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suumcuique suumcuique 11 août 2011 14:46

« ... on n’a qu’à voir le rôle immense que jouent aujourd’hui, dans l’existence des peuples comme dans celle des individus, les éléments d’ordre économique : industrie, commerce,
finances, il semble qu’il n’y ait que cela qui compte, ce qui s’accorde avec le fait déjà
signalé que la seule distinction sociale qui ait subsisté est celle qui se fonde sur la
richesse matérielle. Il semble que le pouvoir financier domine toute politique, que la
concurrence commerciale exerce une influence prépondérante sur les relations entre
les peuples ; peut-être n’est-ce là qu’une apparence, et ces choses sont-elles ici
moins de véritables causes que de simples moyens d’action ; mais le choix de tels
moyens indique bien le caractère de l’époque à laquelle ils conviennent. D’ailleurs,
nos contemporains sont persuadés que les circonstances économiques sont à peu
près les uniques facteurs des événements historiques, et ils s’imaginent même qu’il
en a toujours été ainsi ; on est allé en ce sens jusqu’à inventer une théorie qui veut
tout expliquer par là exclusivement, et qui a reçu l’appellation significative de
« matérialisme historique ». On peut voir là encore l’effet d’une de ces suggestions
auxquelles nous faisions allusion plus haut, suggestions qui agissent d’autant mieux
qu’elles correspondent aux tendances de la mentalité générale ; et l’effet de cette
suggestion est que les moyens économiques finissent par déterminer réellement
presque tout ce qui se produit dans le domaine social. Sans doute, la masse a
toujours été menée d’une façon ou d’une autre, et l’on pourrait dire que son rôle
historique consiste surtout à se laisser mener, parce qu’elle ne représente qu’un
élément passif, une « matière » au sens aristotélicien ; mais aujourd’hui il suffit, pour
la mener, de disposer de moyens purement matériels, cette fois au sens ordinaire du
mot, ce qui montre bien le degré d’abaissement de notre époque ; et, en même
temps, on fait croire à cette masse qu’elle n’est pas menée, qu’elle agit
spontanément et qu’elle se gouverne elle-même, et le fait qu’elle le croie permet
d’entrevoir jusqu’où peut aller son inintelligence. »

R. Guénon, La Crise du monde moderne, 1929.


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