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Commentaire de Christophe

sur Considérations sur le chaos du monde II


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Christophe 8 mai 09:59

@l’auteur

Il y a déjà pas mal d’années que la philosophie dénonçait la société de communication en faisant usage des outils intermédiaires ; Jurgen Habermas écrivait même : La communication devient la Voix unique, qui seule peut unifier un univers ayant perdu en route tout autre référent. Communiquons. Communiquons par les instruments qui ont, précisément, affaibli la communication. Voilà le paradoxe où nous sommes jetés.

Lucien Sfez exposait clairement : il ne serait sans doute pas venu à l’esprit d’un Grec du cinquième siècle de voir dans la cité une « société de communication ». Un citoyen grec ne doutait pas des vertus du langage et de la discussion, mais à ses yeux une idée de ce genre n’aurait pas représenté beaucoup plus qu’une tautologie sans intérêt : On ne parlait pas de communication dans l’Athènes démocratique, car la communication était au principe même de la société.

En remontant l’histoire, pour l’animal politique d’Aristote, la polis représentait un lieu d’échange et de parole dans lequel le citoyen puisait le sentiment de son appartenance à la communauté des êtres raisonnables. Citoyen et être de raison n’y faisaient qu’un. Mais comme le montre aisément la lecture d’Aristote, un tel sentiment demeurait lié à la conviction d’un règne ou d’une destination plus élevé que celui de la seule convention. Or des théories du contrat social, l’immanence des valeurs et des choix est un produit beaucoup plus tardif de l’histoire. Max Weber associait le phénomène de la rationalisation à une pluralité. Un enjeu important de l’idée de communication consiste apparemment à déterminer dans quelle mesure la guerre des Dieux (relire Weber) constitue notre horizon. La « communication » est aujourd’hui le lieu de ce débat.

A l’étude de l’évolution des concepts liés à la communication, outil de transmission et de savoir, ne sommes-nous pas là à l’orée de notre régression sociétale ?

Ne sommes-nous pas jetés, comme l’a souligné Lucien Sfez : dans une société qui ne sait plus communiquer avec elle-même, dont la cohésion est contestée, dont les valeurs se délitent, que des symboles trop usés ne parviennent plus à unifier  ?

Toute tendance instaurée par la plèbe sous influence voit naître sans cesse des idéologies, et comme le soulignait Ludwig Wittgenstein, tout ce que le philosophe peut faire, c’est de détruire les idoles. Et cela ne veut pas dire en forger de nouvelles.


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