• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Un océan…etc. Une épopée fondatrice

Un océan…etc. Une épopée fondatrice

Un océan, deux mers, trois continents roman de Wilfried N’Sondé Actes Sud, 269p, 20 €

Ce roman nous conte le destin exceptionnel de Nsaku Ne Vunda : né orphelin vers 1583 sur les rives du fleuve Kongo, il bénéficie d’une double culture : il garde de son éducation le respect des ancêtres et des traditions, et la foi chrétienne. Ordonné prêtre, il prend le nom de Dom Antonio Manuel et vit une vie pastorale plutôt heureuse dans son village. Sans qu’il n’ait rien fait, la renommée de sa piété amène le roi des Bakongos à le choisir pour être son ambassadeur auprès du pape. Une aventure, dont il ne soupçonne pas l’ampleur, commence. Il est embarqué sur un navire négrier, le vent Paraclet, qui passe par le Brésil avant de se diriger vers l’Europe. 

Il doit endurer de côtoyer l’horreur de la condition des esclaves sans rien faire paraître de la réprobation chrétienne qui l’anime, ni de son étonnement de voir des chrétiens tenir d’autres hommes comme des choses. La traversée connaît quelques péripéties, tempêtes, révoltes perdues… une soixantaine d’esclaves périt et une quinzaine de membres de l’équipage, ce qui nous horrifie mais est un score satisfaisant pour l’époque (p131). Dom Antonio Manuel va prendre en aversion cet esclavage et mentalement refaire le but de son voyage : il veut voir le pape pour l'informer de l'existence de ces esclaves et de leur commerce, parce que lui seul a l'autorité de faire arrêter cette propriété d'un homme sur un autre homme, avec les traitements indignes qui vont avec, et que, si cela se passe, c’est forcément que le Pape ne le sait pas (p134).

Dom Antonio Manuel a une foi simple et forte qui vacillera beaucoup et souvent mais tiendra. Il se liera d'amitié avec un pauvre mousse de France, Martin, né orphelin comme lui et qui s'est engagé pour échapper à la misère, mauvais calcul. Martin voit le nouveau monde brésilien comme une promesse de monde meilleur... et veut rester au Brésil… il reviendra sur le bateau… tout est pareil à ce qu'il a connu. Le Nouveau Monde ressemble furieusement à l’Ancien. Martin se révèlera être une fille et l'histoire de leur complicité se continuera avec Thérèse.
Le navire de Dom Antonio Manuel est pris en chasse par des navires armés par le Philippe III, roi d'Espagne et du Portugal, afin de contrer la possibilité d'une relation directe entre la papauté et le Kongo. Un navire corsaire, pour d’autres raisons diplomatiques concurrentes, a le même but : faire disparaitre le malheureux ambassadeur.

Il ne faut pas trop en dire. Le roman prend une tournure de roman d'espionnage, de diplomatie secrète, dans les techniques de l'époque. Le pauvre Antonio Manuel finira par arriver à Rome, épuisé et mourra peu après.

Sur cette trame qu'il n'a pas complètement inventée, (il s'agit d'un personnage ayant existé, qui est honoré par un buste à Rome), Wilfried N’Sondé trace un portrait de l'époque, portrait qui n'épargne personne et n'accable aucun groupe plus que les autres. Les hommes sont ainsi faits qu'ils visent à créer et stabiliser la place où ils profiteront le plus possible des autres et de la richesse disponible. La cour du roi du Kongo, Alvaro II et celle du pape, la curée, ont la même forme : des nœuds d'intrigues autour d'un souverain éloigné de la réalité. Les supplices infligés aux mauvais croyants, sur simple dénonciation, par l'Inquisition sont aussi cruels, inventifs et ineptes que ceux infligés aux esclaves sur le bateau. Il y a là une vision réaliste de l'humanité qui ne conduit pas au désespoir. La lucidité est une blessure sans laquelle toute action est erronée et dirigée vers l’échec.

Wilfried N’Sondé écrit beaucoup sur les origines de l’humanité. Ici sur les fondements de notre monde moderne… Dans son dernier roman Héliosphéra, filles des abysses, il a remonté l’histoire jusqu’à ces animaux et minéraux unicellulaires dont les humains descendent, quoiqu’ils en pensent.

Un océan, deux mers, trois continents est une histoire efficace et bien menée, le portrait d’une époque fondatrice, un roman nécessaire et vivifiant comme l’air marin dans lequel il se déroule le plus souvent.

 


Moyenne des avis sur cet article :  3.15/5   (20 votes)




Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité