6 évidences à propos du 5 décembre
- 1 - Une grève d'une journée est inefficace.
En 2003 et en 2010 nous étions des millions à défiler contre les réformes des retraites. Les plus grandes manifestations avaient rassemblées de 2 à 3 millions de manifestants. Nous n'avons rien obtenu, car une journée de grève isolée, même massive, n'a jamais fait reculer le gouvernement.
Ni même des séries de journées d'action isolées, les fameux « temps forts ». Ainsi en 2016 contre la loi Travail, ou en 2018 contre la privatisation de la SNCF, des dizaines de manifestations et de grèves ont été improductives. La répétition pendant des mois d'une action inefficace est inefficace.
A ce jour la seule méthode qui s'est révélée efficace pour faire reculer partiellement le gouvernement c'est celle des "gilets jaunes" qui ont pratiqué sans cesse des blocages et des manifestations sauvages.
La première évidence c'est donc que la grève reconductible, active, est une nécessité.
- 2 - Les grèves sectorielles sont inefficaces.
Depuis des années les enseignants, les hospitaliers, les cheminots, ont mené des actions déterminées sans obtenir de résultats. Par des grèves limitées dans leur secteur ils ne sont pas parvenus à enrayer la dégradation de l'enseignement, de la santé, des trains. Pour ne prendre que ces trois grands exemples.
Face à un gouvernement minoritaire, déterminé et employant la violence, un mouvement social numériquement faible n'a aucune chance. De plus les grèves sectorielles prennent le risque d'opposer une partie des salariés les uns contre les autres.
La deuxième évidence c'est qu'il faut un mouvement de l'ensemble des salariés.
- 3 - Pour gagner il faut une revendication unique.
La grève du 5 décembre est proposée par des entités qui ne sont pas d'accord sur l'objectif à atteindre. Les uns demandent le retrait du projet de loi, d'autres demandent des « négociations », même après 2 ans de vains bavardages, d'autres sont là pour faire de la figuration à but politique.
La ficelle est trop grosse. Il suffira au gouvernement de proposer une « concertation » bidon pour rompre l'unité des grévistes. Les uns refusant, les autres acceptant et tous étant divisés. Pour gagner il faut l'unité des salariés agissant « tous ensemble » et vers le même but.
Troisième évidence, pour réaliser l'unité d'action il faut une revendication unique : « Retrait du projet Delevoye ».
- 4 - Les caisses de grève sont indispensables.
La grève générale ne se décrète pas mais elle peut être aidée par un minimum d’organisation, notamment sur le plan financier. Les secteurs les plus engagés dans l'action vont connaitre des difficultés, ils ont donc besoin de solidarité concrète.
Les sources de financements possibles sont multiples : non grévistes « forcés » qui veulent participer, non salariés solidaires comme les retraités, ou même organismes sociaux.
Un avantage supplémentaire des caisses de grève c'est quelles permettent de mesurer concrètement le niveau de soutien de l'opinion publique.
Quatrième évidence, des caisses de grève, nationales ou locales, totalement transparentes, sont un outil nécessaire.
- 5 - Inventer de nouvelles formes d'organisation.
Le constat, depuis plus de 30 ans, c'est que les mouvements nationaux contrôlés par les syndicats ont largement échoués. La demi victoire de 1995 est à peine une exception. Il n'est donc pas raisonnable de confier la gestion d'une lutte à des syndicats, divisés, corrompus et qui ne servent que leurs propres intérêts de boutique.
Théorème : une lutte nationale dirigée par les syndicats est une lutte perdue !
De plus, instruits par des siècles d’expériences malheureuses, le recours à des « leaders », même charismatiques, n'est pas non plus une solution fiable. Bref les salariés ne peuvent compter que sur eux même en s'organisant et en décidant collectivement.
Cinquième évidence, l'organisation de collectifs locaux, fonctionnant démocratiquement, et se coordonnant nationalement est indispensable.
- 6 - Gagner la bataille de l'information.
Le combat contre la « réforme » des retraites fait face à une formidable campagne de propagande et d'intoxication, débutée depuis presque 40 ans. Gouvernements, médias, « experts » nous prédisent l'apocalypse si nous refusons de liquider notre système de retraite !
Or la retraite à points est un système « à cotisations définies », par opposition à l'actuel système « à prestations définies ». Ce qui signifie que les prestations, le montant des pensions, deviendra quasi aléatoire. Chaque année les pensions seront remises en cause sans même qu'il soit nécessaire de faire voter une loi. En quelques années la retraite par répartition sera transformée, tout naturellement, en une sorte de « RMI » pour les vieux. Et ceux qui le pourront devront se payer des retraites privées. Et engraisser des fonds de pensions à la fiabilité douteuse.
La sixième évidence c'est que le cœur de la bataille c'est de populariser le projet Delevoye pour en montrer la véritable nature. Et d'en persuader la population qui est déjà convaincue à 50%.
Sur ce dernier point, deux facteurs peuvent grandement aider.
D'une part il existe quelques organismes (Attac, Copernic, ...) et de nombreux intellectuels qui ont étudié le projet de réforme pour en démonter le fonctionnement délétère. Inutile de réinventer la roue, il suffit de diffuser le plus largement possible ces analyses.
D'autre part, souvenir des évènements de novembre 2018, nous savons que les réseaux sociaux permettent d'atteindre et de mobiliser un grand nombre de personnes. Bien que ces réseaux soient surveillés et censurés en permanence, il serait idiot de se priver de leur puissance de frappe.
Après trente années de défaites sociales la démoralisation des salarié(e)s est latente. Bien à tort puisque la mobilisation générale des travailleurs peut balayer ce gouvernement brutal et réactionnaire. La question posée par le 5 décembre c'est de savoir si l'espoir et la combativité l'emporteront sur la résignation ?
Pour moi la réponse est ... évidente !
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