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Accueil du site > Culture & Loisirs > Étonnant > Faire la pluie et le beau temps

Faire la pluie et le beau temps

 

À vous couper le souffle.

 

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Sur la vaste et opulente plaine d'Ukraine, un paysan regroupe ses gerbes de blé. La récolte a été si bonne que le courageux fermier redoute l'irruption de bandits, d'envahisseurs, de jaloux ou de soldats, prêts à s'emparer du fruit de son labeur sans verser la moindre goutte de sueur. Le sang est plus aisé à verser pour qui n'entend pas se plier sur la terre pour œuvrer du matin jusqu'au soir.

Il se hâte de terminer son labeur espérant rentrer avant la nuit sa récolte et la mettre un tant soit peu à l'abri des convoitises quoique cela reste hélas une pauvre illusion pour un gueux sans défense. Tout à son empressement, le malheureux ne perçoit pas que le danger ne vient pas de gredins éventuels mais de la nature elle-même, toujours disposée à entraver le travail des paysans. Le ciel s'abernaudit, comme on le dit dans une région fort éloignée de la sienne, où les préoccupations, de tout temps furent les mêmes.

Les nuages noirs annoncent un vilain temps, la pluie menace avant même que les gerbes ne soient mises au sec. Ce serait grande catastrophe et risque de gâter les grains. L'homme de se lamenter dès la première goutte qui lui fait enfin prendre conscience du péril. Que faire dans pareil cas, lui si seul, si démuni devant la virulence des éléments ? Il commence par prier, un vieux réflexe pour ceux qui n'ont que leur foi à opposer à l'injustice et à la malchance. Le ciel, sourd à ses suppliques, semble même se moquer de lui en redoublant d'ardeur.

Alors, fou de désespoir, l'homme se dévêt totalement, pour couvrir de ses effets son chargement. Geste dérisoire de bien peu d'effet, tant la charrette est grande et ses habits petits. Il pleure de rage, ruisselant quand s'emportant contre la canaille qui gouverne le temps qu'il fait, il lance de toutes ses forces son chapeau de paille qu'il avait conservé sur la tête. Le voilà nu comme un vers alors que dans le même instant le soleil fait sa réapparition. Il rentre en son domaine dans cette tenue étrange sans même s'en apercevoir tandis qu'il ne s'étonne pas que son couvre-chef ne soit pas retombé.

La récolte est sauvée et n'a pas eu le temps de pourrir. Le lendemain, il pourra battre les gerbes au fléau pour séparer les grains. Il passe une nuit réparatrice pour reprendre des forces, il lui en faudra pour cet exercice délicat. Le jour est venu de se mettre en besogne. Il dispose les gerbes, s'empare de son outil pour le battage. Soudain, un vent d’une rare violence se lève dans la plaine. C'est même une tempête, rien ne peut fléchir ce vent qui souffle de l'est et qui va disperser ses grains.

L'homme maudit cette nature qui une fois encore lui joue une vilaine farce. Il n'a même pas songé à la prière, son désespoir est tel qu'il ne compte même plus sur le très grand pour apaiser la colère du ciel. Il voudrait couper ce maudit vent et l'idée saugrenue lui vient de s'emparer d'une corde à nœuds pour la jeter dans le ciel, comme il le fit avec sa casquette la veille. Une corde à couper le vent qui immédiatement fait son ouvrage, le vent cesse et le paysan peut battre son blé.

Les grains de blé sont désormais mis en sacs. Il ne lui reste plus qu'à en porter une grande partie au marché et déposer le reste au moulin pour que le meunier lui fasse sa farine pour l'année. Il commence par se rendre à la foire pour récupérer l'argent de la vente de son blé afin de pouvoir ensuite payer le meunier. Ce dernier ne fait pas crédit.

Sur la route de la foire, l'homme poursuivit par le mauvais œil fait une fort mauvaise rencontre. Des soldats venus d'on ne sait où, sont à la recherche d'un mauvais coup à perpétrer. Ils se sont séparés de leurs chefs depuis que leur armée a connu la défaite sur le champ de bataille. Affamés et décidés à se venger, la soldatesque n'entend pas faire de quartier. Il en a toujours été ainsi de par le monde. Le sort des armes même favorable ne met jamais la population à l'abri des belliqueux.

Cette fois, le paysan n'a d'autre recours que de prendre ses jambes à son cou, n'ayant aucune possibilité de s'opposer à la force brutale et impitoyable des envahisseurs. Il abandonne cheval, charrette et blé. Avoir la vie sauve dans pareil cas, c'est se préparer à connaître la misère et la famine un long moment. Il fulmine tant que de désespoir, il s'empare de son couteau et de toutes ses forces, le lance en direction des voleurs.

Par chance, le couteau ne blesse aucun soldat, leur riposte eut été d'autant plus cinglante que les forces étaient disproportionnées. La férocité des pleutres est la plus à craindre surtout quand ceux-ci ont connu l'humiliation de la défaite. Mais en passant au-dessus de leurs têtes, le couteau fendant l'air fit un tel bruit que les lâches s'enfuirent, croyant à l'attaque d'un missile, abandonnant ce qu'ils avaient dérobé.

Le paysan récupéra son bien et fit bonnes affaires à la foire. Il rentra avec de l'argent pour l'année et de quoi payer de surcroît le meunier. Le jour suivant, c'est donc vers le moulin que les pas tranquilles de son cheval menèrent notre bonhomme et son grain à moudre. Il arriva à proximité du moulin à eau quand il entendit les jérémiades du meunier. La rivière avait été détournée par les mêmes gredins dont le paysan avait eu à se plaindre la veille.

Ne pouvant vaincre sur le champ de bataille, les soldats entendaient désormais s'en prendre à tout ce qui pourrait gâcher l’existence du peuple. Couper une rivière c'était les priver d'une précieuse source d'énergie. À la lâcheté, ils ajoutaient la rouerie tout en empêchant la roue du moulin de faire son œuvre. Notre paysan, fier, conscient désormais de la pleutrerie des envahisseurs se porta vers le barrage en faisant tournoyer son fouet au-dessus de sa tête.

L'approche d'un cavalier suffit à mettre en fuite l'infanterie en déroute tandis que le cheval se cabra et d'un violent coup des antérieurs mit à bas la pitoyable construction des vilains. L'eau reprit son cours et ne tarda pas à entraîner à nouveau les palles de la roue à aube tandis que fou de joie, le meunier se chargea gracieusement de moudre la farine de son sauveur.

En rentrant dans sa ferme, l'homme se rendit compte que son cheval avait perdu dans l'aventure un fer, un bien maigre désagrément par rapport à tout ce qu'il avait vécu. Il ne se doutait pas alors que bientôt il entendrait à nouveau parler de ce fer.

Quelques jours plus tard en effet, celui qui avait vaincu le ciel puis les forces diaboliques reçut une étrange visite. Le général en chef de l'armée en déroute en personne s'en vint pour voir ce vulgaire cul terreux qui avait terrassé ses intrépides guerriers. Il voulut connaître le secret de son courage et de sa détermination sans faille. Il fit ainsi irruption dans la ferme, encadré d'une flopée de gardes du corps tous plus patibulaires les uns que les autres.

Le général n'y alla pas par quatre chemins. Il avait rapporté à son interlocuteur un chapeau, une corde à nœud, un couteau et un fer à cheval et voulut savoir si son arsenal contenait encore d'autres armes susceptibles de vaincre la plus forte des armées, celle qui entendait faire le pluie et le beau temps sur la Planète. Le paysan de rire aux éclats devant pareille question, aussi stupide qu'absurde. Il comprenait un peu mieux pourquoi l'envahisseur était si peu efficace en dépit de son armement sophistiqué. Quand les chefs ne sont pas à la hauteur, le succès est rarement au rendez-vous.

Retrouvant son sérieux, l'homme resta évasif sur les ressources dont il disposait encore pour se lancer à l'assaut de l'armée de ce général de pacotille, disposant de bien plus de breloques sur le plastron que de jugeote dans sa caboche. Il lui dit simplement qu'il n'était pas au bout de ses ressources et que le mieux pour le général et ses troupes était de prendre la poudre d'escampette.

Il parla avec tant de conviction et de sincérité que l'autre en fut totalement déstabilisé. Le Général, totalement dissuadé de poursuivre son invasion s'en retourna dans son pays avec le peu d'hommes qui restait de sa troupe, ayant tout perdu y compris l'honneur. Il y a parfois des situations où ni le ciel ni la force ne peuvent venir à bout d'une farouche et irrésistible volonté de résister.

À contre-feu.

 

Illustrations de Taras Shevchenko


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35 réactions à cet article    


  • Brutus paparazzo 13 décembre 2022 10:24

    Et pendant ce temps là, Sun Tsu attend tranquillement. Ça fait quelques siècles qu’il a compris qu’il n’était pas Météo-France.


    • Gégène Gégène 13 décembre 2022 10:33

      @paparazzo

      il attend au bord de la rivière pour voir passer le corps de son ennemi . . .


    • C'est Nabum C’est Nabum 13 décembre 2022 13:47

      @paparazzo

      Puisque vous le dites


    • Gégène Gégène 13 décembre 2022 10:33

      Massada, sors de ce corps !


      • C'est Nabum C’est Nabum 13 décembre 2022 13:48

        @Gégène

        Mais non
        Je ne suis rien qui vaille


      • juluch juluch 13 décembre 2022 11:11

        Que se soit du temps des tsars, des soviétiques, les gens de là bas ont toujours ramassés cher !!

        A présent ils se défendent.


        • C'est Nabum C’est Nabum 13 décembre 2022 13:48

          @juluch

          Face à ce genre de personnage, il n’est rien à espérer


        • Lynwec 13 décembre 2022 11:43

          Une preuve éclatante qu’au choix et sans aucun caractère limitatif :

          -il est possible de pirater un compte et de publier une propagande discrète .

          -les phénomènes de possession sont plus fréquents qu’on ne le pense .

          -l’argent peut tout, même influencer la prose d’un auteur .

          -je perds parfois mon temps à lire et à commenter certains articles .


          • Gégène Gégène 13 décembre 2022 12:26

            @Lynwec

            tu résisterais, toi, si on te proposait X pesos contre le mot « Ukraine » dans ton article ?


          • C'est Nabum C’est Nabum 13 décembre 2022 13:49

            @Lynwec

            Vous me faites insulte


          • C'est Nabum C’est Nabum 13 décembre 2022 13:49

            @Gégène

            Et vous m’injuriez


          • charlyposte charlyposte 13 décembre 2022 14:03

            @Lynwec
            Tu espères commenter la réal politique déviée par la doxa ? smiley


          • Lynwec 13 décembre 2022 16:36

            @C’est Nabum

            La paysannerie (et l’agriculture) étant particulièrement répandues dans le monde, il me parait difficile de prétendre que le choix de situer ce « conte » en ce lieu précis, avec cette thématique précise, ces personnages et ces mots particuliers est dû au pur hasard .

            Quand on choisit de marcher dans la boue, il ne faut pas venir se plaindre si on vous fait observer que vos pieds sont crottés (et la personne qui vous le dit ne vous insulte pas, elle énonce un fait objectif) .


          • C'est Nabum C’est Nabum 13 décembre 2022 18:02

            @Lynwec

            Osez s’en prendre à un conte est assez surprenant


          • Lynwec 13 décembre 2022 19:18

            @C’est Nabum

            L’étiquette « conte » n’exonère pas son auteur de la « culpabilité » potentielle du contenu, culpabilité qui n’est certes qu’un point de vue subjectif, mais qui existe . En l’occurrence, ce n’est pas la qualité du conte qui est problématique, ce sont les idées véhiculées en arrière-plan, l’air de rien .

            Comme vous le comprendrez aisément, eussiez-vous écrit ce conte en mettant en scène un paysan de l’époque d’Alexandre le Grand ou de Napoléon 1er, des envahisseurs célèbres disposant sans doute de moins de motifs avouables, que je n’y aurais rien trouvé à redire, ceci relevant d’un passé depuis longtemps révolu et ne pouvant donc être soupçonné de propagande déguisée ou à tout le moins d’exercice d’influence (fut-il volontaire ou de commande)...


          • C'est Nabum C’est Nabum 13 décembre 2022 20:44

            @Lynwec

            Votre haine m"honore d’un peu d’humanité
            Celle qui fait défaut à qui prend délibérément partie pour l’agresseur


          • charlyposte charlyposte 13 décembre 2022 20:56

            @C’est Nabum
            Les Celtes ont beaucoup souffert via l’agresseur Latin du moyen-orient smiley


          • Lynwec 14 décembre 2022 08:35

            @C’est Nabum

            Houla ! Parler de « haine » dans le cadre de ce fil de discussion est un facteur aggravant révélateur, vu qu’il s’agit d’un élément de langage classique des partisans de la doxa, qu’ils emploient souvent pour disqualifier les contradicteurs (l’équivalent du joker « antisémite » en quelque sorte) ...

            Pour rester dans le domaine du choix temporel (référence à Alexandre le Grand ou Napoléon 1er, autres envahisseurs connus), un conte en deux parties équilibrées évoquant la situation du cultivateur ukrainien envahi par les Russes et celle du cultivateur ukrainien russophone bombardé par ses compatriotes (là, vous pouvez placer la haine...), un tel conte n’eut également suscité aucun commentaire dubitatif de ma part .

            NB : quand vous visionnez un combat en cours sans prendre la peine de regarder l’enregistrement vidéo du début à la fin, l’agresseur semble toujours être celui qui tape actuellement le plus fort . Si vous reprenez du début, la perspective peut changer .


          • C'est Nabum C’est Nabum 14 décembre 2022 08:53

            @Lynwec

            Le bonjour à Vladimir


          • Lynwec 14 décembre 2022 08:59

            @C’est Nabum

            Vous auriez sa ligne directe ? Sérieusement ? Et celle de Pépé Joe le tactile ?

            Allez, je vais interpréter cette phrase comme une banderille humoristique .


          • Lynwec 14 décembre 2022 09:04

            @charlyposte

            La complainte du fermier celte emmené en esclavage par les légions est bien (peu) connue...
            De même que celle du fermier romain pillé lors des invasions barbares...
            Tout dépend (toujours) de l’éclairagiste du moment...


          • C'est Nabum C’est Nabum 14 décembre 2022 11:54

            @Lynwec

            Il faut demande d’agir pour lui


          • charlyposte charlyposte 13 décembre 2022 13:59

            Je demande 25 degré au balcon pour le 25 décembre.... c’est pour le barbecue et celui qui s’en occupe smiley


            • C'est Nabum C’est Nabum 13 décembre 2022 16:03

              @charlyposte

              Le tison ou rien


            • Lynwec 13 décembre 2022 16:39

              @charlyposte

              Un Curaçao suffira ou il vous faut double dose ? La bouteille ?
              Une petite goutte ?
              https://www.lapetitegoutte.fr/alcools/alcools-forts/


            • charlyposte charlyposte 13 décembre 2022 16:44

              @Lynwec
              Et pourquoi pas une caisse et une barrique ! smiley


            • charlyposte charlyposte 13 décembre 2022 16:59

              Si j’ai bien compris... le spéculateur est comme un vautour qui mange le labeur sans être invité ! smiley un profiteur ou un mendiant ?


              • C'est Nabum C’est Nabum 13 décembre 2022 18:03

                @charlyposte

                Vous pouvez spéculer à votre tour


              • charlyposte charlyposte 13 décembre 2022 19:44

                @C’est Nabum
                Ça tombe bien...j’ai un milliard à mettre sur l’Ukraine smiley on me souffle à l’oreille : j’ai rien à perdre et tout à gagner ... cool smiley


              • C'est Nabum C’est Nabum 13 décembre 2022 20:45

                @charlyposte

                Parler d’argent avec tant de souffrance ...
                Comment osez-vous ?


              • charlyposte charlyposte 13 décembre 2022 20:51

                @C’est Nabum
                Y parait que le malheur des uns fait le bonheur des autres smiley


              • C'est Nabum C’est Nabum 13 décembre 2022 21:41

                @charlyposte

                Le malheur n’a pas de drapeau et dans les deux camps la mort rôde


              • Lynwec 14 décembre 2022 08:43

                @C’est Nabum

                Il en parle sans le faire, d’autres (les grands argentiers et marchands d’armes) le font sans en parler . Ils osent ...et on ne trouve pas grand monde pour le leur reprocher ...

                L’humour, fut-il léger, noir ou macabre, est un moyen très ancien de dédramatisation, c’est pourquoi il est désormais interdit par la loi de rire de beaucoup de choses ...(en public)...


              • C'est Nabum C’est Nabum 14 décembre 2022 08:53

                @Lynwec

                Je le crains
                Ici des trolls sont à l’œuvre


              • charlyposte charlyposte 14 décembre 2022 09:23

                Je propose un grand débat national : pour ou contre la légalisation du trafic d’armes ? smiley

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