Bassines : Quand c’est la Bigorre qui se mobilise
« Si vous avez raté le Larzac et Notre Dame des Landes, ne ratez pas les bassines » ! Ces mots ont été suivi d'un tonnerre d'applaudissements. Ils ont été prononcés en tribune par Julien Le Guet (en photo) qui est normalement batelier dans le marais poitevin, la Venise verte comme on dit encore... Il y a des réunions sur les méga-bassines partout en France en ce moment en vue de préparer le rassemblement international des 25-26 mars dans le Poitou à Melle (79) et alentours.
Beaucoup de monde et beaucoup d'informations.
Nous étions environ 250 réunis le dimanche 5 mars à Bagnères de Bigorre invité.es entre autres par la confédération paysanne 65. C'est Cécile Argentin de FNE 65 qui a fait le premier exposé sur la problématique générale de l'eau. Exposé très documenté d'une trentaine de minutes. La situation est plus qu'inquiétante. Elle n'a pas hésité à montrer une photo d'un tas de fumier déposé dans une rue de Toulouse devant l'entrée des bureaux de FNE, cela illustrant l'état du dialogue entre les différentes parties prenantes de l'eau dans la région. Il semble bien hélas que ce soit pareil partout dans le pays. Certains grands céréaliers ayant un peu de mal à partager l'eau, ce qui est pourtant de plus en plus nécessaire avec la baisse de la pluviométrie. Ensuite cela a été le tour de Pierre-David Boccard membre de la Confédération paysanne du 64 et paysan irriguant. Il nous a expliqué comment cette question de l'eau et de sa faible disponibilité devenait un élément très stressant et venait compliquer les relations des agriculteurs entre eux. Il a été dénoncé un manque de transparence à propos des quotas. Le fait que les nouveaux installés avaient un mal de chien à obtenir des quotas a aussi été souligné.
Non à Bagnères la tendance n'était pas à l'affrontement
Quand on étudie un peu le dossier de l'eau et des bassines en particulier on voit comme la situation est explosive. Il y avait tout lieu d'avoir quelques inquiétudes quant à la paix des débats ce dimanche à Bagnères. Christian Fourcade président de la FDSEA 65 qui était parmi les participants a pris la parole après les deux exposés d'introduction. On peut dire que son propos était constructif et allait dans le sens de l'ouverture. Certains y sont sans doute allés d'un petit « ouf » de soulagement. Du côté d'ATTAC le cap est à l’apaisement aussi, Michel Sanciaud son porte parole dira « nous avons besoin de concertation ». Ce qui semble être de l'avis général... sauf que et ceci un peu partout en France, c'est visiblement une voie difficile à trouver dans les faits.
« L'Etat ne fait pas son boulot »... quant au CESER... et au commissaire enquêteur...
Combien de fois au cours des discussions cela a été dit ? « L’État ne fait pas son boulot. » C'est triste à constater, encore un dossier environnemental où le citoyen lambda est en droit d'attendre d'autres comportements de l’État. C'est la concertation entre l'ensemble des parties prenantes qui devrait être l'obsession des services de l’État et des élus... juste pour la paix dans nos territoires … c'est hélas loin d'être le cas. On peut ajouter ici qu'avec l'idée de la relance du nucléaire ça va être encore plus difficile... comment refroidir les centrales sans eau suffisamment disponible ? « Relancer le nucléaire avec l'eau qu'il reste ce n'est plus possible » dira Florence Argentin. Les positions du président du CESER favorable au nucléaire ont été commentées très négativement par plusieurs participants qui ont pris la parole depuis la salle. Quant à l’enquête publique ce sont 800 citoyens qui se sont déplacés... 80% se sont déclarés contre les 19 bassines prévues... et l'avis émis par le commissaire enquêteur est favorable... pour 16 bassines... cherchez l'erreur ! Très coûteuses bassines quand on sait que ça revient environ a 1 million d'euros l’hectare et que c'est le contribuable qui en paie entre 70 et 85%. Un hydrogéologue à la retraite, évoquant sa carrière dira depuis la salle qu'il a souvent rencontré : « … des personnes qui au sein des institutions se laissent fléchir »... quel élégance de sa part. Quand au BRGM... « il s'est fortement compromis » voilà ce qu'on entend. En entend encore : « les consultations publiques ne servent à rien », « l’État est hors la loi, l’État est fautif ». Le climat sur le sujet de l'eau n'est pas bon précisément au moment où il est crucial d'en parler.
Porteurs d'humanité pas « écoterroristes »
Oui Julien Le Guet est batelier, mais là ça fait six ans que le plus clair de son temps il ne le passe pas sur l'eau mais dans des réunions, des rassemblements, au téléphone … et sur les routes. Reporterre le présente comme un « amoureux du marais poitevin », c'est le porte parole du collectif Bassines non merci. On dira « BNM » quand on sera un peu initié. "Jeudi 19 janvier 2023, le garagiste de Julien a retrouvé un petit boîtier noir méticuleusement dissimulé sous l’essieu avant gauche de son camion. Après vérification, on lui confirme que ce dispositif est un traceur, numéroté “2919”, qui permet aux forces de l’ordre, dont il ne fait aucun doute qu’elles sont à l’origine de la pose de ce matériel, de le géolocaliser en temps réel." Mauvaise ambiance. L'histoire retiendra que c'est à propos du conflit des bassines qu'un ministre de l'intérieur à prononcé pour la première fois le mot "écoterroriste"... Nous sommes bien dans le temps de la grande confusion du langage.
Comment en sortir ? … 1 million de paysans...
Tout laisse à penser que certaines règles doivent maintenant être appliquées. Toutes relèvent du bon sens. Nous devons, maintenant que c'est la pénurie, cultiver des plantes moins exigeantes en eau. Nous devons préserver les zones humides qui jouent un rôle « d'éponge » pour limiter les crues et les sécheresses, nous devons replanter des haies, éviter le « mitage », nous devons faire des productions à visée locale... aller vers le non labour... sans doute privilégier un arrosage au goûte à goûte... beaucoup de chose à repenser. Il est aussi nécessaire de penser que tous les usagers de l'eau doivent pouvoir s'y retrouver et même les non-humains. C'est insupportable de devoir accepter l'idée que nous pourrions livrer à nos enfants et petits enfants des marais sans grenouille, des ruisseaux sans libellule... Tout cela bien-sur en considérant que le revenu de l'agriculteur est fondamental. Sur cela tout le monde est d'accord. Une des solutions c'est aussi de s'appuyer sur la capacité des consommateurs à faire des choix en toute conscience pour cela un label prenant en compte l'impact environnemental des produits alimentaires mis sur le marché est nécessaire. Cécile Argentin rappellera que dans les années 60 la part de budget des ménages dédié à l'alimentation était de 40% et qu'elle n'est plus aujourd'hui que de 12% … peut-être qu'est venue l'heure de se dire que la qualité de se qu'on mange c'est important. Quand à la viande... impossible d'en dire un mot, j'ai fini cette journée en me disant que c'était peut-être là encore un sujet tabou ? La confédération paysanne nous met sous les yeux une perspective heureuse : Un million de paysans en France à l'horizon 2050... séduisante solution.
Des panneaux solaires dans les champs... nouvelle menace
Si nous ne faisons rien nous risquons encore une grosse déconvenue dans ce climat de développement d'une agriculture si se rapproche toujours un peu plus de la culture industrielle. Celle qui amène, c'est à peine pensable, mais c'est la réalité à des élevages de 650 000 porcs répartis sur 46 étages en Chine. Maintenant ici en France le gros engouement c'est l'agrivoltaïsme et c'est la raison pourquoi la présence des jeunes zadistes de la Zad de l'orchidée à Haget dans le Gers avaient tout son sens ce jour la à Bagnères. Là aussi on atteint au gigantisme, d'après les projets du gouvernement, ce sont entre 100 000 et 200 000 ha de terre qui devraient y passer en France. Cela ne peut pas faire plaisir à celles et ceux qui se lèvent et disent : « On ne défend pas la nature, nous sommes la nature qui se défend ». Tant qu'il restera un peu de sauvage en nous.
Une « chouette espèce ».
Il va être impressionnant le rassemblement des anti bassines des 25 et 26 mars prochains. Au bas mot ce sont 150 organisations … syndicats, partis, associations d'environnement, pêcheurs... qui vont se dresser contre une gestion qui semble complètement dépassée de l'eau. La tension est telle que le message est : « il y aura manif quoiqu'il arrive » et aussi « venez avec des petits bus ». Une fois de plus la mobilité des manifestant pourrait être déterminante. En conclusion de son intervention Julien Le Guet à évoqué Sivens et la mort de Rémy Fraisse, grosse émotion dans la salle. Au soir de la victoire on pourra dire que France 3 aura fait sa part. Il y a tellement de tendresse, d'amour et d'intelligence dans ce film qu'il fait naître en nous un espoir. L'espoir de voir quelque chose resurgir de l'âme humaine. Rien que ça ! Espérons que nous soyons encore des millions d'humains à croire comme le dit Julien : que nous les humains « On est vraiment une chouette espèce. ».
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