@Fergus
Tant que l’on continuera à admettre en 6e des élèves qui
ne maîtrisent pas la lecture, l’écriture et le calcul,
Ces trois termes sont ambigus. Il faudrait préciser ce que l’on
entend pour chacun d’eux.
Qu’est-ce que maîtriser la lecture ? déchiffrer une texte ou
le comprendre ?
Si l’on parle de déchiffrer, ce qui doit être commencé
au CP et achevé au CE1 par la capacité à lire n’importe quel mot
inconnu et long (par exemple un nom de dinosaure ou de médicament)
en analysant les syllabes qui le composent, c’est le passage en CE2
qui doit être différé et non attendre la sixième pour ça.
Le problème est alors le refus des parents du redoublement par
refus de la réalité, à savoir que leur enfant n’est pas aussi
intelligent qu’ils le croyaient, ce qui leur cause beaucoup de
souffrance morale et qu’ils préfèrent nier en mettant en cause les
enseignants et leurs méthodes.
Comme par ailleurs une certaine démagogie, ou plutôt une
démagogie certaine, fait des parents des intervenants
incontournables dans l’école, des partenaires obligés et comme le
redoublement d’enfants qui sont d’un moindre intérêt pour les
gouvernants vu qu’ils ne seront pas des travailleurs brillants, coûte
cher, il n’y a plus de redoublement.
On peut d’ailleurs mettre en cause l’effet négatif sur le
comportement d’un garçon, de son redoublement pur et simple qui
consiste à la rentrée à le mettre, lui qui a quand même suivi une
année de CE1 au même rang que les « petits » arrivant du
CP.
Mais hormis dans les écoles à gros effectifs, il est
matériellement impossible de créer une classe transitoire entre CE1
et CE2. Par ailleurs on sait que les classes à deux niveaux exigent
beaucoup d’effort de l’enseignant(e) et que les résultats sont
néanmoins inférieurs à des classes à un niveau si les effectifs
sont les mêmes.
La solution seraient de détacher des enseignants en soutien
spécifique de ces élèves, travaillant en très petits groupes. Ce
qui nécessiterait des créations de poste et un budget approprié
allant en sens contraire des souhaits d’austérité de l’UE pour les
écoles publiques.
Si l’on parle de saisir les subtilités du texte lu, c’est
tout autre chose !
Et c’est en cela que les différences d’origines sociales vont
créer des différences qui ne pourront pas être comblées à
l’école primaire que quittent des enfants de dix ans (il faut se
souvenir de ce jeune âge que les gens confondent avec les quatorze
et souvent quinze ans des élèves d’autrefois qui restaient en
primaire jusqu’au certificat d’études).
Au mieux le handicap culturel des enfants des milieux défavorisés
ne pourra être comblé qu’en fin de lycée après des années
d’enseignement secondaire et à la condition expresse que ces élèves
d’une bonne intelligence empathique dévorent les livres et soient
intéressés par les études de texte.
Une tradition élitiste incite les professeurs de français à ne
proposer à l’analyse de la classe que les textes des "grands
écrivains" du passé, dont l’univers mental et les références
culturelles sont sans rapport avec ceux des élèves ordinaires ou
culturellement défavorisés.
Une grosse partie du travail du professeur est alors de donner le
sens de mots inconnus, et ensuite d’analyser la « psychologie »
des personnages ou de démasquer les non-dits de l’auteur qui sont
souvent en référence avec une époque et un milieu social inconnu
des jeunes d’aujourd’hui.
C’est une façon trop étroite d’étudier la langue française
écrite. Il serait beaucoup plus intéressant de continuer au collège
les « livres de lecture » du primaire en collectionnant des
textes de diverses origines y compris des textes didactiques de
sciences (science naturelles), d’histoire, de géographie mais aussi
humoristiques, de science-fiction etc. L’objectif étant moins de
lire rapidement que d’analyser le sens et les informations qu’ils
contiennent.
Qu’entend-on par « savoir » écrire ?
Autrefois, on entendait par là
maîtriser la calligraphie. Et bien entendu, ce n’est pas le sens que
l’on donne aujourd’hui qui est de rédiger un texte cohérent dans un
français correct.
Là non plus, comme pour le
vocabulaire orthographique, la solution est de lire, lire, lire tout
ce qui passe à portée comme Cavanna quand il était enfant et comme
il le raconte dans son roman autobiographique : Les Ritals. Il
faut aussi de la mémoire !
Mais pour devenir
un bon rédacteur si cela est nécessaire, cela n’est pas suffisant.
il faut aussi du talent qui ne s’apprend pas mais se révèle à ceux
et celles qui écrivent beaucoup. Car tout entraînement est
profitable.
Mais comme pour la
compréhension profonde d’un texte, cela ne peut être acquis à dix
ans. C’est au collège qu’incombe l’essentiel de cette tâche
difficile et au lycée de peaufiner les acquis.
Au lycée, on
devrait entraîner les étudiants à écrire en différents styles
selon le sujet. Ce n’est pas fait.
Qu’entend-on par « savoir »
compter ?
Évidemment pas de
faire des opérations mécaniquement en appliquant un algorithme sans
connaître sa raison d’être. Mais résoudre des problèmes d’après
un énoncé, un texte sans illustration ni manipulation. Or cela est
extrêmement difficile pour un jeune cerveau alors qu’à quinze-seize
ans cela paraîtra évident. En fait le « calcul » à l’école
primaire devrait toujours se faire à travers une manipulation
concrète ou à tout le moins avec un support visuel. De ce point de
vue, les ordinateurs et tablettes correctement programmées devraient
être d’une grande aide.
En résumé, pour
l’entrée en sixième, l’exigence en mathématique devrait être une
attitude active de l’élève devant un problème soluble par une
manipulation ou un support visuel. Et de cela je pense que
pratiquement tous les élèves en sont capables si on les a habitués
à ne pas rester passifs (« J’y comprends rien ! »).
Il est utopique que des enfants
de dix ans sachent écrire un texte élégant et plein d’idées sur
n’importe quel sujet sauf à être particulièrement doué et surtout
être issu d’un milieu très cultivé et s’intéressant de près à
sa réussite scolaire ( typiquement un couple d’enseignants comme
parents !).
Il en est de même pour
l’orthographe des mots qui ne peut être correcte que s’ils ont été
« photographiés » par les élèves au cours de leurs
lectures. Lesquelles chez un enfant de dix ans qui ne lit couramment
que depuis trois ans ne peuvent être considérables, sans rapport
avec ce que doit avoir lu un étudiant de dix-huit ans.
En revanche les règles de base
de l’orthographe grammaticale doivent être connues (accord sujet
verbe, nom-adjectif, verbes courants au temps et mode courants).
Mais il faut que les élèves
lisent facilement tout texte, en arrivant en sixième, pour tirer
plaisir de cette occupation qui est la clé de la réussite scolaire.