont traversé assez bien cette période, à l’exception des pays touchés par des guerres.
Quel est le sens des chocs pétroliers et de l’inflation mondiale ? Nous avons vu que, sans les pétrodollars, la duplication des eurodevises par l’Europe et les placements massifs par les banques occidentales dans les pays du reste du monde, l’activité mondiale aurait subi une forte contraction et plonger le monde dans une déflation comparable à celle des années 1930.
Force donc de dire que « l’inflation qui a suivi et qui a nourri l’économie mondiale a été nécessaire pour éviter au monde une crise économique planétaire. » Mais est-ce pour autant le seul motif dans ce processus, dans le sens qu’il appelle à un questionnement sur l’« inflation », qui paradoxalement tout en « euthanasiant » les rentiers puisqu’il fait fondre leurs avoirs, a permis une meilleure répartition de la richesse à travers le monde. Il a maintenu l’activité économique mondiale tant au Nord qu’au Sud ; une inflation que l’on peut qualifier de « mondialement socialisante ».
Certes, l’inflation a été forte dans les années 1970, mais les effets produits ne pouvaient durer pour la bonne raison que l’on aurait eu une hausse des prix du pétrole et des matières premières « ininterrompue » suite aux injections monétaires américaines et une duplication en monnaies européennes des bases de crédit dû aux dollars US entrants générés par les déficits extérieurs US qui reviennent chaque année. L’inflation mondiale était déjà à deux chiffres, ce qui était très négatif pour toutes les économies du monde.
Certes, par les pétrodollars finançant leurs déficits extérieurs, les États-Unis qui étaient la locomotive mondiale « lubrifiaient » en quelque sorte l’économie mondiale, mais le problème est que le mécanisme de création monétaire par les États-Unis et l’Europe faisaient « monter » l’inflation ; la hausse de l’énergie ne cessant d’augmenter en prorata des déficits courants américains et européens se répercutait sur tous les prix des biens et services ; ce qui, en se généralisant, entraînait une perte de pouvoir d’achat.
Un cercle vicieux s’est enclenché qui, en augmentant de concert les prix du pétrole, des matières premières et des produits manufacturés en une spirale sans fin, finira par causer une « grave crise au système financier et monétaire international ».
Précisément, pour mettre fin à ce cercle vicieux, la réponse viendra du nouveau gouverneur, Paul Volcker, fraîchement élu à la Banque centrale américaine (Fed), en 1979. En relevant brusquement le taux d’intérêt directeur à court terme à de la Fed, à plus de 18%, en 1979-1980, le président de la Fed mettra fin à cette spirale inflationniste de création monétaire ex nihilo. Cassant les anticipations inflationnistes, au prix d’une récession aux États-Unis en 1982, il fait baisser durablement l’inflation ; elle passera de 13,5%, en 1980, à 3,2%, en 1983, et 1,9% en 1986. (Données Banques mondiales, Inflation, United States).
Cette hausse sans précédent du taux d’intérêt américain qui a fait affluer tous les capitaux flottants du monde à la recherche de profit vers les États-Unis, a pour ainsi dire épongé le monde des dollars américains. Leur rareté sur les marchés monétaires plombe les monnaies européennes dans un « processus baissier continu », renchérissant le taux de change du dollar US par rapport aux monnaies européennes, en 1985, à plus de deux fois leurs valeur de l’année 1980.
Le franc passe d’environ 4 Fr en janvier 1980 à 10,11 Fr pour un dollar en mars 1985 ; la livre sterling passe de 0,41 GBP en octobre 1980 à 0,91 GBP pour un dollar en février 1985 ; le deutschemark passe de 1,72 DEM en janvier 1980 à 3,3 DEM pour un dollar. (Données : https://fxtop.com/fr/historique-taux-change)
Les conséquences sur le pétrole, compte tenu de la dépréciation sans précédent des monnaies européennes, font porter en réalité un baril de pétrole de 40 dollars à près de 100 dollars en 1985, au taux de change du dollar constant de l’année 1980. Une crise économique majeure en Europe que sauve que le formidable endettement des pays d’Amérique latine, d’Afrique, du bloc socialiste de l’Est et une partie des pays d’Asie – une partie importante des ressources financières de ces pays vont affluer vers l’Europe via une forte hausse de leur endettement ; celui-ci « explose » par la hausse drastique des taux d’intérêt des prêts que les banques occidentales leur ont concédé certes au départ à taux faible mais variable.
Le Fonds monétaire international, face à la hausse de l’endettement des pays d’Afrique, d’Amérique du sud et d’Asie, s’est transformé en pompier du monde ; il eut pour tâche d’assainir à travers des plans d’ajustement structurels (PAS) les économies des pays hors-Occident qui se sont trouvées « piégées » par l’endettement qu’ils avaient contracté dans les années 1970, auprès des banques occidentales.
Ces pays faisaient face à de graves difficultés financières dont beaucoup se sont retrouvés en cessation de paiement, et déstabilisés par des crises politiques, économique et sociales majeurs dans les années 1980. Deux clubs de pays riches, faut-il préciser, ont aussi joué dans la gestion de l’endettement mondial, celui de Rome pour la dette privée et celui de Paris pour la dette publique.
La boucle a été ainsi bouclée par cette alliance : pétrodollars-monde de l’islam-première puissance du monde. Les « pétrodollars ou dollars islamo-américains », s’ils ont évité une crise économique mondiale majeure dans les années 1970, il en sera tout autrement dans les années 1980.
Quelles conséquences aura ce formidable bouleversement politique, économique et social sur l’équilibre géostratégique mondial, dans les années 1980 ? Tout d’abord la situation des peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du sud. Ils se trouvent « ballotés » dans l’affrontement Est-Ouest (guerre froide), générant une situation complexe, au regard de graves crises et conflits armés qui ont touché ces pays, après la décolonisation.
Les États-Unis et l’Union soviétique, neutralisés par leurs arsenaux saturés de missiles transcontinentaux nucléaires capables de les ramener plusieurs fois à l’âge de pierre, se combattent par « peuples interposés ». Le monde est entré dans une troisième guerre mondiale sans nom où par deux fois l’humanité a frôlé l’apocalypse. La « crise des missiles de Cuba, en 1962 » qui a tenu le monde en haleine, et l’« affaire des euromissiles », en 1983, où la « gérontocratie soviétique au pouvoir », avec un régime socialiste finissant, voulait entraîner avec sa mort le monde.
Encerclé au Sud par la « ceinture verte (islamique) » concoctée par les stratèges étasuniens, le pouvoir soviétique installe, dans un dernier acte, des « missiles nucléaires SS-20 de moyenne portée en Europe ». En riposte, les États-Unis déploient des « Pershing-2 et des missiles de croisières » en Allemagne de l’Ouest. L’Europe et le monde, de nouveau pris en otage, retiennent leur souffle, ils craignent une seconde fois un « dernier round… apocalyptique ».
Les autorités britanniques ont rendu public le 1er août 2013, un discours solennel écrit en mars 1983 (en anglais) et destiné à être prononcé par la reine Elizabeth II en cas de Troisième guerre mondiale :
« Les dangers qui nous font face aujourd'hui sont plus importants, et de loin, qu'à n'importe quel autre moment de notre longue histoire », indique le discours de deux pages, déclassifié au terme du délai légal de trente ans. « La folie de la guerre se propage une fois de plus dans le monde et notre brave patrie doit de nouveau se préparer à survivre face à l'adversité ». Londres estimait « 33 millions de victimes » en Grande-Bretagne en cas d’attaque nucléaire de l'Union soviétique. »
Que peut-on dire de ce rapport qui devait être prononcé en cas de Troisième Guerre mondiale ? A voir ce qui s’opérait dans le monde, l’Union soviétique, dans sa volonté de desserrer l’« encerclement vert », était en train de transformer l’Afghanistan en un champ de ruine. Une « guerre totale » opposait l’Irak à l’Iran. Au Liban, une « guerre civile », attisée par les puissances, déchire les différentes communautés musulmanes et chrétiennes dans un conflit sans précédent, depuis plus de dix ans.
D’où va venir alors le « salut salvateur » pour sortir les peuples de cette violence sans nom ? Est-ce leur destinée ? Comme la colonisation qui a duré si longtemps, et qu’il a fallu deux guerres mondiales, et entre les deux une crise économique mondiale en en 1929, que l’on peut définir comme des « contingents de l’Histoire », pour briser les chaînes de domination qui asservissaient les peuples.
Comment les peuples pourraient-il s’en sortir durant cette « guerre froide » ? Aucune possibilité, aucune lucarne de libération, si ce n’est des conjonctures historiques qui inverseraient le rapport des forces. Aussi peut-on dire, comme ce qui fut pour la libération du monde colonisé, ce ne sera pas des guerres mondiales mais des « pétrodollars » issus des formidables richesses des sous-sols du monde de l’Islam et de l’« islam politique » mais aussi la « stratégie monétaire US » qui vont inverser le rapport des forces.
Le gouverneur de la Réserve fédérale américaine, Paul Volcker, en relevant brusquement le taux d’intérêt directeur de la FED à un cours sans précédent, dans l’histoire financière et monétaire du monde, ne savait pas que son « coup de plume sur les taux » allait provoquer une formidable révolution qui changera la face du monde. Et c’est ce qui s’opèrera dans les années 1980.
Les pays sud-américains en cessation de paiement, les dictatures militaires n’auront plus rien à offrir à leurs peuples que l’austérité et la misère. Les régimes militaires n’auront d’autres alternatives que de céder le pouvoir aux civils pour redresser la barre d’autant plus que les États-Unis avaient commencé à changer de stratégie en promouvant la démocratie et l’état de droit dans le monde, encourageant les aspirations des peuples, ce qui ne pouvait qu’accélérer la déliquescence politique et économique des pays totalitaires, en particulier l’Union soviétique visée en premier par cette stratégie US. Une stratégie qui n’était pas innocente, les États-Unis en réalité visaient à dominer le monde.
Après les pays d’Amérique du Sud, un vent nouveau va se lever aussi naturellement pour les pays de l’Europe de l’Est et le reste du monde, dans la deuxième moitié des années 1980. En effet, les pétrodollars via l’endettement, à partir du contrechoc pétrolier de 1986 – le prix du pétrole vaut moins de 10 dollars – ébranlera la puissance économique de l’Union soviétique ; cette chute du pétrole qui constituera un formidable manque à gagner pour l’URSS n’était pas seul en jeu, il faut encore citer les pertes des réserves de change de l’URSS placées dans le système financier US du temps où le taux de change du dollar US était à son apogée.
Mais, avec les accords du Plaza (Hôtel à New York) sur les taux de change, signés le 22 septembre 1985 entre les États-Unis, le Japon, l'Allemagne de l'Ouest, le Royaume-Uni et la France (c'est-à-dire le G5) pour l’atterrissage en douceur du dollar, qui a fortement baissé à partir de 1986, les réserves de change de l’URSS perdront beaucoup de leur valeur.
Une chute drastique du prix du pétrole à partir de 1986, une forte dépréciation des réserves de change de l’URSS, le complexe militaro-industriel soviétique pratiquement à l’arrêt suite à l’absence de la demande des pays d’Afrique, d’Asie… pour cause d’endettement mondial, conjugués à l’islam politique armé qui amènera l’Armée rouge aux limites de sa puissance en Afghanistan, après presque une décennie de guerre, auront des conséquences telles que le bloc de l’Est est arrivé à son point de délabrement extrême ; il sera scellé par la chute du « Mur de Berlin », en novembre 1989. C’est la fin d’une époque ; la fin de la « guerre froide ».
L’URSS n’échappera pas à son destin, la fin de son rôle dans l’histoire sera aussi scellée à jamais en décembre 1991. Même la Chine qui a anticipé et s’est convertie, dès le début des années 1980, au socialisme de marché n’évitera pas le « printemps de Pékin » en 1989 (occupation de la place Tiananmen par les étudiants en faveur de la démocratie).
Combien de conflits armés seront résolus avec la fin de l’affrontement Est-Ouest durant la décennie 1990. La fin du danger qui aurait résulté pour l’Europe avec le déploiement de missiles nucléaires soviétiques et américains, en cas de conflit nucléaire, n’avait pas de prix. S’il reste des conflits pendants, ils ne seront jamais autant que ceux qui ont prévalu durant la confrontation des deux supergrands. Aussi peut-on dire que les « pétrodollars » ou « islamo-dollars » et la « ceinture verte » au flanc sud de l’URSS, la « stratégie monétaire US », ont joué un rôle décisif dans le renouveau du monde. Etrangeté que ces événements contingents de la « Raison dans l’histoire » qui ont fait irruption dans la marche de l’Histoire ?
Medjdoub Hamed
Chercheur
Note :
1. L’islam politique et les gisements de pétrole au Proche et au Moyen-Orient, deux « contingents de la Raison dans l’histoire »
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-islam-politique-et-les-gisements-256496
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