La cacographie, c’est rentable
Il est tellement plus facile de sanctionner la non-maitrise de l'orthographe pour rappeler à beaucoup leur nihilité.
Quelques autoproclamés spécialistes de l'orthographe vantent leur savoir en nous questionnant régulièrement : Faut-il écrire bleux ou bleus ? Faut-il dire je m'en vas ou je m'en vais ? C'est facile et ça peut rapporter gros y compris aux médias qui ne connaissent que cette manière de parler de la langue française. Le principe est le même pour les messages, conseils, injonctions que nous subissons au long de nos journées : nous dire ce qu'il faut choisir, ce qu'il faut faire, ce qu'il faut penser, alors que la question ne se posait généralement pas.
C'est aussi de cette manière que l'enseignement de l'orthographe a été vidé de tout son intérêt. Plutôt que d'observer, de chercher de la régularité, de comprendre l'évolution des mots, on assène des pseudo-vérités à coup de règles ineptes et assassines.
Par exemple, on peut observer cette liste :
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pluriel en eus : bleus, émeus, enfeus (enfouir), feus, leus, lieus, neuneus, pneus, richelieus, schleus, et d'éventuels nouveaux mots.
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pluriel en -eux : alleux (francs-alleux), antijeux, aveux, caïeux ou cayeux, camaïeux, cheveux, désaveux, dieux (adieux), emposieux, enjeux, épieux, essieux, feux (boutefeux, contre-feux, coupe-feux couvre-feux, pare-feux), hébreux, jeux (enjeux), lieux (milieux), moyeux, neveux, pieux, tonlieux, vœux.
Des réponses ne sont pas aussi évidentes qu'elles le paraissent :
La citation correcte est « Je m’en vais ou je m’en vas, l’un et l’autre se dit ou se disent ». Ce sont, dit-on, les derniers mots du grammairien Vaugelas. La question de la forme de la première personne du singulier du verbe aller a longtemps été débattue. Dans son Dictionnaire critique de la langue française, Féraud écrit : « Ménage décide nettement qu’il faut dire je vais, et non pas je vas, et moins encore, je va, comme Mr. de Vaugelas soutenait que toute la Cour disait, ce qui n’était pas, ajoute Ménage. Je vas pourrait être souffert ; mais je va est barbare, et il est étoné (sic) que Mr. de Vaugelas ait trouvé des sectateurs, et des sectateurs aussi célèbres que Mrs. de Port-Royal. L’Abbé Girard pense qu’avec la préposition en, je vas vaut mieux que je vais : je m’en vas, je m’en y vas. Bouhours dit je vais ou je vas, et jamais je va. »
Dans l’édition de 1835 de son Dictionnaire, l’Académie précise : « L’expression Je vas ne s’emploie que rarement, et dans le langage familier ». Et Littré ajoute : « Je vais ou je vas (celui-ci est beaucoup moins usité que je vais, qui est seul admis dans la forme interrogative : Où vais-je ?) »
Cela étant, je vas se trouve sous la plume des plus grands auteurs, comme La Fontaine. En savoir plus : Académie française (Courrier des internautes).
Ce sujet est tellement sensible que les quelques dizaines de mots, chaque année, ayant franchi tous les obstacles après avoir été proposés par la Commission d'enrichissement de la langue française, généralement pour transcrire des mots anglais, ne sont publiés qu'avec l'aval de la première ministre. Il y a (avait ?) pourtant.une déléguée ou un délégué à la langue française dans chaque ministère.
Tout cela reflète au fond une vision assez primitive de la langue : une langue, ce sont les mots qui sont contenus dans un dictionnaire. Le GDT nous bassine d’une fiche à l’autre avec sa « norme sociolinguistique du français au Québec » mais il est incapable de voir qu’une langue, ça se parle avant d’être dans un dictionnaire. Un emprunt, ça arrive le plus souvent par la langue parlée. Il est invraisemblable de passer sous silence les questions de phonétique.
Linguistiquement correct
Tous les prétextes sont utilisés pour justifier des décisions démocracides. Les coviférés sont maintenant fichés donc déresponsabilisés (les camps de mise en quarantaine sont-ils prévus ?) En ce qui concerne la liberté d'expression, les éléments de langage sont repris par les serviles journaleux commentant l'actualité. L'usage de certains mots est d'abord décrié puis ils sont condamnés, tout est interprété au sens propre dès que cela semble attenter aux pouvoirs régaliens qui se donnent une apparence républicaine.
Ne dites pas que je ne peux pas comprendre la charge de douleur du mot Nègre, car j’ai connu la dictature, celle de Papa Doc, puis celle de Baby Doc, j’ai plus tard connu l’exil, j’ai connu aussi l’usine, ainsi que le racisme de la vie ordinaire des ouvriers illégaux, j’ai même connu un tremblement de terre, et tout ça dans une seule vie. Je crois qu’avant de demander la disparition de l’espace public du mot Nègre il faut connaître son histoire. Si ce mot n’est qu’une insulte dans la bouche du raciste, il a déclenché dans l’imaginaire des humains un séisme. Avec sa douleur lancinante et son fleuve de sang, il a ouvert la route au jazz, au chant tragique de Billie Holiday, à la nostalgie poignante de Bessie Smith. Il a fait bouger l’Afrique, ce continent immuable et sa civilisation millénaire, en exportant une partie de sa population vers un nouveau monde de terreur. Ce mot est à l’origine d’un art particulier que le poète Senghor et quelques intellectuels occidentaux ont appelé faussement l’art nègre. Ce serait mieux de dire l’art des nègres. Ou encore l’art tout court. Tout qualificatif affaiblit ce qu’il tente de définir. Mais passons, car ce domaine est si riche. S’agissant de la littérature, on n’a aucune idée du nombre de fois qu’il a été employé. Si quelqu’un veut faire une recherche sur les traces et les significations différentes du mot dans sa bibliothèque personnelle, il sera impressionné par le nombre de sens que ce mot a pris dans l’histoire de la littérature. Et il comprendra l’énorme trou que sa disparition engendrera dans la littérature.
Dany Laferrière de l’Académie française
Il est tellement plus facile de sanctionner la non-maitrise de l'orthographe pour rappeler à beaucoup leur nihilité.
Voici les derniers titres de la rubrique "emplois fautifs" sur le site de l'Académie française :
- 35 000 forces de l’ordre
- Autrement plus, autrement moins
- « Fusse-t-il » pour « Fussent-ils »
- « Je ne sais pas lequel est-ce » pour « Je ne sais pas lequel c’est »
- « En même temps » au sens de « Cela étant »
- « Aussi » pour « Non plus »
- « Le handicap » ou « L’handicap »
- « L’hernie » ou « La hernie » ?
- Je vous demande, tel que la loi vous y oblige …
- « Une aparté » pour « Un aparté »
- Sourcer
- Malaisant
- « S’empiffrer » ou « S’empiffer, piffer ou piffrer » ?
- Détoxer
- Les conditions sont glissantes
- Omission de l’article : exemples de « garder contact » et « sur base de »
- On s’est eu au téléphone
- « Nous soussignés » ou « Nous soussigné »
- Elle s’est forgé un corps d’athlète
- « Ils le harcèlent » ou « Ils l’harcèlent »
On retrouve l'usage de la cacographie et de la mise en évidence d'une "faute" afin de justifier la leçon, la démonstration. Le problème est que la tournure fautive, que n'aurions souvent pas imaginée, nous imprègne et instille un doute parfois permanent. L'avantage est que cela met en évidence des évolutions de la langue française et les entérine.
Voilà, je retourne à mes observations et collectes pour le mégadictionnaire de la langue française, anachronique car gratuit et téléchargeable.
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