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Accueil du site > Culture & Loisirs > Extraits d’ouvrages > Gaston Bachelard, Connaissance vulgaire et connaissance scientifique

Gaston Bachelard, Connaissance vulgaire et connaissance scientifique

L'auteur :

Gaston Louis Pierre Bachelard, né à Bar-sur-Aube le 27 juin 1884 et mort à Paris le 16 octobre 1962, est un philosophe français des sciences, de la poésie, de l'éducation et du temps. Directeur de l'Institut d'histoire des sciences et des techniques (IHST), il est l'un des principaux représentants de l'école française d'épistémologie historique. Épistémologue reconnu, il a exploré les chemins inattendus des grandes découvertes scientifiques de la physique et de la chimie de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle dans La Formation de l'esprit scientifique.

L'œuvre : 

Dans Le rationalisme appliqué, Gaston Bachelard propose une réflexion philosophique sur le développement de la connaissance scientifique (épistémologie) et surtout sur les obstacles de types épistémologiques qui entravent le développement des sciences.

Le texte : 

"Montrons d'abord comment la technique qui a construit la lampe électrique à fil incandescent rompt vraiment avec toutes les techniques de l'éclairage en usage dans toute l'humanité jusqu'au XIXème siècle.

Dans toutes les anciennes techniques, pour éclairer il faut brûler une matière. Dans la lampe d'Edison, l'art technique est d'empêcher qu'une matière ne brûle. L'ancienne technique est une technique de combustion. La nouvelle technique est une technique de non-combustion.

Mais pour jouer de cette technique, quelle connaissance spécifique rationnelle il faut avoir de la combustion ! L'empirisme de la combustion ne suffit plus qui se contentait d'une classification des substances combustibles, d'une valorisation des bons combustibles, d'une division entre substances susceptibles d'entretenir la combustion et substances "impropres" à cet entretien.

Il faut avoir compris qu'une combustion est une combinaison, et non pas le développement d'une puissance substantielle, pour empêcher cette combustion. La chimie de l'oxygène a réformé de fond en comble la connaissance des combustions.

Dans une technique de non-combustion, Edison crée l'ampoule électrique, le verre de lampe fermé, la lampe sans tirage. L'ampoule n'est pas faite pour empêcher la lampe d'être agitée par les courants d'air. Elle est faite pour garder le vide autour du filament. La lampe électrique n'a absolument aucun caractère constitutif commun avec la lampe ordinaire.

Le seul caractère qui permet de désigner les deux lampes par le même terme, c'est que toutes deux elles éclairent la chambre quand vient la nuit.

Pour les rapprocher, pour les confondre, pour les désigner, on en fait l'objet d'un comportement de la vie commune. Mais cette unité de but n'est une unité de pensée que pour celui qui ne pense pas autre chose que le but. C'est ce but qui majore les descriptions phénoménologiques traditionnelles de la connaissance.

Souvent les philosophes croient se donner l'objet en se donnant le nom, sans bien se rendre compte qu'un nom apporte une signification qui n'a de sens que dans un corps d'habitudes.

"Voilà bien les hommes. On leur a une fois montré un objet, ils sont satisfaits, cela a un nom, ils ne l'oublieront plus ce nom." (Jean de Boschère, L'obscur à Paris, p.63)

Mais on nous objectera qu'en prenant pour exemple la lampe électrique, nous nous sommes placé sur un terrain trop favorable à nos thèses.

Il est bien sûr, dira-t-on, que l'étude des phénomènes aussi nouveaux que les phénomènes électriques pouvait donner à la technique de l'éclairage des moyens tout nouveaux.

Mais notre débat n'est pas là. Ce que nous voulons démontrer c'est que, dans la science électrique elle-même, il y a institution d'une technique "non naturelle", d'une technique qui ne prend pas ses leçons dans un examen empirique de la nature.

Il ne s'agit pas en effet, comme nous allons le souligner, de partir des phénomènes électriques tels qu'ils s'offrent à l'examen immédiat.

Dans la science naturelle de l'électricité, au XVIIIème siècle, on pose précisément une équivalence substantielle entre trois principes : feu, électricité, lumière.

Autrement dit, l'électricité est prise dans les caractères évidents de l'étincelle électrique, l'électricité est feu et lumière.

"Le fluide électrique, dit l'abbé Bertholon (L'électricité des végétaux, p.25) est le feu modifié, ou, ce qui revient au même, un fluide analogue au feu et à la lumière ; car il a avec eux de grands rapports, ceux d'éclairer, de briller, d'enflammer et de brûler, ou de fondre certains corps : phénomènes qui prouvent que sa nature est celle du feu, puisque ses effets généraux sont les mêmes ; mais qu'il est le feu modifié, puisqu'il en diffère à certains égards."

Ce n'est pas là une intuition isolée, on la retrouvera facilement dans de nombreux livres du XVIIIème siècle. Une technique d'éclairage associée à une telle conception substantialiste de l'électricité aurait cherché à transformer l'électricité en feu-lumière, transformation en apparence facile puisque sous les deux formes : électricité et lumière on supposait qu'il s'agissait du même principe matériel.

L'exploitation directe des premières observations, exploitation guidée par les intuitions substantialistes, demanderait seulement qu'on apportât un aliment à cette électricité feu-lumière (un pabulum suivant le terme consacré).

On mettrait ainsi en action toute une série de concepts utilisés dans la vie commune, en particulier le concept d'aliment qui a une grande profondeur dans l'inconscient.

On creuserait la compréhension des concepts "naturels" et on trouverait sous les phénomènes pourtant si rares de l'électricité, les qualités profondes, les qualités élémentaires : le feu et la lumière.

Ainsi enraciné dans les valeurs élémentaires, la connaissance vulgaire ne peut évoluer. Elle ne peut pas quitter son premier empirisme. Elle a toujours plus de réponses que de questions. Elle a réponse à tout.

(Gaston Bachelard, Le rationalisme appliqué, PUF, pp. 105-107)

Explication et commentaire du texte :

Dans le premier paragraphe du texte, Gaston Bachelard ne se borne pas à montrer la différence entre la technique de la lampe électrique et de la lampe à combustion.

Il explique que la technique qui a construit la lampe électrique est en rupture complète avec celle de la lampe à combustion et avec toutes les techniques de l'éclairage en usage dans toute l'humanité jusqu'au XIXème siècle, époque à laquelle la technique de la lampe électrique a été inventée,

Ces deux techniques ne sont pas du même genre, présentant entre elles une différence spécifique, mais deux techniques complètement différentes et incomparables.

Le second paragraphe reprend l'opposition habituelle de la rationalité et de l'empirisme. Cette opposition n'est pas celle de la connaissance réduite à la pure sensation et de la connaissance réglée par le principe de la raison car la technique de la combustion ne repose pas uniquement sur une connaissance réduite à la pure sensation, elle est fondée sur des démarches de la raison : classification des substances combustibles, valorisation des bons combustibles donc distinction entre les "bons" combustibles et les "mauvais" combustibles, division entre substances susceptibles d'entretenir la combustion et substances "impropres" à cet entretien.

L'empirisme n'est pas la simple sensation ; il repose sur l'observation, la classification, la valorisation et la division, en l'occurrence des substances combustibles. 

L'opposition entre la technique de la lampe à combustion et de la lampe électrique ne consiste pas dans le fait que l'une est empirique, qu'elle repose sur l'expérience et que l'autre est rationnelle, mais dans le fait que la technique de la lampe électrique relève d'une conception "révolutionnaire" du processus de la combustion : "Dans toutes les anciennes techniques, pour éclairer il faut brûler de la matière. Dans la lampe d'Edison, la technique est d'empêcher qu'une matière ne brûle. L'ancienne technique est une technique de combustion. La nouvelle technique est une technique de non combustion".

Note : 

Thomas Alva Edison, né le 11 février 1847 à Milan dans l'Ohio et mort le 18 octobre 1931 à West Orange dans le New Jersey, est un inventeur, un scientifique et un industriel américain, pionnier de l'électricité.

L'utilisation de la technique de la lampe électrique suppose une connaissance spécifique rationnelle de la combustion et non une connaissance empirique. 

La technique de la lampe à combustion "fonctionne" (lampe à huile, lampe à pétrole) sans qu'on sache très bien comment. On sait, par exemple qu'il faut à une lampe un verre long et effilé pour obtenir un bon tirage ; on sait que "ça marche", mais on ne sait pas au juste comment ou bien on donne une explication erronée.

La technique de la lampe à combustion est fondée sur des connaissances empiriques, basées sur l'expérience sensible et non sur une connaissance exacte des lois de la combustion que propose la chimie de l'oxygène.

La chimie de l'oxygène explique qu'à l'origine d'un feu, il y a une réaction chimique de combustion entre le combustible (l'élément en feu) et le comburant (l'oxygène de l'air). Les atomes des molécules qui composent le combustible et l'oxygène de l'air, se réarrangent, et libèrent l'énergie dont elles n'ont plus besoin sous forme de chaleur.

Note : Selon le philosophe des sciences Thomas Samuel Kuhn, la découverte de la combustion par le dioxygène au XVIIIème siècle par Lavoisier, constitue une révolution scientifique majeure dans l'histoire des sciences. Elle a constitué un changement de paradigme, en remplaçant l'ancien paradigme du phlogistique. 

Pour utiliser la technique de la lampe électrique, il faut connaitre le rôle de l'oxygène dans la combustion et avoir compris, explique Gaston Bachelard, qu'une combustion est une combinaison (oxygène + gaz combustibles) et non pas le développement d'une puissance substantielle.

Utiliser la technique de la lampe électrique ne consiste pas, paradoxalement à faciliter la combustion, mais au contraire à l'empêcher.

Les catégories de "bon" et de "mauvais" combustible sont des catégories empiriques : on sait par expérience que certains combustibles, le pétrole, le bois par exemple, brûlent mieux que d'autres, mais "bon et "mauvais" combustible ne sont pas des catégories scientifiques. 

La différence entre la connaissance commune et la connaissance scientifique n'est pas que la connaissance commune est une connaissance accumulée selon les hasards de la vie et la connaissance scientifique une connaissance organisée en système, car la connaissance commune (vulgaire) est plus systématique que l'autre.

La vraie différence entre la connaissance vulgaire et la connaissance scientifique est que l'une est l'expression de la pratique quotidienne, alors que la connaissance scientifique s'en sépare en lui disant non. (cf. Gaston Bachelard, La philosophie du non, 1940)

La lampe électrique ne correspond pas à l'idée que nous nous faisons d'une lampe. Elle est une lampe par métaphore, elle ne mérite pas vraiment le nom de lampe. "Le seul caractère qui permet de désigner les deux objets par le même terme, c'est leur fonction, c'est que toutes les deux éclairent la chambre quand vient la nuit". Il y a unité de but, non unité de pensée. Cette unité de but n'est unité de pensée que pour celui qui ne voit pas autre chose que le but (éclairer).

Gaston Bachelard explique que c'est ce but (éclairer) qui majore les descriptions phénoménologiques traditionnelles, autrement dit le principe de la lampe fondée sur le principe de la combustion en usage jusqu'au XIXème siècle (lampe à huile, lampe à pétrole) a tendance à s'appliquer abusivement à la lampe électrique. "Le nom d'un objet (lampe) apporte une signification qui n'a de sens que dans un corps d'habitudes".

Gaston Bachelard explique que l'unité de but (éclairer) n'est une unité de pensée que pour celui qui ne pense pas autre chose que le but (la fonction de l'objet).

Il cite pour illustrer son propos l'écrivain français d'origine belge, Jean de Bosschère : "Voilà bien les hommes. On leur a une fois montré un objet, ils sont satisfaits, cela a un nom, ils ne l'oublieront plus ce nom." (Jean de Bosschère, L'Obscur à Paris, p.63).

En effet, explique Bachelard, "la lampe électrique est fermée, sans tirage. L'ampoule n'est pas faite pour empêcher la lampe d'être agitée par les courants d'air, mais pour garder le vide autour du filament. La lampe électrique n'a aucun caractère constitutif commun avec la lampe ordinaire".

Note : Une ampoule produit de la lumière en amenant son filament à incandescence à une température de 1600°. Dans une ampoule électrique classique, le courant électrique arrive et repart par deux points isolés. Entre ces deux points, l’électricité passe par le circuit de l’ampoule et, en particulier, traverse le filament de l’ampoule en tungstène. Le tungstène est un métal qui résiste au passage du courant. Electrifié, il s’échauffe donc très rapidement. Cette résistance est d’autant plus grande que le diamètre du filament est petit (ce qui le rend néanmoins fragile) et qu’il est long (c’est pour cela qu’il est entortillé). Dans l’air, le filament brûlerait bien avant d’atteindre le millier de degré nécessaire à son incandescence et donc à la production de lumière. L’ampoule en verre est donc un milieu fermé contenant un gaz inerte (argon ou azote par exemple) qui empêche la combustion du filament. Les lampes à incandescence ont été mises au point à partir de 1879 par Joseph Swan, Thomas Edison (filament de carbone) et Carl Auer von Welsbach (filament de tungstène).

C'est par un abus de langage et uniquement par référence à leur fonction (éclairer) que l'on nomme les deux objets de la même manière.

La nouveauté de la technique de la lampe électrique par rapport à la lampe à combustion n'est pas la nouveauté d'une technique, relative à la nouveauté des phénomènes électriques inconnus jusque là, puisqu'ils étaient déjà observés et connus, mais d'une technique non naturelle, d'une manière radicalement différente de penser les phénomènes naturels tels que la combustion. 

Le concept de lampe contient le concept d'une substance qui se consume, or l’ampoule en verre est un milieu fermé contenant un gaz inerte (argon ou azote par exemple) qui empêche la combustion du filament. 

Le "phénoménisme de l'empirisme" usuel n'est pas la réflexion qui, comme chez Hume par exemple, résiste à la tentation de dire plus qu'on ne sait, par exemple si j'infère de la succession dans l'espace et dans le temps d'un événement A et d'un événement B l'idée d'une connexion nécessaire entre les deux évènements que je nomme "causalité". 

L'empirisme usuel est un substantialisme qui réduit l'électricité au feu, l'étincelle électrique à l'étincelle du foyer, et consiste à loger, selon le schéma substantialiste le feu dans le bois et l'électricité dans la matière électrisée.

La rationalité de la science consiste dans le refus du substantialisme, dans la substitution aux substances (feu, bois, huile, pétrole, etc.) de relations, de sorte qu'il n'y a plus, par exemple, de substances qui brûlent, mais un rapport de combinaisons chimiques qui est l'oxydation, ni de bons ou de mauvais combustibles, mais seulement les conditions diverses de l'oxydation.

Note : Dans la réaction d'oxydation, la perte des électrons se fait au profit d'un autre réactif appelé « oxydant ». Dans les faits, le rôle de l'oxydant est souvent joué par l'oxygène. Ainsi, dans la réaction chimique qui implique le carbone et l'oxygène, par exemple, il y a formation de dioxyde de carbone par oxydation.

Bachelard donne comme exemple de "substantialisme" la conception que se fait au XVIIIème siècle l'abbé Bertholon de l'électricité : "on pose une équivalence substantielle entre les trois principes électricité = feu = lumière. Autrement dit, l'électricité est prise dans les caractères évidents de l'étincelle électrique : l'électricité est feu et lumière."

Les phénomènes électriques sont étudiés depuis l'Antiquité, les progrès dans la compréhension théorique sont restés quasi nuls jusqu'aux XVIIe et XVIIIe siècles. L'étincelle électrique, qui pourtant s'observe immédiatement, par exemple lors d'un orage, et qui ressemble à l'étincelle du foyer en plus impressionnant, ne peut conduire à aucune connaissance scientifique de l'électricité tant que l'on assimile l'électricité au feu, tant que l'on pense par analogie. 

Note : L’électricité est l'ensemble des phénomènes physiques associés à la présence et au mouvement de la matière qui possède une propriété de charge électrique. L'électricité est liée au magnétisme, les deux faisant partie du phénomène de l'électromagnétisme, tel que décrit par les équations de Maxwell. Divers phénomènes courants sont liés à l'électricité, notamment la foudre, l'électricité statique, le chauffage électrique, les décharges électriques.

Les concepts utilisés dans la vie commune, en particulier le concept d'aliment (pabulum) : on alimente le feu avec de nouvelles bûches comme on alimente un animal ou un être humain avec de la nourriture - sont très difficiles à chasser de l'esprit. Ils constituent ce que Bachelard appelle des "obstacles épistémologiques" (obstacles à la connaissance exacte des phénomènes).

Ce ne sont pas des concepts purement intellectuels, en ce qu'ils seraient traversés par la lucidité et l'intelligence, mais des produits de l'imagination, c'est pourquoi ils ont un très grand écho dans l'inconscient.

Sous les phénomènes pourtant si rares de l'électricité, on retrouve des qualités élémentaires tels que le feu et la lumière, sur lesquels médite Bachelard dans sa Psychanalyse du feu (1938).

Il en résulte que la connaissance vulgaire ne peut pas évoluer, non pas qu'elle en soit empêchée par des circonstances extérieures à sa nature, mais parce qu'il est de sa nature de ne pouvoir évoluer dans la mesure où "elle a réponse à tout" alors que la connaissance scientifique évolue sans cesse car elle doute de tout, ne tient rien pour acquis et qu'elle est constamment en recherche.

La rationalité de la science consiste essentiellement dans le refus de l'empirisme naturel qui porte l'esprit à réduire le nouveau à l'ancien, l'inconnu au connu, dans le refus du substantialisme, dans la substitution aux substances de relations, de sorte qu'il n'y a plus de substances qui brûlent, mais un rapport de combinaisons chimiques, par exemple l'oxydation.

"La technique rationnelle commence par refuser l'usage quotidien ; pour construire la lampe électrique, Edison a commencé par ne pas vouloir éclairer ; il a commencé par résister au langage commun, fait par et pour l'usage, qui persuade a priori de la ressemblance de toutes les lampes. Edison n'a réussi à construire une lampe, de loin plus efficace que toutes les autres, qu'en voulant d'abord ne pas faire de lampe."

 


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5 réactions à cet article    


  • JPCiron JPCiron 17 janvier 2023 12:48

    Très intéressante ’gymnastique’ ! Merci

    < La lampe électrique ne correspond pas à l’idée que nous nous faisons d’une lampe. Elle est une lampe par métaphore, elle ne mérite pas vraiment le nom de lampe. >

    Cette approche instructive peut s’appliquer (aussi à rebours) à tout un tas d’autres domaines.

    Les vertus attribuées à un objet viennent de ’expérience ou de la réputation.

    Je pense par exemple à la Septante qui, de par la réputarion (et la répétition), est devenue une source de sainteté. Alors qu’à présent que nous sommes un peu plus savants et un peu moins crédules, nous pouvons considérer qu’il ne s’agissait que d’un outil à support d’une ambition politique.

    Une source de lumière divine reprend sa forme initiale de manuel politique. Pourtant, c’est toujours le même objet : la vertu initialement attribuée a perdu des atours, pour reprendre ses traits ordinaires


    Car l’objet que l’on voit est toujours celui que l’on croit. Le réel est accessoire.


    • Robin Guilloux Robin Guilloux 17 janvier 2023 14:59

      @JPCiron

      Kant vous répondrait que les « vérités » bibliques relèvent de la foi et non du savoir. Dans un tout autre ordres d’idées, vous savez que Bachelard méditait sur la poétique du feu, de l’air, de l’eau et de la terre, c’est-à-dire sur les quatre éléments des présocratiques.
      Cette méditation ne relève pas de la science, mais de l’imagination poétique qui a sa valeur propre. C’est ainsi que nous vivons dans deux mondes : un monde dans lequel la terre est plate et immobile (l’arche originelle terre ne se meut pas dit Husserl) et un monde, celui de la science, dans lequel la terre est une sphère et tourne autour du soleil, un monde auquel s’applique strictement la géométrie d’Euclide et un monde où les géométries non-euclidiennes sont possibles.
      Reste que la poétique du feu nous manquerait. Qui n’a pas rêvé auprès d’un feu de bois sans penser qu’il assistait à un phénomène d’oxydation !


    • JPCiron JPCiron 17 janvier 2023 18:52

      @Robin Guilloux

      Kant vous répondrait que les « vérités » bibliques relèvent de la foi et non du savoir. >

      Cela ne vaut guère que pour le croyant.
      Bien des Valeurs de la Bible sont passées dans les Principes politiques de nos sociétés.
      Aussi, les Vérités bibliques ne sont pas les mêmes selon l’oeil de l’observateur.
      Ledit Livre véhicule donc des vérités différentes, deux lumières différents, issues de la même ampoule.


    • Samson Samson 17 janvier 2023 20:38

      Merci pour cet hommage à Gaston Bachelard, dont l’œuvre trop peu connue permettrait fort utilement d’élargir le champ parfois par trop borné des œillères de certains prétendus rationalistes se gobergeant dans ces colonnes. smiley

      A noter que toute une part de cette œuvre on ne peut plus rationaliste est consacrée à l’exploration de l’imaginaire notamment élémentaire : feu, eau, air, terre humain et de son importance fondamentale dans la dynamique de la pensée et du progrès scientifiques.

      Bref, très loin d’un rationaliste réducteur et stérile, Gaston Bachelard se révèle comme un des grands penseurs français du rationalisme et de l’esprit scientifique : hommage à lui !


      • Mélusine ou la Robe de Saphir. Mélusine ou la Robe de Saphir. 18 janvier 2023 08:04

        @Samson

        Merci, j’ai lu deux de ses livre. Un véritable plaisir. De nombraux alchimistes le citent. Le Monde (qui au passage n’est pas même référe,ce....simple rappel). 
        Vous pouvez partager un article en cliquant sur les icônes de partage en haut à droite de celui-ci.

        L’ouvrage d’Alexandrian s’inscrit aussi à la suite des travaux du Collège de sociologie fondé par Georges Bataille et Roger Caillois, ou des essais de« sur-rationalisme » de Gaston Bachelard.« Sans les prendre pour modèles ni me comparer à eux, écrit-il, je n’oublie pas, en frayant ma voie personnelle, qu’ils m’ont appris jadis qu’une compréhension lucide de l’incompréhensible était possible. » Cette« compréhension lucide » fait le prix de l’ouvrage d’Alexandrian : là où tant d’auteurs donnent soit dans un charlatanisme exalté, soit dans un rationalisme restrictif, il nous conduit avec rigueur à travers les labyrinthes de la pensée magique.

        « Pour moi. écrit-il encore, la philosophie occulte est nécessitée par la constitution de l’esprit humain comportant inévitablement la pensée pragmatique et la pensée magique. » Cette dernière, tout intuitive et analogique, intervient chaque fois que la raison se heurte à un problème sans pouvoir le résoudre. C’est dire qu’on n’est jamais entièrement sorti des croyances magiques : l’homme le plus raisonnable les conserve affaiblies et travesties en lui, car elles ont une fonction réparatrice pour son moi.

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