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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Sous le soleil exactement

Sous le soleil exactement

A la fin du XIXème siècle s'est développé au bord de la Méditerranée une création artistique nouvelle s'étalant de Collioure à Menton. Ce territoire est devenu un véritable atelier à ciel ouvert de par sa grande intensité lumineuse et ses couleurs irradiantes. On y observe une intelligence des paysages et de la lumière, une attention à la générosité des rapports humains, l'attrait d'une vie plus authentique et sereine dans une « machine à faire de la civilisation » de « la mer mêlée au soleil » si chères à Paul Valery. (1)

Un atelier à ciel ouvert

Eblouie, la génération des Monet, Cézanne, Van Gogh et Gauguin aborde la Provence comme une nouvelle terre sacrée. L'ensoleillement puissant y découpe les volumes et y exalte les tons.

Pour Monet qui a découvert Giverny en 1883, le midi représente un divertissement. Il séjourne au cours de l'hiver 1888 à Antibes où il tente de capter l'intensité des couleurs « c'est si beau ici, si clair, si lumineux. » écrit-il à sa compagne. A son retour à Paris il expose avec succès ses toiles marines de la cote d'azur. Mais désormais pour lui il ne sera plus question du Sud, il se consacre à des paysages plus fluides et moins contrastés qui suivent le cours de la Seine et enfin à sa passion les Nymphéas.

Au même moment Paul Cézanne tourne autour de la montagne Sainte-Victoire, ne la perd jamais de vue, ne lache jamais prise parce qu'elle le fascine. C'est pour lui un chemin de passion qui s'étale sur ses vingt dernières années. Le travail sériel qu'il effectue avec les Sainte-Victoire devient la condensation de toute sa création. Les touches de l'artiste qui décomposent et fragmentent son sujet en arrivent à géométriser la réalité, Les Carrières de Bibemus, 1898. La nature de Cézanne surgit à partir d'hésitations transformées en chef-d’œuvre d'une puissance exceptionnelle. Progressivement sa vision est réduite à l'essence même de la montagne entre ciel et terre, envers imaginaire du réel.

D'abord effrayé par l'intensité de la lumière provençale, Vincent Van Gogh fait des alentours d'Arles où il séjourne un atelier qu'il explore de jour comme de nuit. Dans un camaïeu de couleurs primaires qui s'étalent sans retenue : la Terrasse de Café la nuit, 1888 est brillamment éclairée et son jaune rougeâtre contraste avec les bleus nocturnes sur fond de l'énergie cosmique des étoiles. On n'est plus ici dans la douceur de dégradés, mais dans une dynamique des contrastes. Sa rupture avec Paul Gauguin venu le rejoindre à Arles cette année là pour découvrir en l'effleurant la Provence scelle son échec à s'entourer d'une communauté d'artistes, comme si pour lui la splendeur du monde ne pouvait se donner que dans le renoncement aux choses de la vie.

Laboratoire de la modernité

Défrichée, reconnu et recherché, le Midi est devenu le lieu où s'élaborent de nouveaux courants, dont le fauvisme, le cubisme et l'abstraction.

C'est ainsi qu'Henri Matisse s'installe à Nice, dans cette contrée inondée de lumière. Son œuvre se déploie sur la Côte d'Azur dans un enchantement de formes et de couleurs jusqu'à l'aboutissement de le Chapelle de Vence. Avec le procédé des gouaches découpées sur du papier, invention de ce vieil homme muni de simples ciseaux qui creuse des percées dans la couleur et fait surgir de longues et harmonieuses figures, Baigneuse dans les roseaux, 1952. L'ouvrage Jazz publié à ce moment là témoigne de ce passage d'une technique à une esthétique. Grace à son génie « Il y a des fleurs partout pour qui veut bien les voir » dans ce paradis terrestre que l'artiste a crée pour nous l'offrir en partage. L'art de peindre de Matisse est un art de vivre.

Georges Braque pose son chevalet sur les hauteurs de Marseille au cours de l'hiver 1906 et y revient régulièrement jusqu'en 1910. Il décide de « traiter la nature par le cylindre, la sphère et le cône. » Le langage cubiste est inventé ici avec ses volumes aplatis et géométriques, ses couleurs sourdes réduites à une gamme ocre jaune ponctuée de vert et de bleu dans Le Viaduc à l'Estaque, 1908. Revenu à Paris, il s'embarque dans l'aventure cubiste partagée avec Picasso.

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Ce dernier devient potier à Vallauris en 1946 et cette période est marquée par la volupté avec laquelle il travaille la céramique en s'appuyant sur l'artisanat local. Sous ses mains expertes le récipient devient un « poisson », la bouteille se transforme en colombe légère au corps de femme. Ces décors animaliers, ces figures humaines voisinent avec les rappels mythologiques. La corrida y est omniprésente sur des plats où apparaissent le jaune intense du ciel contrastant avec les spectateurs bleus. On y découvre la silhouette élancée de son ultime muse, Jacqueline dans nombre de figures de tanagras.

Nicolas de Staël a gardé en mémoire le minimalisme de Matisse pour pousser au plus loin son sens musical de la couleur. Dans l'une de ses dernières toiles réalisée à Antibes où il habite, trois bandes horizontales constituent le plan : un azur profond pour le ciel, un gris bleuté pour la mer et au centre une masse blanche ciselée de lignes jaunes, ce sont Les Mâts, 1955. Il poursuit alors un dialogue flamboyant et tragique avec l’espace méditerranéen , à un moment où son angoissante lucidité s’accroît, après avoir été un enfant chassé par la révolution russe, après avoir perdu langue, parents, pays.

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Nicolas de Stael : les mats

Ce territoire a été aussi marqué par l’élaboration de somptueuses collections, comme celle des Maeght dont la Fondation crée à Saint-Paul de Vence en 1964 s'est métamorphosée en temple de l'art moderne et contemporain. L'éblouissement n'est plus seulement produit par les couleurs éclatantes, mais par les oeuvres des génies qui en ont tiré leurs créations… sous le soleil, exactement.

( 1) Ces oeuvres réalisées entre 1880 et 1960 offrent un aperçu des séjours des artistes dans les volets aixois et marseillais de la riche exposition « Le grand Atelier du Midi » au cours de l'été 2013.

 


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5 réactions à cet article    


  • rogal 31 mars 2022 13:15

    Bel article.

    Le cylindre, la sphère et le cône : de Cézanne me semble-t-il.


    • troletbuse troletbuse 31 mars 2022 22:33

      Deux hypothèses :

      -Où l’auteur fair partie des bisounours qui ne voient absolument rien, ce qui m’étonnerait.

      Ou bien elle fait partie du NOM qui veut asservir l’humanité et la réduire et elle fait des articles de diversion.

      Les gens n’en ont pas conscience. C’est pas moi qui le dit, c’est Schwab, Attali, Alexandre, von Leyen en 1mn 20

      https://crowdbunker.com/v/d4K1zP9QY3

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