Et si un appel du président Poutine, par le téléphone rouge, à son homologue Biden, mettait fin à la guerre et sauvait des vies humaines
La guerre en Ukraine, partie d’une histoire de divorce de peuples issus d’un même peuple slave, d’un même territoire mais frappés par les vicissitudes de l’histoire, est devenue aujourd’hui un point de mire hautement stratégique pour l’avenir de l’Occident. Doit-on s’étonner de ces événements qui se jouent en Europe orientale ? Regardons la mappemonde. Partout des conflits là où les enjeux géostratégiques divisent les puissances. D’abord, la donne pétrolière. Toutes les grandes puissances convoitent les grands gisements de pétrole du monde. En plus de la crise économique en Occident qui est loin d’être finie, la donne islamo-pétrolière que caractérisent les conflits en Syrie, en Libye, en Egypte, au Nigeria, au Venezuela, en Mer de Chine, est relayée voire supplantée conjoncturellement par les événements en Ukraine, mais en pire à ce qui a prévalu en Ossétie en 2012, parce qu’une guerre se joue en Ukraine, où il y a des destructions massives, des pertes humaines considérables et plusieurs millions de personnes ont quitté leur patrie pour l’Europe, les États-Unis et pour d’autres pays occidentaux.
Et si tous ces événements qui se jouent aujourd’hui dans le monde, en particulier en Ukraine, vont battre les cartes du monde comme au lendemain de la Second Guerre Mondiale ? Cette situation en Ukraine nous amène à se poser la question. « Pourquoi l’Europe, et toujours l’Europe, s’immisce dans les affaires du monde ? » Surtout que cette immixtion dans les affaires du monde ne s’opère pas sans le consentement tacite des États-Unis.
- Des « enjeux géostratégiques vitaux » pour l’Occident, auxquels la Russie y est associée, à son insu
Après avoir intégré les treize pays d’Europe centrale et orientale, l’Union européenne peut-elle se prévaloir d’avoir des visées sur l’Ukraine et probablement demain sur la Biélorussie ? Et probablement même sur la Russie, à condition qu’elle soit soumise à l’Occident. N’a-t-on pas donné à la Russie un ticket d’entrée au groupe des pays les plus riches de la planète, le G7 qui est devenu G8, en 1998 ? Il est clair que un territoire de 17 millions de km2 ne laisse pas indifférent l’Occident, de plus c’est une puissance militaire nucléaire à parité avec la première puissance du monde, les États-Unis.
Précisément la Russie intéresse beaucoup l’Occident, et l’idée lancée par le général de Gaulle, dans son discours à Strasbourg, en 1959, « l'Europe, de l'Atlantique à l'Oural », fait son chemin. L’idée à l’époque était de briser le duopole de la Guerre froide entre Washington et Moscou. Aujourd’hui, depuis la montée en puissance des grands pays émergents en Asie, en particulier la Chine, véritable empire industriel à l’échelle de la planète, le monde est en train de se reconfigurer, et la domination de l’Occident est de plus en plus remise en question.
Cependant, si on regarde l’histoire, dès que l’Union soviétique avait cessé d’exister, l’Europe a mis les bouchées doubles pour intégrer la plus grande partie de l’Europe centrale et orientale ; cette construction historique de l’Europe a pris des dimensions continentales depuis précisément la fin de l’URSS. Les États-Unis, sans adversaire de taille, restant l’unique puissance économique, financière et monétaire, ont cherché à organiser le monde selon un seul pôle, où ils seront la seule puissance prédominante dans le monde.
On comprend dès lors pourquoi l’Europe avait intégré la plus grande partie des Pays de l’Europe Centrale et Orientale, alors qu’elle aurait pu s’arrêter là, l’intégration des PECO rendant encore plus complexe l’Union politique, économique et monétaire de l’Europe. Or, au lieu de s’arrêter aux frontières des PECO, elle n’en continue pas moins d’œuvrer pour détacher l’Ukraine de la Russie.
Une démarche géostratégique de l’Europe atlantiste difficile qui cherche à rompre l’équilibre du monde hérité de la Deuxième Guerre mondiale. Une Union européenne à 27 nations, en s’élargissant à l’est, cherchent, sous la férule des États-Unis, à faire pencher la balance géostratégique de son côté ? Quel intérêt pour l’Union européenne d’avoir un pied dans l’Eurasie ? Donc dépassant les frontières naturelles de l’Europe ; celui d’être un « poste avancé du bloc atlantiste » ? Pour cela, avoir une position de force en Eurasie passe par une Russie soumise à leurs plans. Ce qui n’est pas possible ou du moins ce n’est pas la bonne démarche face à une Russie rétive aux aspirations expansionnistes européennes.
Et pour cause ! La Russie est l’héritière de la deuxième puissance du monde, l’Union soviétique, et l’Occident s’est gardé de s’en souvenir ; pour l’Occident, l’Union soviétique est une relique du passé, elle est morte et enterrée et c’est là l’erreur de l’Occident.
La Russie a des atouts considérables. Elle est la première puissance territoriale du monde, la première puissance nucléaire ex aequo avec les États-Unis, le premier producteur et premier exportateur mondial de gaz naturel. Elle est également le troisième producteur (derrière l'Arabie Saoudite et les États-Unis) et le deuxième exportateur mondial de pétrole. Des qualités hors-normes qui ne laissent indifférent ni l’Occident, ni la Chine ni l’Inde ni les pays du reste du monde. Une grande puissance en tous points même si elle a subi l’éclatement de l’ex-URSS.
Aujourd’hui, les futures grandes puissances économiques du monde sont déjà la Chine qui est déjà première puissance du monde en parité de pouvoir d’achat (PPA) et l’Inde qui est quatrième mais appelée à devancer les États-Unis et l’Europe ; compte tenu de leur poids économique et démographique qui va en progressant, elles vont certainement rompre l’équilibre géostratégique et géoéconomique du monde.
Aussi, peut-on dire que la guerre en Ukraine se déroule avec en toile de fond une possible reconfiguration de l’équilibre géostratégique du monde à venir, et des risques potentiels, des risques réels qui ne seront pas du tout favorables à l’Occident. Aussi la seule solution, c’est la Russie si elle venait à intégrer l’Union européenne, elle serait un atout de poids « extraordinaire » pour l’Occident sauf qu’elle devrait être soumise au leadership occidental sur le monde. Ce qui n’est pas possible du moins tant que l’Occident n’ait pas fait sa mutation. Et pour que cela réussisse, il faut une double mutation, à la fois pour la Russie et pour l’Occident, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Ce qui explique la guerre en cours en Ukraine.
Ce que nous ne devons pas oublier, c’est que l’Europe comme les États-Unis ont un destin commun, surtout aujourd’hui, avec cette nouvelle page de l’histoire qui a commencé en décembre 1991. La disparition de l’URSS a fait place à l’envol de la Chine, devenue deuxième puissance économique du monde en Pib nominal, et première puissance économique mondiale en PPA (parité de pouvoir d’achat), ce qui a fortement régressé l’Occident.
Les enjeux et les crises sont devenus multiples dans le monde. Depuis la crise financière de 2008, le rapport de forces entre l’Occident et l’Asie s’est complètement transformé. Le monde unipolaire a vécu, le monde est réellement multipolaire, ce qui explique l’affaissement de la première puissance mondiale sur nombre de plans stratégiques aujourd’hui dans le monde ; les États-Unis sont réellement impuissants face aux crises et guerres dans le monde, à voir le retrait de ses forces en catastrophe de Kaboul, à l’été 2021.
L’Occident, en déclin depuis les échecs enregistrés en Irak, en Afghanistan et même dans les événements en Syrie, a perdu et continue de perdre de crédibilité pour l’ensemble des pays du monde. Au bénéfice de qui ? De la Russie et la « Nouvelle Chine » ? La question reste posée. Cependant, combien même la crise de 2008 a montré les failles du système économique et financier occidental, l’Occident reste toujours au-devant de la scène internationale. Le problème est « Jusqu’à quand ? ».
Il faut se rappeler que la défunte Union soviétique s’est effondrée par elle-même sans guerre avec une autre puissance par la seule situation de banqueroute économique et financière qu’elle a vécue et ce, malgré la Glasnost (Transparence) et la Perestroïka (Restructuration) que son initiateur Gorbatchev a opérées à partir du milieu des années 1980. Ceci éclaire que les nouveaux phénomènes qui sont apparus, la mondialisation et la globalisation, font qu’aucun pays n’est à l’abri, a fortiori l’Occident d’où ils sont partis.
La guerre menée par la Géorgie, le 7 août 2008, appuyée politiquement par l’Occident, pour récupérer l’Ossétie du Sud, a provoqué une riposte armée de la Russie. Elle s’est terminée finalement par une débâcle pour la Géorgie, un revers à l’Occident, et la reconnaissance de l’indépendance de l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud par la Russie, le 26 août 2008.
Là aussi, malgré son affaiblissement (depuis la fin de l’URSS), la Russie n’en continue pas moins de mettre en échec l’Occident. En mars 2014, la Russie dame de nouveau le pion à l’Occident. Par un référendum pour la réunification de la République de Crimée et de la ville de Sébastopol avec la Russie, et en ratifiant le traité d’admission de la Crimée, elle s’agrandit d’un des territoires les plus stratégiques du monde, sans tirer un seul coup de fusil. Il est évident que l’Occident ne peut que s’incliner devant la Russie, qui est la deuxième puissance nucléaire du monde. Cependant, ses succès ne libèrent pas la Russie de la pression occidentale, car il s’agit d’« enjeux géostratégiques vitaux auxquels la Russie, elle-même, y est, à son insu, associée ».
- L’Occident répète les mêmes erreurs, mais peut-il les éviter si ce sont elles avant d’être des erreurs qui font miroiter la puissance mais font avancer le monde ?
Est-ce seulement parce que l’Ukraine est la plaque tournante du transport de gaz Russe avec ses milliers de kilomètres de pipe-lines qui explique cet intérêt de l’Occident pour conclure un accord de libre-échange avec ce pays ? Ou obéit-il à d’autres données géostratégiques majeures qui sont en toile de fond, où c’est la Russie qui est visée pour les objectifs cités supra ? Il faut rappeler que l'Ukraine est un des pays les plus peuplés d’Europe (45 millions d'habitants), deuxième en Europe par sa superficie, et surtout elle a une grande frontière avec la Russie. Elle est frontalière avec la Pologne, la Hongrie, la Roumanie, la Slovaquie, toutes quatre membres de l’Union européenne et de l’OTAN. La Moldavie aspire à entrer dans l’Union européenne et l’OTAN. Seule Biélorussie reste alliée à la Russie. La longueur totale de la frontière ukrainienne est de 6 992,98 km ; c’est dire l’importance de l’Ukraine dans les plans occidentaux.
Depuis sa sortie de l’ex-URSS, ce pays qui a connu des gouvernements successifs reste miné par la corruption ; ce qui explique la facilité de l’entrisme occidental dans les affaires intérieures et extérieures de l’Ukraine. Donc dominé par les puissances extérieures au double plan politique et économique, partagé entre le désir d’intégrer le bloc de l’Ouest et de rester dans le giron de l’Est, du fait de la présence de communautés d’origine ethnique russe, ce pays n’a pu trouver une issue politique viable. La forte division de sa population ukrainienne partagée entre russophiles et russophobes et autres ethnies compliquant le choix politique du pays, s’est soldée à la fin en un conflit sanglant.
En 2013, face à la crise économique et les offres de l’Union européenne pour un accord de libre-échange accompagnée d’une aide financière qui a suscité une contre-proposition plus avantageuse de la Russie (réduction d’un tiers ses tarifs de gaz et une aide financière sous forme de prêt sans conditions de 15 milliards de dollars), a entraîné un bras de fer politique qui s’est porté sur la voie publique dès novembre de cette année. Le mouvement de contestation à la place Maïdan suivi de la formidable manipulation médiatique occidentale ont provoqué les événements que l’on connaît aujourd’hui.
Et c’est dans ce rapport de forces et les ingérences en Ukraine ont fait qu’aussi bien l’Occident qui s’est appuyé sur des « partis néo-nazis ukrainiens », n’avait de choix, que la Russie qui s’est appuyée sur les russophones, n’avait de choix, que la situation a dégénéré en Ukraine. Les divisions dans ce pays le doivent avant tout à la faible cohésion nationale dont les puissances ont tiré profit. Comme d’ailleurs, les États-Unis, l’Europe et la Russie se trouvent aussi divisés, par l’enjeu géostratégique que l’Ukraine représente en Europe orientale, et par l’approche qu’ils sont tous concernés par les mêmes contraintes issues de la nouvelle configuration géostratégique et géoéconomique en cours dans le monde.
Aussi faut-il souligner que si la Russie a réagi et a pris de court l’Occident, c’est que les événements qui ont eu lieu en Ukraine se sont déroulés à ses frontières et risquaient de mettre en danger sa position stratégique en Mer noire, une lucarne pour sa puissance politique, économique et militaire sur la Mer Méditerranée. Mais l’Occident peut-il énoncer ce pourquoi il vise l’Ukraine ? Et c’est là le problème, l’Occident n’exprime pas assez sa stratégie planétaire à laquelle la Russie n’y voit qu’une expansion du « système occidental » sans réelle contrepartie si ce n’est la suspicion qu’elle génère.
On comprend pourquoi, à l’époque, John Mac Cain, décédé en 2018, ancien candidat républicain à la Maison Blanche, est venu haranguer les foules à la place Maïdan, en Ukraine, ou Bernard Henry Levy (BHL) a visé à diviser le peuple ukrainien au nom de la démocratie occidentale, sans pour autant exprimer les vrais buts visés par l’Occident. Alors que si on se réfère aux véritables intentions russes, la Russie de Vladimir Poutine ne souhaitait rien d’autre que de se rapprocher de l’Europe de l’Ouest avec qui elle a bien plus d’affinités qu’avec les autres peuples du monde. Or, l’Occident a répété les mêmes erreurs, a surtout manqué de doigté avec l’idée gaullienne « l'Europe, de l'Atlantique à l'Oural ». Mais l’Occident peut-il les éviter surtout si ce sont elles qui, avant d’être des erreurs, font miroiter la puissance mais font avancer le monde ? Le jeu en vaut-il la chandelle ? Pour l’Occident, il en va parce qu’il concerne son avenir tout entier, c’est son destin de leadership d monde qui est en jeu.
- Des enjeux complexes qui peuvent déborder les stratégies, avec un risque de confrontation entre l’Occident et la Russie qui n’est pas vraiment pris en compte
« Le monde est en perpétuel devenir ». En effet, l’éclatement de l’URSS n’est pas venu ex nihilo mais tiré par des causes précises. Pour simplifier, si c’est en Russie que le peuple avait envoyé une image d’un pays réellement démocratique, « où il faisait bon de vivre », où les hommes avaient des droits bien plus grands que ceux que les Européens ont en Europe, il est à parier que le peuple ukrainien dans toutes ses composantes n’aurait jamais eu à se désolidariser du peuple russe.
Plus important encore, les pays d’Europe centrale et orientale n’auraient jamais quitté la Russie, et l’ex-Union soviétique d’Etat n’aurait pas disparu. Ce serait les Européens qui auraient eu à aspirer à la gouvernance soviétique, ce qui a existé d’ailleurs un temps en Occident, durant la « Guerre froide ». Mais cette aspiration n’a été qu’en surface puisque le soviétisme prometteur s’est écarté à ce qu’avait été « pensé » par Marx, par Lénine… puisqu’il est devenu une dictature d’Etat. Mais, ce qu’on peut dire du soviétisme est qu’il était sur un chemin inévitable. Pourquoi ?
Le problème du socialisme soviétique, qu’il fut remplacé par un « socialisme dictatorial » et au-delà d’une classe nomenklatura, n’était pas qu’il devait quitter la scène de l’histoire, il avait avant tout pour lui l’histoire. Tout d’abord, le régime socialiste a joué un rôle salvateur pour les peuples du temps de l’Union soviétique, toutes les classes sociales ont bénéficié du régime socialiste ; l’Union soviétique s’est élevée au rang de deuxième puissance nucléaire au monde. Le monde s’est bipolarisé dès les premières années post-1945.
C’est grâce à son rang de superpuissance qu’est devenue l’URSS que la décolonisation du monde a pu s’opérer, après l’Inde et le Pakistan, en 1947, suivis des communistes chinois qui, entrés triomphalement à Pékin, proclamaient la république populaire de Chine, le 1er octobre 1949. Aussi, peut-on dire que l’ex-URSS a rempli son rôle dans l’histoire. Sans ce contre-pouvoir à l’Occident, sans ce « socialisme dictatorial soviétique », la libération du monde colonisé aurait certainement été retardée.
Et si les pays d’Europe centrale et orientale, à la fin de la Guerre froide, ont rejoint l’Union européenne, il faut dire que c’est en somme un processus tout à fait naturel. Car tout peuple aspire à la démocratie, tout peuple aspire à la liberté d’expression, à une sécurité sociale, et cela ne peut passer que par une « gouvernance démocratique » et une « alternance politique ». Il y a donc une logique interne dans tout mouvement historique.
Aujourd’hui encore, la situation géopolitique et géoéconomique mondiale est en pleine évolution. L’avènement de grandes puissances économiques telles l’Inde et la Chine ont changé fondamentalement la distribution des cartes du monde. La Russie intégrée dans le BRICS avec l’Inde, la Chine, le Brésil et l’Afrique du Sud ont une portée majeure, par leur puissance économique et démographique, sur les événements à venir.
Le problème n’est plus dans la démocratie même si celle-ci joue un rôle majeur dans la gouvernance mondiale. Il porte surtout sur l’emploi et la distribution des richesses dans le monde. Ce qui a un impact sur le commerce mondial et la stabilité de l’économie mondiale. Ce qui va toucher les économies nationales, c’est le risque de concurrence acharnée à la fois sur la compétitivité et la captation des marchés mondiaux. L’Asie dans sa globalité a des atouts qui sont prépondérants par rapport aux autres aires géopolitiques.
Nous nous dirigeons donc subrepticement vers un nouvel ordre mondial. Et l’Occident entend prendre les devants. Il sait que sa puissance économique, surtout financière et monétaire atteindra des limites dans un proche avenir, à l’échéance probable de deux décennies, à l’horizon 2040. Mais les effets négatifs vont apparaître bien avant. Ce qui, avec l’insertion de l’Asie, surtout la Chine, son pôle central, dans la puissance financière et monétaire dans le monde, changera toute la configuration de l’ordre de puissance mondial.
L’Occident probablement perdra sa suprématie à la fois économique, financière et monétaire. Or, ce devant auquel il se prépare se pose déjà, dans un premier temps, dans l’« élargissement de l’Union européenne aux pays qui n’ont pas fait encore leur entrée comme l’Ukraine, la Moldavie, la Géorgie, le Monténégro, l’Albanie… », pour aboutir, dans un deuxième temps, à un « marché commun économique, financier et monétaire transatlantique ».
Mais un « marché économique transatlantique » dont les projections géostratégiques et géoéconomiques présupposent l’intégration de l’ensemble du monde européen, et par cet ensemble, la Russie ne peut être que comprise par ses plus de 17 millions de km2 constituant la plus grande superficie territoriale du monde. Aussi pourrait-on s’interroger : « Que serait l’économie russe si les cours du prix du pétrole venaient à chuter » ? Que rapporterait la commercialisation du pétrole à la Russie ? Une commercialisation qui occupe une place centrale dans sa balance commerciale ? Ne fragiliserait-elle pas l’équilibre de la balance des paiements de la Russie ? Impactant par voie de conséquence la stabilité politique, économique et sociale de la Russie ? Et aussi le cours de la guerre en Ukraine.
C’est à toutes ces questions que tant la Russie qui se prépare à la « reconfiguration économique de demain » qui pourrait être extrêmement préoccupante tant pour l’Occident qui s’efforce d’en atténuer le choc en aidant l’Ukraine en guerre avec la Russie. Les conséquences géostratégiques seront extrêmement graves pour celui qui perdrait cette guerre. On comprend tout l’intérêt de l’Occident pour l’Ukraine et les enjeux qui se jouent dans cette guerre Russie-Ukraine. Sauf que ces enjeux sont complexes et peuvent déborder les stratégies, surtout qu’il y a un risque de confrontation entre l’Occident et la Russie qui n’est pas vraiment pris en compte.
Le dernier sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) qui s’est ouvert le 15 et se poursuit aujourd’hui a déjà annoncé le début des procédures d'adhésion du Biélorussie à l'organisation. L'Iran a également signé un mémorandum d'adhésion à l'OCS. Bahreïn, les Maldives, le Koweït, les Émirats arabes unis, l'Égypte, le Qatar et le Myanmar demandent le statut de partenaire de dialogue. Ce qui leur a été accordé. L’OCS groupe aujourd’hui huit États (Russie, Chine, Inde, Pakistan, Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan) ; une population de près de 3,5 milliards d’habitants, soit près de la moitié de la population mondiale. Et on peut même supposer que l’OCS va progressivement l’OCS va s’élargir, poussant un grand nombre de pays à y adhérer. Ce qui montre que le monde évolue, et que beaucoup de pays dans le monde vont chercher la sécurité auprès de l’OCS.
Précisément cette guerre en Ukraine ne coïncide avec une évolution plus pacifique, plus diplomatique, et surtout plus réfléchie. Et cela est dû à l’unilatéralisme américain poussant l’Europe dans cette voie qui est sans issue. Que ce soit le président russe Vladimir Poutine ou le président chinois Xi Jinping, « ils n’acceptent pas ni ne peuvent accepter le monde unipolaire », comme tant de fois les États-Unis étaient enclins à le clamer d’une manière directe ou indirecte.
- Le « téléphone rouge », la dernière carte qui reste au président Poutine et qui consiste à appeler son homologue américain Biden pour mettre fin à la guerre
Aujourd’hui, le président Poutine a déclaré à Samarkande que « L'opération offensive russe dans le Donbass se poursuit malgré les tentatives de contre-offensive ukrainiennes » et que « La Fédération de Russie réagit avec retenue aux tentatives de l'Ukraine d'endommager les infrastructures russes, mais si cela continue, la réponse sera plus sérieuse. L'objectif principal de l'opération spéciale est la libération du Donbass » (1)
Qu’entend par « la réponse sera plus sérieuse » de Vladimir Poutine ? Il est évident que la situation avec la contre-offensive ukrainienne, si elle se poursuit, les aides des États-Unis et des pays d’Europe en armements pour l’Ukraine ne s’arrêtant pas, rend la situation plus critique pour la Russie. Beaucoup de voix, à Moscou, appellent à une mobilisation générale pour l’ensemble de la Fédération de Russie pour en finir avec la guerre en Ukraine. Une telle situation ne peut s’appliquer à la guerre qui oppose la Russie à l’Ukraine. Pourquoi ?
Pour de multiples raisons. La Russie est une puissance nucléaire. L’Ukraine n’est pas une puissance nucléaire. Et même si les armes nucléaires n’avaient pas existé, la Russie dont la superficie est la première au monde, plus de 17 millions de km2 et une population de 145 millions d’habitants dépasse de loin l’Ukraine dont la superficie est de
Ce qui explique pourquoi la Russie a appelé son intervention une « opération militaire spéciale », ce qui signifie que la Russie n’est pas en guerre contre l’Ukraine mais simplement intervient militairement pour des objectifs propres à l’opération militaire spéciale. Donc il n’y a ni déclaration de guerre ni mobilisation générale. Et ces deux points sont très importants. Certes, il y a une guerre mais surtout c’est l’Ukraine qui est en guerre sur son propre territoire, et les pays occidentaux sont avertis par la Russie qu’ils ne doivent pas franchir une « ligne rouge » qui les met dans une situation de cobelligérance.
Donc intervention militaire russe ou agression russe ne changera pas la donne pour l’Occident. La crainte d'une escalade du conflit voire la perspective d'un conflit mondial incitent la communauté internationale à la prudence. D’autant plus que le président russe, dès le début du conflit, a mis en alerte la « force de dissuasion nucléaire ».
Or, que se passe-t-il aujourd’hui ? L’armée ukrainienne est fortement soutenue en armements ; de plus les difficultés financières sont aplanies par des crédits que lui octroient les gouvernements américains, européens et les institutions financières internationales (FMI, BM). Le crédo pour l’Ukraine est qu’elle fait la guerre pour l’Occident, et l’Occident doit l’aider ; l’Ukraine vise la victoire et cherche à rejeter les forces russes hors des régions occupées y compris la Crimée annexée. Cependant il y a un deal entre l’Occident et l’Ukraine sur l’emploi des armements, elle ne doit pas les utiliser contre le territoire russe, pour éviter aux États-Unis et à l’Europe le statut de cobelligérance.
Mais reste un problème majeur qui va se poser pour la Russie, c’est la contre-offensive ukrainienne qui va se poursuivre et remporter au fur et à mesure des points sur l’armée russe. Par exemple la libération de la ville d’Izium, ville de 50 000 habitants, près de la frontière russe. Si des succès se poursuivent, et de petites localités sont libérées, et surtout si la guerre s’enlise, la situation va entièrement changer pour la Russie.
En effet, des villes à l’Est et au Sud de l’Ukraine, dans le Donbass et la périphérie au sud comme Kherson, qui sont occupées par les forces russes, seront de plus en plus touchées par les frappes ukrainiennes, vont poser problème, et précisément des voix en Russie vont appeler à la mobilisation générale. La Russie va se trouver à un tournant ; elle ne peut laisser poindre un doute sur sa puissance militaire, la vulnérabilité militaire lui est interdite. L’Ukraine ravitaillée en armements par l’Occident continuera la guerre pour libérer le Donbass, sans prendre en considération les républiques autoproclamées par les populations russophones du Donbass et de la Crimée qui a opté pour la Russie.
Précisément, l’ordre de mobilisation générale va faire son chemin en Russie, et l’état-major russe comme le président Vladimir Poutine ne peuvent faire la sourde oreille devant les insuccès de l’armée russe dans la maîtrise de la guerre en Ukraine. Que va-t-il se passer alors ? La mobilisation générale sera-t-elle décrétée ? La logique de la guerre, surtout dans la logique d’aujourd’hui, ne peut le permettre. En effet, le gouvernement russe ne peut ordonner une mobilisation générale contre l’Ukraine, qui n’est ni une puissance nucléaire ni une puissance militaire de son rang en tant que deuxième puissance du monde. Son potentiel défensif et offensif n’est en rien comparable avec la puissance militaire de l’Ukraine.
Donc si la mobilisation générale contre l’Ukraine n’est pas possible, en revanche, la mobilisation générale contre l’Occident qui aide l’Ukraine est possible. Donc si le président Vladimir Poutine décrète la mobilisation générale en Russie, cela signifie que la force de dissuasion nucléaire » est prête, et que l’ensemble des forces de la Fédération de Russie seront mobilisées. Sauf qu’il reste une dernière carte au président Poutine à jouer, et c’est elle qui décidera s’il doit décréter ou non la mobilisation générale contre l’Occident.
La dernière carte, c’est le « téléphone rouge », et précisément le téléphone rouge sied à cette situation exceptionnelle qui peut conduire à une « troisième guerre mondiale ». Le président russe va appeler son homologue, Joe Biden ; au bout du fil, le président américain va l’écouter. Le président Vladimir Poutine : « Je suis sur le point de décréter la mobilisation générale en Russie, les forces de dissuasion nucléaires sont en alerte, et la guerre va déborder l’Ukraine ; elles concerneront tous les territoires par où transitent les armements vers l’Ukraine ; et donc la Pologne et la Roumanie qui sont membres de l’OTAN seront visés. Allez-vous, Mr Biden, les défendre, ces pays seront attaqués et toutes les installations frontalières seront détruites ; l’objectif de la Russie et de mettre fin à la cobelligérance et les États-Unis sont en premier dans ce dispositif d’aide pour l’Ukraine.
Nous ne recherchons pas la guerre avec les pays d’OTAN, et l’Ukraine ne fait pas partie de l’OTAN. Mais les pays d’OTAN non seulement nous imposent des sanctions internationales mais aident massivement un pays qui veut nous détruire et par la même occasion l’Occident le veut aussi.
Voilà Mr Biden, je vous appelle avant que je décrète la mobilisation générale, et vous savez ce qui va en ressortir. J’attends votre réponse le plus vite possible. Si je n’obtiens pas la réponse dans quelques jours au plus tard de deux ou trois jours, j’estime qu’il n’y a rien à ajouter. J’espère que nous ne viendrons pas à une confrontation nucléaire pour un petit pays qu’est l’Ukraine. D’autre part nous n’avons rien contre l’Ukraine, mais nous avons une partie du peuple russe qui vit à l’Est et au Sud de l’Ukraine que l’on doit défendre coûte que coûte. Merci, Mr le président Biden, pour votre attention ». Le président russe raccroche le « téléphone rouge ».
Que va faire Joe Biden durant ces deux ou trois jours ? Réunion sur réunion avec tous les membres de son gouvernement, des coups de fils avec ses alliés européens, avec l’état-major de l’armée américaine. Bref un branle-bas de combat qui rappelle la crise des missiles de Cuba, en octobre 1962 ; le monde a évité une guerre nucléaire de justesse entre les États-Unis et l’Union soviétique. Si un missile soviétique a été lancé par erreur sur une ville américaine avec des centaines de milliers de morts dans l’heure même du start du missile, des villes entières russes seraient touchées en représailles ; de même s’ensuivrait une riposte russe sur les villes américaines. A la fin, ce sera des millions d’êtres humains qui mourront, de part et d’autre, en moins de 24 heures. Pourquoi ? A cause de la non-perspicacité des décideurs du monde
La seule issue pour éviter que des millions d’êtres humains périssent en moins de 24 heures, il faudrait prier Dieu pour que cela n’arrive pas. Que sera la réponse du président américain ? Un accord sur tous les plans avec le président Vladimir Poutine. La guerre en Ukraine va certainement s’arrêter et trouver des compromis entre la Russie et les États-Unis. La Russie probablement ne trouvera rien à redire si l’Ukraine intègre l’Union européenne, et même ne s’opposera pas qu’elle rejoigne l’OTAN. Cette guerre aura montré à l’OTAN les « limites rouges » qu’il ne doit pas dépasser. Qu’un pays d’Europe intègre l’OTAN, mais que l’OTAN prenne conscience d’un respect mutuel avec la Russie. Et certainement les sanctions internationales contre la Russie s’effaceront d’elles-mêmes, n’ayant plus de sens.
Que peut-on dire de l’appel par le « téléphone rouge » du président Poutine à son homologue américain Biden ? Qu’il sera certainement inspiré par Dieu s’il le faisait. Ce « coup de fil », un simple « coup de fil », un « petit coup de fil de quelques minutes » qui sauverait des milliers de vies humaines de la mort ou d’être handicapé à vie, il sauverait les forces armées ukrainiennes et russes des risques d’être tuées encore, il mettrait fin aux souffrances du peuple ukrainien et aux souffrances des peuples du Donbass, de Kherson et de Crimée. En fait, et c’est cela l’incroyable, ce coup de fil serait un don du ciel pour Poutine et Biden, car ce sont seulement eux qui mettront fin à la guerre, eu égard des risques d’une confrontation nucléaire.
Certainement, si des compromis sont trouvés, et la guerre va prendre fin, il faudra attendre que la situation commencera à se réparer entre l’Ukraine et la Russie, et cela entre dans le facteur temps. A voir seulement la guerre entre l’Allemagne nazie et la France. Ne sont-ils pas aujourd’hui les piliers de l’Union européenne, agissant pour le meilleur dans le devenir des peuples d’Europe ? Aussi, lorsque toutes les passions progressivement s’apaiseront, on pourra penser qu’un climat de connivence et de confiance viendra remplacer, entre le peuple ukrainien et le peuple russe, l’agressivité et les émotions douloureuses d’aujourd’hui. Cela certainement demandera du temps, mais cette quiétude reviendra.
On peut dire aussi que les années, à partir de 2023, seront probablement porteuses pour l’Occident de voir clairement où va son intérêt. On pourrait même dire que la guerre qui se joue aujourd’hui en Ukraine n’est en fait qu’une étape de l’histoire nécessaire pour clarifier les grands enjeux qui divisent l’Occident aux nouvelles puissances émergentes. Quant à l’Ukraine, tout compte fait, « cette crise, cette guerre aura le bénéfice d’avoir délié ce qui l’empêchait d’avancer ».
Telle est la problématique de la situation à venir pour l’Ukraine et pour le monde. Aussi, pour conclure, contrairement à ce que l’on peut penser, l’Occident ne va pas isoler la Russie. Bien au contraire, après que la paix soit revenue en Ukraine, et même qu'elle ait perdu la région du Donbass, la Crimée faisant déjà partie de la Russie, l’Occident aura tout autant d’intérêt à se rapprocher de la Russie, à rapprocher ses vues aux vues russes sur l’avenir du monde.
Et cette « reconfiguration du monde de demain » ne s’adresse pas seulement à l’Occident et à la Russie, elle englobe aussi l’Afrique, l’Amérique du Sud, le monde musulman, l’Asie, bref toutes les autres aires du monde. Ce seront d’autres cartes qui seront distribuées au monde, à la lumière de la guerre en Ukraine.
Medjdoub Hamed
Auteur et chercheur spécialisé en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective
(1) Que s'est-il passé après l'entrée des troupes russes en Ukraine. Jour 205
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