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Commentaire de easy

sur Au lycée, j'ai refusé de chanter la Marseillaise


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easy easy 13 juin 2011 19:06

Félicitations Alex.



Reste que vous n’avez exprimé que votre point de vue de XXI iste.

Vous n’avez pas consacré une minute à comprendre pourquoi les plus anciens y étaient attachés.

Si au sein d’une même nation, chaque génération ne sait pas faire l’effort pour comprendre les autres, on imagine mal comment les gens peuvent se comprendre entre pays ou culture différente.

De mes béquilles, je comprends totalement votre point de vue mais vous, vous devriez comprendre celui de ceux qui ont eu besoin de ce facteur de coagulation pour réduire le claquement de leurs dents.

En gros, le pire des crimes c’est de tuer et de tuer un être humain. Or, pour diverses raisons, pas forcément noblissimes, des parents, des grands-parents de certains d’entre nous ont tué, dans le cadre de guerres. Si les descendants de ces tueurs ne disposaient pas d’un alibi parfait, ils se sentiraient les descendants de criminels, ce qui, reconnaissez-le, n’est pas très porteur de moral.

Il faut que les tueurs des guerres et en tous cas leurs descendants ressentent une sanctification de ces meurtres. Et le vocabulaire qu’on emploie alors pour parler de ce fait d’avoir donné la mort à un ennemi, lui aussi forcé de combattre, est important et délicat. Il va de soi que le terme de meurtre est récusé d’office et n’est réservé qu’à l’ennemi. L’ennemi est meurtrier et soi, on n’est que nettoyeur, sécuriseur...

Les conséquences psychologiques d’un engagement dans l’armée sont considérables. Le principe fondamental de l’armée inverse tout un paquet de valeurs civiles et cela sous le couvert du patriotisme, même quand on est attaquant (ce qui n’avait pas été notre cas en 45 mais qui a été constamment notre cas depuis et à l’étranger).

On peut commettre tous les crimes en tant que soldat (surtout par suite d’escalade haineuse de part et d’autre) . Bien entendu, il existe des conventions obligeant les soldats à quelques scrupules. Qui sont régulièrement transgressés et parfois massivement.


La Marseillaise est un chant de guerre, un chant qui permet aux troupes de se donner du courage par sentiment de coagulation, une motivation pour tuer quelqu’un qu’on n’a jamais vu et aussi une sanctification de notre geste meurtrier qui passe d’horrible à sublime par la magie des mots et du chant repris par tous.

Alors il suffit qu’un seul individu boude ce chant pour que ce soit une catastrophe psychologique pour les autres, d’où leur colère.
Ce chant couvre les soldats, il les convainc que l’unanimité les soutient dans leur geste terrible, que personne ne les accusera d’être des criminels, même s’ils torturent et violent.
Ce chant, le fait que 100% des gens l’entonnent, les convainc que 100% des gens considèrent l’ennemi comme une vermine à écraser sans aucune considération humaniste (tu peux chercher tant que tu veux de l’humanisme dans cette chanson, il n’y en a pas. Pas de pitié, aucune pitié)

Alors s’il y en a un dans la bande qui boude ce chant, les autres sont mal, très mal. Et très furibards parce que déjà, ils sont passés de l’autre côté. Parce que déjà ils ont tué, d’une manière ou d’une autre, directement ou par procuration.

Or, la situation de guerre, surtout celle de 45, obligeait les Français à réagir par le feu et la mitraille à l’avance très agressive des Nazis. A posteriori et nonobstant le volet de l’extermination d’une partie d’entre nous, volet qui nous a beaucoup divisés, les Nazis supportaient que les Français restassent en vie et bossassent à peu près normalement. Il était concevable qu’une fois tous les combats terminés et Hitler vainqueur, chaque Français pût vivre quasiment comme avant. Il était donc concevable de pactiser avec les Nazis, d’où cette énorme Collaboration qu’il faut également comprendre.
Mais il était également concevable qu’à terme, les Nazis exterminassent tout ce qui n’était pas aryen donc tout les Français. Ou qu’ils nous interdisent de toute consultation démocratique. Qu’ils décident toujours de tout. Il y avait donc de bonnes raisons de s’opposer à eux en les tuant.
Et dans ce cas, si la décision de se battre est prise, il faut forcément communier tous ensemble, sans exception, avec le diable. Quand on prend la décision de répondre au meurtre par le meurtre, personne ne doit bouder la Marseillaise.

C’est en temps de paix que tout ça paraît fou.

Il serait donc logique comme vous le semblez dire, qu’il y ait un chant terrible et diabolique dans nos tiroirs pour tous les cas de guerre de type 45 mais qu’en dehors de ces moments à cul par dessus tête, nous entonnions un chant beaucoup plus pacifiste et ne diabolisant personne.

Toutefois, entonner un chant pacifiste en période de paix tout en présentant glorieusement des armes par centaines de tonnes sur les Champs Elysées, ne serait pas cohérent.

Renoncer à la Marseillaise par temps de paix serait reconnaître que les situations de guerre font de nous des diables et que ce n’est évidemment pas bien. En temps de paix, nous devrions donc laisser également nos armes dans les casernes.




Mais au fait, Alex, sommes-nous en temps de paix ou de guerre ?


N’est-il pas cohérent de continuer de chanter cet air de guerre depuis 1945 alors que nous sommes, chaque année, actifs sur plus de 30 théâtres d’opérations militaires ?
Depuis 70 ans, pas un jour ne passe sans que nos soldats ne tuent quelqu’un quelque part dans le Monde. Pas un jour ne passe sans que nos soldats et chefs militaires aient besoin de notre sanctification de leur geste terrible. Alors pourquoi chanter amazing grace plutôt que notre chant de guerre.

Nous sommes une nation capable de faire des choses terribles, autant le dire et le chanter. Autant prévenir tout le monde.


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