Franglais
et faux semblants
Le
paraître du branché
Quand on abandonne à une
autre langage la possibilité de nommer ce qui est nouveau, on
s’enferme progressivement dans la certitude de ne plus rien avoir à
dire, faire et inventer de neuf. Les élites françaises, ou du
moins, ceux qui parlent au poste, aux subalternes ou du haut d’une
autorité factice se régalent d’expressions américaines.
Le snobisme a précédé la
fuite, l’inculture a suivi, la faillite pointe à l’horizon de
désespérance de notre vieille nation. Le Français est hors
circuit, il demande trop d’efforts, trop de vigilance pour ces rois
du raccourci, de la facilité et du concis.
Il faut que ça claque, que
ça sonne, que ça rentre plus vite dans les oreilles que dans les
cerveaux. L’exotisme anglo-saxon accrédite la pertinence de l’idée
courte grimée d’un vocable clinquant. Les idées s’habillent de mots
incongrus pour se parer de cette universalité de façade.
Curieusement, plus ces gens
résonnent creux, plus ils s’éloignent de ce Français retors qui
exige argumentation, précision et complexité. Quelle horreur. Ce
Monde a besoin de mots pré-mâchés à l’image de cette non
alimentation de l’insipide. La culture est devenue un handicap, un
fardeau lourd et inutile qui exige trop de temps et d’efforts.
On se goinfre de raccourcis
langagiers. Que ce spectacle désolant doit affliger nos cousins qui
bordent le Saint Laurent. Eux ne cèdent pas un pouce à cette langue
impérialiste, le bras langagier des escadrons économiques et
militaires de cette nation qui désire plier le Monde à ses désirs
et à ses ordres.
Naïfs, nous ouvrons les
bras et nos bouches à toutes ces expressions qui insidieusement
façonnent une pensée dans laquelle germent les idées essentielles
à la réalisation du grand dessein américain : cupidité, égoïsme,
suffisance, mépris, inculture, fatuité …
Se dresser contre cet étau
qui va nous broyer c’est passer pour un affreux rétrograde, un
incapable à appréhender les inévitables et nécessaires évolutions
de ce monde qui se prosterne devant le Dieu Argent, la réussite
individuelle et la fortune.
Ma bonne fortune se situe
aux antipodes de celle-ci. Elle se nourrit de lecture, des grands
écrivains, des beaux textes. Elle se régale de la magnificence de
nos chansons françaises, ces joyaux étincelants. Elle se délecte
des dialogues d’orfèvres d’un cinéma qui n’a pas baissé pavillon
contre ce grand ogre qui veut tout dévorer. Elle s’amuse de quelques
billets, rédigés dans une langue élaguée de toutes ces scories
inutiles.
J’en appelle à la sagesse
des Hommes de ce pays pour élever au rang de patrimoine de
l’humanité cette langue Française au même titre que peuvent l’être
toutes les autres, régionales, vernaculaires, véhiculaires,
dialectes, patois, et tout ce qui n’est pas l’anglais. Mettons nous
en bouche et en clavier ces mots rares qu’il faut préserver, ces
expressions magnifiques qu’il faut enseigner, ces tournures de jadis
qu’il faut encore exprimer.
Debout Hugo, Céline et
Pérec, les poètes Villon, Verlaine et Couté. Debout les chanteurs
Brassens, Brel et Trenet. Debout Audiard, Blanche et Devos. Debout
tous ceux que j’oublie, tous ceux que je dois encore découvrir, tout
ceux qui vont se révéler demain. La bataille des mots est la plus
belle des batailles. Si nous la gagnons, elle ne fera aucune victime.
Si nous la perdons, il en sera tout autrement !
Motàmotfrancement vôtre