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San Kukai San Kukai 10 décembre 2008 16:46

@ Aurélien Péréol

 Encore une fois, on peut relever de nombreuses confusions dans votre commentaire (comme dans l’article) sur la laïcité française, ainsi qu’une certaine méconnaissance du droit français.

La laïcité en France est fondée sur la liberté de conscience et sur l’égalité républicaine. Afin de garantir la liberté de conscience de tous, il est demandé à certains de ne pas exprimer de façon trop voyante (ostensible vs. discret) ses convictions personnelles, que celles-ci soient religieuses ou politiques, dans certains lieux ou lorsqu’on appartient à la fonction publique. La règle concerne donc non pas les individus en tant que tels, mais leur rôle à un moment donné dans un espace public donné.

La République garantit l’instruction et la rend obligatoire. Elle fixe parallèlement des règles communes pour favoriser la sérénité dans les établissements scolaires. Votre argumentation inverse la réalité : deux jeunes filles, pour des raisons que l’on pourrait par ailleurs analyser, refusent de se conformer aux règles communes. Une procédure de médiation est mise en place, qui n’aboutit pas. Ces jeunes filles se voient donc dispenser un enseignement par correspondance. La CEDH a jugé à bon droit que les règles étaient définies et connues de tous, qu’elle n’étaient pas discriminatoires mais favorisaient l’égalité, que ces jeunes filles n’y ont pas sacrifié et enfin que l’État a joué son rôle en leur dispensant une éducation adaptée à leur refus de se plier aux règles qui prévalent à l’école. L’obligation de l’état est d’organiser un enseignement (c’est écrit noir sur blanc dans l’alinéa 13 de la Constitution de 1946 repris dans le bloc de constitutionnalité de la Cinquième République) et non pas d’accueillir tous les élèves à l’école comme vous le dites.

La loi ne fait pas le tri : elle donne la règle de droit. Ceux qui ne s’y conforment pas, refusant ainsi les principes républicains, se mettent d’eux-mêmes en-dehors du cadre commun. Parallèlement, des milliers de jeunes filles ôtent leur voile à l’entrée des établissements scolaires et le remettent à la sortie sans considérer pour autant que l’école renie leur identité.

Vous dites que la loi de 2004 impose « une contrainte aux croyants d’une certaine religion ». Vous n’avez manifestement pas compris l’islam, pas plus que la loi française. D’une part, le foulard n’est pas porté par tous les croyants d’une certaine religion, mais par une minorité de filles, souvent à l’instigation de l’UOIF et contre l’avis des parents eux-mêmes (lisez les nombreuses analyses sociologiques sur le port du voile en France). D’autre part la loi de 2004 considère tous les signes ostensibles quelle que soit la religion qu’ils représentent par ailleurs et non pas une religion en particulier. Lisez les réflexions de la commission qui a préparé le texte de la loi de 2004, ainsi que les positions très diverses des représentants musulmans invités par Jacques Myard à s’exprimer sur le sujet du voile à l’école. Vous comprendrez que ce texte est très loin d’être tourné contre une religion en particulier.

Vous définissez enfin la laïcité comme « une obligation pour l’appareil d’Etat de réguler les religions dans une indifférence positive à toutes ». Nous sommes ici dans une conception personnelle qui méconnaît du tout au tout la règle de droit.
1. L’obligation de réguler les religions n’existe pas en droit français. L’État est garant de l’ordre public et considère seulement les agissements individuels qui s’exonèrent volontairement du cadre commun ; il ne s’occupe pas de ceux qui s’y inscrivent.
2. L’État a défini un cadre légal et fiscal pour les cultes avec la loi de 1905 et déclare respecter toutes les croyances dans la Constitution. C’est tout. Il n’est nulle part question d’indifférence et encore moins d’indifférence positive.
3. L’État a pour interlocuteurs des organismes représentants des cultes pour étudier avec eux la place des pratiques religieuses dans la sphère publique. Il est par exemple essentiel de rappeler les règles d’hygiène pour certains rites, les règles de fonctionnement des services publics, etc. afin que les cultes se conforment au droit. Il n’y a ici ni indifférence, ni régulation.

Votre compréhension du rôle et des règles de l’écoles ne font pas cas de la Constitution. Votre méconnaissance de l’islam ou du droit français vous prive d’une vision claire de la situation. Vos définitions de la laïcité ne sont basées sur aucune des règles constitutionnelles ou légales. Parallèlement, vous semblez tout autant méconnaître le fonctionnement des institutions européennes en matière juridique et notamment la jurisprudence en matière de voile. Vos conceptions de la liberté font fi de tout principe d’égalité ; or, la laïcité ne peut considérer l’un et exclure l’autre — ou alors on parle d’autre chose que de laïcité. Partant, votre lecture personnelle de ce qu’est la République et de la compréhension de ses règles est totalement biaisée et votre thèse sur la compréhension du cas qu’étudie votre article s’effondre d’elle-même.


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