Aux Lecteurs
L’impossible mission de Gabriel Attal
Analyse d’Ivan Rioufol https://blogrioufol.com/
"Il
aura fallu sept ans pour qu’Emmanuel
Macron, face
au récif du RN, vire de bord. La question est de savoir s’il n’est
pas trop tard pour éviter le naufrage. Le capitaine
du Titanic n’avait
pu le détourner à temps de l’iceberg. La nomination de Gabriel
Attal comme
premier ministre, hier, se veut symbolique d’une modernité
juvénile et d’un «
effet waouh », si
prisé par la Macronie. Mais sa mission, imposée dans l’urgence,
semble impossible. Le chef de l’Etat a invité l’habile
communicant, 34 ans à « mettre
en œuvre le projet de réarmement et de régénération » annoncé
dans ses voeux, ceci dans «
la fidélité à l’esprit de 2017 : dépassement et audace ».
En réalité Attal
de Couriss (particule
maternelle qu’il avait naguère rajoutée), enfant bien né d’une
haute bourgeoisie parisienne progressiste, aura le courage des idées
des autres. C’est d’ailleurs la caractéristique de cette gauche
convertie au réalisme, qui tente en urgence de quitter en douce les
chimères des idéologies pour s’approprier les thèmes de la
droite pragmatique. Déjà, dans les années 70, le gauchisme de
l’époque (André
Glucksmann, Claude Lefort, Cornélius Casoriadis, etc.)
avait su récupérer le combat antitotalitaire longtemps mené sous
les injures par la seule droite anticommuniste. Dans tous les cas de
figure, un socialisme à bout de souffle court après la modernité.
Or l’histoire qui s’écrit ne puise rien dans le vide bavard de
la majorité présidentielle, uniquement soucieuse de sa survie.
Attal
a un talent politique. Son passage à l’Education nationale (5
mois) a été remarquable par les quelques décisions immédiatement
appliquées (abaya, renvoi des élèves harceleurs, classes de
niveau, etc). Mais quand Gérald
Darmanin souligne
qu’il veut, lui, « finir le travail qu’il a commencé »,
le ministre de l’Intérieur souligne en creux le maigre bilan de
l’ambitieux qui lui a brûlé la priorité à Matignon. Le premier
ministre sera jugé aux actes. De ce point de vue, un préalable vote
de défiance parlementaire, demandé par LFI, n’aurait pas de sens.
Reste que son abandon de poste, alors que l’Ecole s’effondre, ne
fait pas apparaître une sincérité. Lors de la passation de pouvoir
avec Elisabeth
Borne,
Attal a aligné les mots des « populistes », cette
engeance qui répugne Macron, avant de filer auprès des inondés du
Pas-de-Calais. Il a parlé des «
classes moyennes », assuré
qu’il fallait « garder
le contrôle de notre destin », « renforcer la
souveraineté nationale, celle de l’Europe, en maîtrisant notre
immigration », etc.
Néanmoins, Macron reste le vrai premier ministre, dans une V eme
République claquemurée qui redoute d’avoir à se confronter au
peuple. Contrairement à ce qu’affirme la Macronie, les questions
économiques et sociales ne sont pas l’essentiel. Les priorités
des Français sont, selon un sondage du Parisien, le pouvoir d’achat
(48%), la sécurité (39%), l’immigration (37%). La jeunesse
d’Attal ne peut faire oublier le vieux monde sclérosé dont il est
le produit. Peut-on faire une politique de droite quand on est de
gauche ? Il est permis d’en douter."