Comment le Maroc a opté pour une politique économique libérale créatrice de pauvreté
Jusqu'à quand le « bon élève Maroc » tiendra-t-il avec cette politique économique trop ultra libérale pour lui ? That’s the question.
Moulay Hafid Elalamy présentant son plan sur Power Point
Influencé par les cabinets internationaux d’analyse et les experts de la Banque mondiale qui lui recommandent de parier sur l’industrie de sous-traitance et de transformation essentiellement agroalimentaire ainsi que les services au lieu de continuer à entretenir une industrie lourde qui a montré ses limites avec la faillite de plusieurs unités industrielles privées et étatiques durant les décennie1970 et 1980, le Maroc en est aujourd’hui à importer de l’étranger tout ce dont il a besoin en machines outils, appareillages électriques et électroniques, matériels agricoles et médicaux, automobile et ses pièces de rechange jusqu’aux insecticides en passant par les couches à bébé et les articles de mercerie ; le royaume ne fabricant pas même du petit matériel à coudre comme l’aiguille et le fil à coudre importés de Chine après que l’écrasante majorité des filatures du pays ont fermé boutique à cause d’une concurrence étrangère féroce. Livrées à, elles-mêmes, sans accompagnement de la part de l’Etat, des milliers d’usines ont mis la clef sous le paillasson les unes après les autres.
« L’idéal aurait été de préparer l’industrie marocaine, née après l’indépendance, et de l’accompagner pour une mise à niveau avant de l’exposer de manière brutale à la concurrence internationale. » déplore Mohamed Berrada, professeur d’Economie à l’Université Hassan II de Casablanca, dans une interview publié par la revue Conjoncture de la Chambre française de commerce et d’industrie du Maroc. Et l’ancien ministre des Finances d’ajouter sur le même ton « Mais on assiste aussi à une évolution directe et rapide du secteur primaire au secteur tertiaire. Les services se développent plus vite que l’industrie, alors que cette dernière est le véritable secteur créateur d’emplois directs et indirects. » Un avis que ne partagent pas nombre de responsables marocains avec à leur tête le premier concerné en l’occurrence Moulay Hafid Elalamy (MHE). Ayant porté le fabuleux Plan d’accélération industrielle, lancé en avril 2014, et qui ambitionne de créer un demi-million d’emplois à l’horizon 2020 (dont 50% grâce aux investissements directs étrangers) après l’échec cuisant du Pacte National de l'Emergence Industrielle (PNE) lancé en 2009, l’actuel ministre de l'Industrie, du Commerce, de l'Investissement et de l'Economie numérique est lui-même la personnification parfaite de ce virage de l’Etat du secteur primaire au secteur tertiaire ; dans ce sens que le ministre est un businessman qui n’investit que dans les services, à savoir l’assurance, les cliniques, les centres d’appel, la presse écrite, la distribution, l'agriculture, l'hôtellerie et tout récemment l’immobilier.
En l’absence d’une évaluation chiffrée, exhaustive et précise de ce Plan d’accélération industrielle (PAI), son porteur MHE- et compagnie- ne rate aucune occasion pour en louer les mérites d’avoir déjà permis d’employer quelque 160.000 personnes essentiellement autour d’éco systèmes automobile et aéronautique (câblage et assemblage).
« 160.000 emplois ont été contractualisé dans les projets d'investissement lancés ces deux dernières années dans le cadre du Plan d'accélération industrielle déclare fièrement MHE en été 2016. Mais en réalité le PAI n’est qu’une version pale de son ancêtre le PNE, donc également voué à l’échec. Tout d’abord parce que ces 160 000 emplois dont parle le ministre MHE ne sont rien par rapport au chiffre horrible du chômage des jeunes qui sont près de 300 000 à gonfler les rangs de l’armée des demandeurs d'emploi chaque année. Pas moins de 115 000 emplois perdus dans l'industrie et l'artisanat de 2009 à 2015. Voilà la triste réalité.
Mieux : « Par catégorie d'âge, le taux de chômage a atteint 23% chez les 15 à 24 ans au lieu de 21,3% une année auparavant. Parmi les détenteurs de diplômes, ce taux progresse à 17,5% au lieu de 17,3%, de quoi alimenter le vif débat actuel sur les +diplômés chômeurs+ au Maroc. A ce niveau, le HCP pointe le chômage des jeunes diplômés, particulièrement les lauréats des grandes écoles et instituts. Traditionnellement, cette population souffrait moins du chômage. Désormais, +elle commence à s’inscrire dans une tendance haussière semblable à celle connue par les autres catégories des diplômés du supérieur+ écrit le HCP (Haut Commissariat au Plan : Ndlr). Ainsi le taux de chômage des lauréats des grandes écoles et instituts (9,5%) tend à avoisiner le taux national alors qu’il était, jusqu’en 2012, de l’ordre de 5% » écrit en mai 2016 l’excellent site L’Usine Nouvelle . Trois exemples pour dire que le PAI fait fausse route. Uno : Comme l’a dit et répété MHE, l’un des objectifs de son PAI est d’augmenter la part du PIB industriel de 9 points. Or deux ans après la mise en œuvre du PAI, le PIB n’a crû que de 1,2% en 2016, à cause d’une mauvaise année agricole explique le HCP. Elle est où alors cette accélération industrielle chantée par MHE & Co ? Deuxio : Même l’usine Renault de Tanger lancée en grande pompe en 2012 et qui vient de fêter cette semaine son millionième véhicule de la série Dacia (Sandero, Logan, Duster, Lodgy, Dokker) n’est pas vraiment une réussite en soi malgré les panégyriques des médias. L’usine employant essentiellement des jeunes diplômés marocains issus des établissements de la formation professionnelle dans des chaînes de montage faiblement robotisées réalise à peine un taux d’intégration local de 30 % ; c’est-à-dire que les écosystèmes dont parlent les chantres de la sous-traitance tous azimuts se limite aux hard ; à savoir les petits câblage, la vitrerie et autres pare-chocs, d’ailleurs d’une qualité médiocre. Et ce n’est pas nous qui le disons mais bien MHE qui le crie le 30 mai 2016 dans son journal Les Ecos ! « Il se situe entre 28 et 32% selon l’interprétation, mais nous pouvons dire qu’en moyenne, il se situe à environ 30% », affirme MHE. Maintenant supposons que le choix du Maroc de détricoter son tissu industriel productif au profit de la sous-traitance soit une bonne idée malgré tous son cortège de contraintes financières comme le fait de consacrer une bonne partie de ses réserves en devises (en repli cette année) pour importer des biens d’équipements de l’étranger alors que la tirelire couvre à peine 5 mois d’importation dans un contexte de fort recul du tourisme, que dire alors du mauvais classement du Maroc en matière de compétitivité dans le monde arabe ? En effet selon le journal Le Matin du Sahara (proche des milieux officiels) le Royaume n’arrive que 8e dans la région arabe, derrière les pays du Golfe, la Jordanie et le Sultanat d’Oman. Alors !
Mieux encore : Dans un milieu économique qui privilégie le tout import et les services, les sociétés d’import et des services prolifèrent et ont tendance parfois pour ne pas dire souvent à échapper à la pression fiscale qui est souvent forte dans les Etats qui optent pour ce modèle économique et qui comptent ainsi sur les recettes fiscales (Taxes à l’import, TVA, Impôt sur le revenu, Impôt sur les sociétés etc.) pour équilibrer leurs budgets. Par exemple une société de distribution de matériels électronique et informatique sise au Maroc sera tentée de créer par des procédés alambiqués une ou des société(s) écran(s) dans un paradis fiscal comme le Luxembourg, pour ensuite utiliser cette société fictive comme intermédiaire entre la société réelle basée au Maroc et son fournisseur. Le truc est un jeu d’enfant : Après que la société écran ait acheté la marchandise pour le compte de la société réelle avec des coûts très bas vue la fiscalité faible au Luxembourg elle la revend à la société réelle basée au Maroc qui en plus de réaliser des bénéfices dans l’affaire peut également dissimuler au fisc certaines transactions... La moralité de l’histoire : laisser se détricoter ses usines de filature, de pâte à papier, de métallurgie, de confiserie et autres unités de transformation productives pour ouvrir grandement les portes et les bras à l’import avec l’espoir de récupérer sur les recettes fiscales est un énorme faux calcul. D’autant qu’il est très difficile pour un inspecteur des impôts de voir clair dans les micmacs via les sociétés écran notamment à cause du refus de coopération des autorités des paradis fiscaux.
Jusqu'à quand le « bon élève Maroc » tiendra-t-il avec cette politique économique trop ultra libérale pour lui ? That’s the question.
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