• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Flam44

sur Petite histoire du droit d'auteur : le pognon, le public et l'art


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Flam44 19 juin 2017 18:39

Ah, à voir les sources tout s’éclaire...
Rarement vu autant de contre-vérités, d’erreurs et de raccourcis sur le droit d’auteur dans un seul article. Rien que le fait ne considérer celui-ci que sous l’angle de la musique, notamment de la « grande méchante SACEM » est une idiotie sans nom témoignant au mieux d’une certaine ignorance, au pire d’une malhonnêteté intellectuelle crasse.
L’ennui avec le droit, c’est que tout le monde pense que ça lui est accessible. On voit rarement des articles amateurs expliquant des notions niveau bac +5 de maths ou de physique... Mais de droit, si ! Et c’est assez désolant. Plutôt que d’aller sur Wikipédia et framasoft, mieux vaudrait lire les traités d’André Lucas, Caron, Gautoer, Pollaud-Dullian, Vivant, ou même Desbois... Ou bien, faire des études, ça marche aussi, avant que de se piquer d’écrire des articles d’opinion. L’opinion c’est joli, encore faut-il que ça repose sur d’autres choses que des stéréotypes. Donc, listons-les de façon non-exhaustive.

"la SACEM a été créée en 1851 pour protéger les droits d’auteur. Cela signifie qu’auparavant, ces droits n’existaient pas ou existaient autrement.« 
Deux bêtises en une : la première société de gestion collective a été créée par Baumarchais milieu XVIIIè, pour tenir tête notamment à la Comédie Française qui s’approprie une partie des recettes devant revenir aux auteurs. La première loi française instaurant une propriété littéraire et artistique au profit des auteurs fut réclamée par les Lumières et votée juste après la révolution.
De plus, cela montre que la société de gestion collective ça n’est pas une histoire de postérité... c’est une garantie pour l’auteur d’être payé, alors que seul contre tous il n’a aucun poids.
Bien sûr, on ne parle pas de Hugo, Lamartine..., qui votèrent et élaborèrent en partie de droit d’auteur à la française.

 »Si Vivaldi avait « breveté » le concerto pour soliste, l’histoire de la musique en eut drôlement été modifiée« . Bien sûr, une œuvre ne se brevète pas. Sa forme est protégée dès lors qu’elle existe et qu’elle est originale, c’est-à-dire en France qu’elle est empreinte de la personnalité de l’auteur. Le »concerto pour soliste« , outre un formidable pléonasme, c’est une idée : celle de faire jouer un soliste avec un orchestre derrière. Les idées appartiennent au patrimoine commun, et sont »de libre parcours« . Cf l’arrêt Christo, notamment.

 »Les droits d’auteurs nourrissent les parasites de la création artistique, jamais les vrais artistes« . Oublierait-on que les droits naissent TOUJOURS sur la tête de l’artiste qui lui les cède ? Oublierait-on que les éditeurs ne sont pas titulaires du droit d’auteur, mais n’en sont que cessionnaires ? Oublierait-on, encore, le principe de rémunération proportionnelle qui oblige l’éditeur à reverser une somme à l’auteur - qui souvent dépasse la somme qu’il aurait réellement dû recevoir suite aux ventes d’un premier livre, que l’éditeur finance à perte pour faire un pari sur l’avenir ?

Digressons un peu : Goc (http://www.agoravox.fr/commentaire2074739) nous parle de Mme Thompson qui vend des tableaux sans que les ayant-droits ni l’auteur ne touchent quoique ce soit... Tableaux du début du XXè ? Soit l’auteur est mort depuis plus de 70 ans et c’est normal, soit ça n’est pas le cas... et goc ne connait sans doute pas le droit de suite de l’auteur et de ses ayant-droits, créé notamment à cause de la veuve de Millet qui vivait dans la misère. Celui-ci permet à l’auteur/ayant-droit d’un tableau de toucher un pourcentage sur la vente du tableau dès lors qu’elle excède une certaine somme.

Ah, et, le commerçant d’une œuvre ne touche pas de droits d’auteurs. Il touche de l’argent sur la vente du support. C’est différent.

On oublie le droit moral de l’auteur, imprescriptible et inaliénable, qui permet le respect de l’œuvre... ? Bon, d’accord, on n’en parle pas non plus alors...
Si vous voulez du droit d’auteur mercantile, regardez du côté du copyright. Ça n’est pas pour rien que le droit d’auteur français est dit »personnaliste" ; c’est parce qu’il s’attache à la personne de l’auteur.

Ce genre d’article boursouflé de pensée pré-mâchée participe à la détestation d’un droit sans lequel aujourd’hui les auteurs n’auraient plus les moyens de créer. Dont l’objectif même est la protection de la création. Mais comme on aime regarder, écouter en streaming et télécharger, bref, qu’on aime ne rien payer, c’est plus facile de ce dire que les ayant-droits et les SGT sont des voleurs et que le droit d’auteur est un concept archaïque. Vraiment, l’ignorance est une bénédiction. Elle donne bonne conscience.

Signé : un doctorant en propriété littéraire et artistique, qui n’aime pas qu’on véhicule des conneries sur une matière que l’on met - quand on est consciencieux - des années à maîtriser.


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès