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Les gagnants et les perdants de l’accord saoudo-iranien

Le récent accord entre l’Arabie saoudite et l’Iran a provoqué une onde de choc dans les médias et chez les responsables gouvernementaux. L’implication de la Chine en tant que médiateur a jeté de l’huile sur le feu. Il est donc impératif de lire entre les lignes pour comprendre les implications de l’accord et ses retombées stratégiques pour toutes les parties concernées.

Si certains observateurs considèrent l’accord comme un signe que l’Arabie saoudite privilégie la stabilité et la paix avec l’Iran plutôt que son alignement sur un contre-camp mené par les États-Unis et Israël, qui considèrent l’Iran comme une menace stratégique, d’autres ont adopté une perspective plus large. Ils ont dressé un inventaire qui évalue l’impact de l’accord sur les parties régionales et internationales, en les classant comme gagnantes ou perdantes.

Si le récent accord entre l’Arabie saoudite et l’Iran sur la reprise des relations bilatérales peut sembler prometteur, il est important d’attendre les résultats de leurs efforts pour régler les questions régionales en suspens entre les deux puissances. Il convient de noter que si le médiateur chinois et le calendrier de l’accord peuvent surprendre, les deux pays échangent des déclarations de volonté d’apaisement et de dialogue depuis près de deux ans, suite à l’annonce par des responsables irakiens de leur médiation entre les parties.

L’accord comporte des calculs de pertes et profits potentiels pour plusieurs parties régionales. Toutefois, il n’est pas tout à fait exact de considérer les Émirats arabes unis comme perdants dans cet accord. Les Émirats arabes unis ont toujours appelé au dialogue et à la stabilité dans la région, ont repris leurs relations officielles avec l’Iran et ne soutiennent pas les guerres dans le Golfe, que ce soit entre les pays de la région ou entre l’Iran et Israël.

Il est largement reconnu que les objectifs de développement ambitieux des Émirats arabes unis, à l’instar de l’Arabie saoudite et d’autres pays du CCG, dépendent d’un climat de stabilité et de sécurité. Ainsi, tout conflit militaire imminent pourrait avoir un impact négatif sur l’économie des Émirats arabes unis et représenter un défi important pour la sécurité et des tensions inutiles.

Par ailleurs, certains observateurs ont classé Israël comme un perdant potentiel de l’accord, ayant perdu un allié régional potentiel face à ce qu’il considère comme une menace stratégique existentielle. Toutefois, il est important de noter que l’accord irano-saoudien ne signifie pas la disparition de la menace nucléaire iranienne pour tous les pays de la région, y compris Israël. Il est essentiel de faire la différence entre l’apaisement des tensions et la transformation de l’Iran en un pays «  ami  » de l’Arabie saoudite, car les événements et l’histoire accumulée entre les deux pays au cours des sept dernières années ne disparaîtront pas du jour au lendemain d’un trait de plume ou d’un accord dont l’encre n’a pas encore séché.

Malgré le récent accord entre l’Arabie saoudite et l’Iran, le doute peut encore subsister dans l’espace des relations pour une période qui pourrait varier en fonction de l’évolution des relations entre les deux parties. En outre, les relations formelles entre Israël et l’Arabie saoudite n’ont pas encore été établies et la position du royaume à l’égard de la normalisation des relations avec Israël reste, du moins officiellement, en phase de test.

En tant que tel, l’accord avec l’Iran n’est pas considéré comme un adversaire d’une quelconque tendance à cet égard, pas plus qu’il n’entrave les efforts saoudiens visant à établir des relations officielles avec Israël si Riyad décide de le faire. En fait, l’accord pourrait fournir un environnement plus favorable à une telle démarche, avec des canaux de communication directs pour rassurer Téhéran.

Le bruit court donc que l’Arabie saoudite souhaite que les États-Unis franchissent certaines étapes avant d’accepter de jouer les gentils avec Israël, notamment en donnant le feu vert à l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. Mais je ne pense pas que cela aille à l’encontre du récent accord, et cela pourrait même donner une meilleure image de Riyad et faire pression sur Washington pour qu’il reconsidère sa position.

Quoi qu’il en soit, l’Arabie saoudite a exprimé sa réticence à rejoindre toute alliance militaire contre l’Iran, que ce soit en partenariat avec Israël ou d’autres pays. Cette décision est attribuée au fait que le Royaume se concentre sur la réalisation de ses objectifs de développement et évite les conflits qui pourraient entraver ses progrès ou drainer ses ressources. Avec les récentes visites de responsables américains en Israël, en Irak et dans d’autres pays arabes, on peut également supposer que Riyad cherche à se distancer d’éventuelles escalades militaires contre l’Iran.

En outre, un récent accord entre l’Iran et l’Agence internationale de l’énergie atomique pourrait limiter toute tentative d’Israël de lancer une frappe militaire sur les installations nucléaires iraniennes. L’environnement régional et international actuel n’est pas favorable à une telle initiative, d’autant plus que la Chine a joué un rôle de médiateur dans la résolution de la crise entre les pôles du Golfe. L’Iran devrait lui aussi bénéficier grandement de l’accord, étant donné qu’il a besoin d’amadouer la communauté internationale et de réduire les raisons de toute nouvelle escalade militaire à son encontre.

L’accord offre également à l’Iran l’occasion de réduire les tensions et de limiter les dépenses consacrées aux milices pro-iraniennes et aux armes sectaires, ce qui est devenu une priorité en raison des protestations internes et des difficultés économiques du pays. D’autres acteurs régionaux, tels que l’Irak, le Liban, la Syrie et le Yémen, pourraient également en bénéficier.

En revanche, les États-Unis apparaissent comme un perdant stratégique dans ce scénario. La déclaration trilatérale émanant de Pékin, à un moment où les relations sino-américaines sont tendues, place les États-Unis dans une position désavantageuse, quelle que soit l’ampleur de la perte.

En résumé, l’accord irano-saoudien n’est pas nécessairement le signe d’une nouvelle donne au Moyen-Orient, comme certains pourraient le prétendre. Toutefois, l’équilibre des forces entre les acteurs régionaux et mondiaux est en train de changer, suite à l’ère post-Ukraine.

Ces évolutions reflètent les préparatifs stratégiques en cours pour les interactions des années et décennies à venir, dans un monde où d’autres acteurs pourraient se disputer le leadership de l’ordre mondial.


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1 réactions à cet article    


  • Adèle Coupechoux 26 mars 2023 07:06

    « Les grands perdants de cette histoire sont Israël et les Etats-Unis et ceux qui n’ont pas su anticiper les nouvelles dynamiques : le Maroc et l’Europe. Quant à la France, elle a perdu son influence au Moyen-Orient et se voit de plus en plus contestée sur le Continent africain. La diplomatie française naguère flamboyante est devenue atone ou pire… Pendant qu’à l’ombre de la Cité interdite, iraniens et saoudiens jouaient un coup de maître sur l’échiquier mondial, Emmanuel Macron s’amusait en République Démocratique du Congo, laissant ainsi à la postérité les photos d’un président français festoyant dans les bas-fonds de la capitale d’un pays en guerre…  »

    https://mondafrique.com/un-incroyable-retournement-diplomatique-entre-liran-et-larabie-saoudite/

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