Des mots qui chantent « À Contre-Courant ! »
Écrire une chanson
Je dois être le plus mal placé pour vous expliquer comment écrire une chanson. N'étant pas musicien, j'entends souvent, très souvent même, mes camarades retoquer mon texte en affirmant cette terrible sentence : « Ce n'est pas une chanson ! ».
Pourtant, dans la masse de mes fariboles, certaines ont trouvé grâce auprès de mes camarades avec parfois des retouches d'importance pour que les mots glissent sous la musique. Car voyez-vous, pour bien comprendre la difficulté, les mots précèdent les notes, ce qui rend plus difficile encore, cette alchimie complexe.
Ce que je peux simplement vous narrer, c'est la naissance de celles qui ont trouvé mélodie pour survivre. Le plus souvent, c'est un refrain qui s'est imposé comme une évidence, un quatrain dans la plupart des cas, qui engagea un processus d'écriture qui coulait de cette source limpide. Je me souviens ainsi qu'ayant dans la tête ces quelques vers, alors que je me déplaçais en moto :
Où vas-tu marinier
En si bel équipage
Où vas-tu naviguer
Loin de ce beau rivage
La suite est venue toute seule, comme un court-métrage qui se déroule sous mes yeux. Ce ne fut pas le seul cas, le refrain demeure pour moi, cette bouée indispensable qui libère l'imaginaire.
La même aventure est advenue avec ce refrain :
Gueux sur votre terre,
Nous devenons bientôt
Par un étrange mystère,
Seigneur sur notre bateau
Par contre, le déroulé du récit était empreint d'une intention : casser les codes, prendre à contre-pied les clichés. Fort de ce désir, la suite découla tout naturellement de cette posture.
Pour d'autres textes qui devinrent des chansons, un titre suffit. Il peut être le fruit d'un événement personnel comme Coup de tempête avec l'envie d'évacuer ou d'exprimer un sentiment fort. Les mots découlent de l'intention initiale, ils s'imposent sous les doigts, ils me mettent le pied à l'encrier. Il est encore des récits qui naissent d'un lieu « La venelle à quatre sous » en est la meilleure expression et la chanson s'imposa d'elle-même sans la moindre retouche.
Pour d'autres, il peut y avoir une demande d'un tiers qui a besoin de germer. Compagnons de Mandrins en est la plus parfaite illustration. L'idée est restée dans un coin de ma tête jusqu'à ce que la connexion se fit avec un souvenir d'enfance. Ensuite, ce fut une histoire que je racontais d'abord à moi-même.
Parfois c'est un tiers qui donne le tempo. Un commentaire, une petite phrase qui me reste en tête avant que de donner naissance à un récit dans laquelle elle s'insère ; j'espère harmonieusement, même si c'est ensuite le rôle du metteur en musique à la condition bien sûr que le texte l'inspire.
Et puis, il y a les miracles, ces textes qui doivent émerger du sommeil et qui me réveillent. Rue des trois pucelles fut de ceux-là. Le besoin impérieux de laisser filer l'inconscient, de lui donner la main pour qu'il restitue ce qu'il a manigancé à l'insu de mon plein gré. Dans pareil cas, il n'y a rien à expliquer, il faut se laisser porter.
Enfin, il y a des idées qui sont mises en chantier. Elles sont laissées en friche dans le disque dur, elles attendent leur heure pour changer de forme, reprendre un peu de vigueur. Un jour, elles se rappellent à mon souvenir et retrouvent un souffle qu'elles avaient perdu.
Bien sûr, il y a toutes les autres qui demeurent lettre morte. Elles n'ont pas trouvé grâce aux yeux de mes camarades musiciens – chanteurs. Elles sont comme un vaste jardin en jachère qui me souffle régulièrement à l'oreille : « Tu ne comprendras jamais ce qu'est une chanson ! ». Il est vrai que cela demeure un mystère pour moi qui dois me taire quand les autres chantent.
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