En vert et contre tous…
Nature et tradition.
Il advint que dans un charmant village de Sologne, un homme plein de ressources entendit mettre un peu de vie dans un Foyer Rural qui ne savait plus attirer la jeunesse. N'entendant pas se satisfaire d'un vieillissement de la fréquentation, mal chronique dans nombre des associations, il se mit en quête de nouvelles activités.
Pour frapper les esprits, il eut l'idée de créer une petite structure affiliée au foyer. La Culture Rurale en Sologne sortit des fonds baptismaux. L'acronyme CRS était de nature, pensait-il, à faire plier les fortes têtes tout en assurant des manifestations de qualité. Nous lui ferons grâce de cette vision très personnelle de la chose pour nous attacher simplement aux vicissitudes de son entreprise.
Ayant regroupé une petite escouade de gamins, il pensa qu'il convenait pour leur édification de leur faire découvrir les merveilleuses ressources d'un domaine voisin de 300 hectares au cœur même de la Sologne dans lequel de multiples activités de pleine nature sont possibles autour de son petit château de briques.
Sans plus tarder il invita sa troupe à une initiation à la pêche ce qui lui valut les foudres d'un organisme voisin : « En Vert et Contre tous », dont la raison d'exister est de pourfendre sans pitié tout ce qui peut nuire à la nature. Les activistes de la biodiversité lui reprochant la nécessité de mener un écocide d'asticots pour réaliser son projet. Leurs propos étaient si virulents que notre ami crut que ses détracteurs allaient s'en prendre physiquement à sa personne.
Tentant une conciliation dans un souci d'apaisement, il suggéra l'emploi de vers de terre qui comme chacun sait, ont la possibilité de se régénérer. En fait, seule la partie avant renfermant les organes vitaux (« cerveau », estomac…) continue de vivre, à condition qu'il reste suffisamment d'anneaux derrière lui pour que l'intestin fonctionne correctement. Il faut également que la plaie ne s'infecte pas.
Il essuya un nouveau refus véhément, les menaces se faisant plus explicites d'autant que cette mutilation terricole avait titillé l'imaginaire de nos activistes, vert de rage. Pour apaiser des tentations de plus en plus palpables, il se résolut à user d'esches végétaux comme la boulette de pain, le grain de maïs ou la pomme de terre. Ceci calma un temps ces tourmenteurs quand ceux-ci, alors qu'ils allaient donner leur accord, se rendirent compte que le but de la pêche en étang était de prendre des poissons vivants par l'entremise d'un crochet qui leur perforerait la bouche.
Cette fois, des menaces de mort furent prononcées contre notre brave animateur qui s'en trouva fort inquiet tant en face de lui, la déraison semblait dicter les réactions de ses opposants. Il se résolut à abandonner son projet d'initiation aux activités halieutiques, sentant qu'il y avait là une occasion de pousser le bouchon trop loin.
Il voulait pourtant que les enfants découvrent la nature sans courir le moindre risque. La chasse photographique lui sembla un moyen pacifique qui remplirait pleinement les attentes de ceux qui se dressent en travers de son chemin. Ce fut alors qu'une réserve fut émise par les furieux. La traque suppose un affût dans les hautes herbes, là où les vipères aiment à se déplacer, puisqu'elles sont chez elles en cette belle Sologne. Faire courir un tel risque aux gamins était pure folie.
Notre ami suggéra alors d'installer dans le domaine des poules naines qui sont comme chacun sait des prédatrices de serpents. Se trouvant confrontés à une solution relevant de l'état de nature, les activistes d'En Vert et Contre Tous eurent un moment d'hésitation. Ils ne savaient comment réagir à cette solution qui ne faisait pas de l'humain un odieux prédateur.
C'est alors que le malheureux organisateur ajouta fort maladroitement qu'avec les œufs des poules naines, il organiserait des soirées crêpes durant des veillées où il ferait venir un chanteur local et un conteur de ses amis. Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder la vase des étangs. Les écolos extrémistes se déclarèrent horrifiés qu'on puisse ainsi tuer dans l'œuf de futures vies. Ils sabotèrent le siège social du CRS.
L'association ne survécut pas à cette passe d'armes qui découragea au plus haut point son créateur. Décidément rien n'était possible avec de tels individus, tous des urbains fort peu patelins, venus s'installer au cœur de la Sologne avec des visions fort éloignées des coutumes de ce magnifique territoire. Le fondateur se résolut à animer une émission radio, nommer Nature et Tradition, histoire sans doute de troubler une onde dans laquelle ne viendrait jamais se désaltérer ces curieux amoureux de la nature.
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