A quand la fin d’une représentation malsaine de la beauté ?
Il y a quelques années, certains géants du luxe avaient annoncé une illusoire et révélatrice règle pour limiter la maigreur de leurs mannequins. Comme on pouvait s’y attendre avec une règle aussi insuffisante, pour rester poli, nos marques continuent de promouvoir un modèle de beauté profondément malsain, comme les récentes campagnes de Louis Vuitton, Hermès, Saint Laurent ou Lacoste le montrent.
Comment mettre les femmes mal dans leur peau
Bien sûr, les marques dont je parle sont un symbole de la France, elles emploient beaucoup de personnes dans notre pays, étant même des pourvoyeurs importants de création d’emplois, dans tous les domaines, devant le succès colossal qu’elles ont dans le monde. Ce succès est probablement une des raisons qui les poussent à ne pas vouloir changer leur communication, ou le profil anatomique de leurs mannequins. Ne pas réparer ce qui n’est pas cassé ? Mais si le modèle d’affaire de ces marques n’est clairement pas cassé, en revanche, ces belles marques devraient aussi reconnaître que l’estime des jeunes femmes est en partie cassée, comme le montrent de nombreuses études sur le sujet. Et comment ne pas penser que ces marques font partie du problème tant elles véhiculent une représentation de la beauté extravagante et totalement coupée de la réalité du physique des femmes, de tout temps.
Bien sûr, certains objecteront que cela ferait rêver. Voir. Aucune étude sérieuse ne semble avoir montré qu’un mannequin taille 32 ou 34 vendait plus qu’un mannequin taille 38 ou 40. Mais à qui donc cela peut-il plaire que de mettre en avant des mannequins aussi maigres ? D’ailleurs, les années 1990 ont été des années où les mannequins étaient moins maigres qu’aujourd’hui. Ces grandes marques de luxe ont une responsabilité devant la société du modèle de beauté qu’elles véhiculent et les conséquences que cela a. Comment ne pas penser qu’elles ont une large part de responsabilité dans le désamour qu’ont tant de femmes à l’égard de leur corps, si éloigné des canons de beauté qu’elles semblent promouvoir. Combien de femmes déprimées, dépressives, ou pire, du fait de l’image déformée que cela induit de leur corps, qui sera toujours trop gros quand il est comparé aux sauterelles des podiums et des publicités ?
Depuis quelques mois, on ne compte pas les campagnes qui véhiculent une représentation profondément malsaine de la beauté. Liste non exhaustive : Hermès, qui vend son nouveau sac avec des mannequins dont les poignets sont si fins qu’ils semblent fragiles, sans parler du ventre famélique de celle qui l’arbore ; Saint Laurent dont les jambes et le ventre de la mannequin font forcément penser aux privations extrêmes de nourriture auxquelles elle se soumet probablement pour rentrer dans la représentation de nos industriels bien peu humains. Lacoste suit la même logique avec certains de ses mannequins hommes, qui semblent bien affamés eux-aussi. Et quand Louis Vuitton tient à utiliser l’image d’une actrice célèbre, c’est la sorcière informatique qui œuvre pour lui sculpter des jambes plus proches des mannequins affamées, sans même avoir la décence d’indiquer que l’image a été (largement) retouchée.
Et encore, je n’ai pas fait une étude exhaustive de ces communications, qui révélerait probablement d’autres visuels au moins aussi choquants. L’auto-régulation ne marchera jamais. Quand Kering et LVMH se sont mis des limites, c’est pour arrêter d’utiliser des mannequins à la taille 32 ! Oui, vous avez bien lu, taille 32, une taille qui n’existe pas dans les boutiques ! En outre, une taille 34 pour une mannequin d’un mètre 80 est sans doute le plus souvent une taille indicatrice de désordres alimentaires et de mauvaise santé. Ici, il revient à l’Etat de remettre de l’ordre dans la représentation extraordinairement malsaine et révoltante des géants du luxe. L’auto-régulation est un virage : c’est une contrainte forte qui doit être établie, avec des contrôles stricts, et des sanctions suffisamment dures pour les faire changer.
Le plus effarant est que dans une période si susceptible à l’égard du moindre dérapage, réel ou imaginé, d’une communication, ces abus des géants du luxe continuent à passer crème. Faudrait-il y voir une tolérance des acheteurs de ces marques à la violence de cette représentaiton de la beauté pour les femmes ? Bien sûr, cela est sans doute inconscient, mais poser la question revient sans doute à y répondre…
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