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Commentaire de Damien-Guillaume Audollent

sur Un Monty Python contre l'axe du bien


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Damien-Guillaume Audollent (---.---.112.221) 3 mai 2006 22:44

Cher Scipion,

1) Je suis heureux qu’après l’outrance de votre premier message on puisse enfin arriver à établir un dialogue plus serein et plus constructif smiley)

2) Par-delà certaines divergences d’analyse, nous nous retrouvons au moins sur ce constat essentiel : « fiction qui n’est plus tenable », la démocratie telle que nous (ne) la pratiquons (pas) est au bout du rouleau. (Cette idée est du reste l’une des lignes de force du livre de Terry Jones.) Que l’élection présidentielle française à venir illustre jusqu’à la caricature cette déréliction est également évident, nous sommes d’accord. De ce point de vue, peut-être que la seule chose qui nous sépare, c’est une capacité d’indignation (mais je n’en tire aucune gloire).

3) Par contre, je ne vous suis pas quand vous accusez « la démocratie » d’avoir conduit « notre civilisation au bord du tombeau » : à mon avis, c’est lui faire trop d’honneur ! Je trouve que cette façon de dire les choses vous arrange trop pour être honnête : sur quoi fondez-vous votre conviction que la démocratie serait condamnée à l’échec parce qu’intrinsèquement mauvaise, sinon sur une volonté de justifier votre renonciation et votre individualisme ? Quant à moi, je me contenterai de dire que ce qui est en cause, plus que « la démocratie » dans son essence, ce serait plutôt un ensemble de pratiques plus ou moins concertées, qui n’ont de cesse de dévoyer la « démocratie », et d’endormir les citoyens - mais contre lesquelles il me semble possible et souhaitable de se révolter (ce qui ne manquera pas de vous paraître dérisoire, mais que voulez-vous, je crois avec Gandhi que « tout ce que tu feras sera dérisoire, mais il est important que tu le fasses »...) (sans compter que ça fait du bien à l’« environnement mental » !).

3) Car ce qui est au bout du rouleau, à mes yeux, c’est d’abord le concept de démocratie représentative, fondé sur le libéralisme politique et le régime parlementaire, qui (à l’aide d’une soldatesque médiatique vendue aux marchands d’armes et faiseuse de cerveaux disponibles) circonscrit les citoyens à leur rôle d’électeurs, en leur demandant tous les 4 ou 5 ans de « choisir » entre quelques candidats formatés ceux et celles qui décideront sans eux, et souvent contre eux. La « citoyenneté », pour reprendre un mot galvaudé, est cruellement absente de ce jeu de dupes.

4) Les dérives de ce système politique s’ancrent dans la stratégie de contournement des peuples pour imposer, l’air de rien, une dictature de l’actionnariat qui, bien que plus « tendance », n’a rien à envier à la défunte dictature du prolétariat : dans les deux cas, une oligarchie s’appuie sur un mythe pour s’arroger le droit de s’en mettre plein les poches, quelles qu’en soient les conséquences pour les autres (en termes d’« environnement mental », mais aussi de sécurité, de solidarité et tout simplement de vie ou de mort). Il me semble qu’on n’apportera pas de réponse décisive à la question démocratique sans, du même coup, circonvenir vigoureusement cet économicisme totalitarisant. Qu’en pensez-vous ? (C’est d’ailleurs un autre des points forts du livre de Terry Jones que de le souligner - je me permets d’y insister, car enfin tout ce débat prend sa source dans un article traitant de ce livre.)

5) Or guerre économique et « guerre au terrorisme » vont de pair ; arrogance de la sphère économique et recul des libertés individuelles et collectives se rejoignent dans la méfiance, pour ne pas dire le mépris pour les êtres, et le refus qu’émerge une réflexion collective potentiellement dangereuse pour les « élites » qui ont détourné la « démocratie » à leur profit... avec notre complicité silencieuse, la plupart du temps. Manipulation des mots et des faits, exploitation des peurs, exacerbation des tensions et division communautariste, désignation de boucs émissaires sur lesquels nous sommes appelés à déverser nos rancoeurs, militarisation des rapports sociaux, dédain absolu face à la contestation, légitimité accordée aux religions pour qu’elles empiètent sur le terrain social abandonné par l’Etat, carte blanche donnée aux « décideurs » économiques pour qu’ils peaufinent toujours plus leur captation des richesses, etc. : c’est la ligne de Bush et de Sarkozy. Voyez-vous comme tout se tient ? Face à de tels enjeux, le fatalisme est la pire des attitudes, et l’ennemi de la démocratie, laquelle pourrait se reconstruire par un « réfléchir et agir ensemble » pour peu qu’on secoue la poussière complaisamment accumulée sur nos « environnements mentaux » respectifs !

6) Pour finir ce message sur une note plus malicieuse, je constate que la désillusion que vous affichez en matière de « démocratie » n’est peut-être pas si péremptoire qu’il y paraît : sinon, comment comprendre que vous visitiez des sites comme AgoraVox, « le média citoyen », allant jusqu’à participer aux débats qui s’y déploient ? Je suis heureux, en ce qui me concerne, que nous puissions y partager ces quelques vues. C’est le peu qui nous reste, en matière de démocratie, et ce type d’échanges n’est sans doute pas inutile pour que survive, au moins à dose homéopathique, l’idée de démocratie...

PS : j’ai oublié de signer mon message de 19h53. Vous m’avez reconnu, mais je le précise à l’intention des éventuels autres AgoraVocistes...


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