Les frottements du cœur
Les frottements du cœur de Katia Ghanty avec Katia Ghanty Création sonore et musique live : Agnès Imbault, Caroline Geryl, Chorégraphies : Florentine Houdinière ;
Avignon ; Conditions des soies. À 11h40
Ces « frottements du cœur » ne racontent pas une histoire d’amour, bien que cette histoire n’en manque pas, d’amour. C’est une épreuve inattendue, douloureuse, inquiétante qui tombe sur une jeune femme de 29 ans. Un peu malade, comme il arrive, une grippe, avec des sur-symptômes bizarres, des grosses joues de hamster… Le médecin banalise. Mais elle tombe chez elle, les pompiers la ramassent, elle est portée, emportée, elle voit défiler les plafonds, le ciel, le haut des maisons… elle arrive aux urgences et commence un terrible périple dans le pire des services de l’hôpital, la « réa ». Elle ne savait même pas ce qu’était la « réa ».
Son cœur est en capilotade…
Commence une longue lutte des soignants et d’elle contre la mort, contre l’arrêt de son cœur. La réanimation exige une forte participation de la malade, beaucoup d’interventions sur elle. On lui explique ce qu’on va lui faire, c’est souvent effrayant. Le plus fort, c’est la période où les soignants soulagent son cœur en prenant son sang pour le faire oxygéner par une machine. Habituellement, le patient est sous anesthésie générale et ne sait rien de ce qu’on lui fait… Pour elle, elle ne va « bénéficier » que d’une anesthésie locale.
Katia Ghanty a voulu raconter cette expérience existentielle, son expérience, elle a pris des notes dès qu’elle a pu, elle a écrit un livre éponyme (Éditions Carnets nord) et le porte maintenant au public, avec distance et humour. Elle nous fait participer à ce retour à la vie si long, si méandreux. Éric Bu l’a mise en scène dans une discrétion douce et efficace. La musique, les rideaux de fond de scène, les couleurs de la lumière… tout concoure au caractère poignant, et si vivant, de ce récit.
Face public, elle nous raconte, elle nous raconte les soignants, leur façon personnelle de s’occuper d’elle, de faire l’échographie, par exemple… leurs réflexions entre eux, ils vivent leur vie quotidienne, l’infirmière qui n’arrive pas place la sonde urinaire et qui se marre… Chacun est représenté par un geste, une voix, une articulation, un petit rien qui le remarque. Les relations se nouent, plus ou moins agréables. Une gentille soignante qui lui fait un champoing, un long et doux massage du cuir chevelu ; tandis qu’une autre la rabroue « vous ne pouvez pas avoir soif, vous êtes hydratée par perfusion, vous avez la gorge sèche »… Un moment, le jus d’orange arrivera comme un bonheur immense dans ce lot de difficultés et de souffrances.
Katia Ghanty nous narre le « retour à la vie », tout le monde lui disant « profite », tandis qu’elle a peur de tout, que le souvenir de ce qui est venu sans qu’elle l’appelle revienne de la même façon.
Ne vous effrayez pas à votre tour, c’est une tranche de vie, tellement bien « donnée » au public qu’on y est, qu’on fait le voyage avec elle, son espoir et sa victoire. L’émotion est forte, elle nait de la sincérité et des détails du récit, sans pathos.
Le public applaudit debout, et c’est mérité.
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