Barnier à Matignon : impasse logique et conformiste
Il aura fallu près de deux mois à Emmanuel Macron pour nommer Michel Barnier à Matignon. Un choix finalement assez logique, dans la configuration actuelle de l’Assemblée Nationale, malgré les rodomontades du NFP. Mais si le nouveau Premier ministre est bien moins arrogant sur la forme, sur le fond, derrière un discours prétendument ouvert, c’est la même impasse qu’il va poursuivre…
Une issue parfaitement prévisible
Finalement, dès l’après second tour des élections législatives, cette conclusion apparaissait comme la plus probable, comme je l’avais écrit les 9 et 14 juillet. Avec 190 députés pour le bloc de gauche, 160 pour le bloc central et 140 pour le RN et ses alliés, tout n’était pas acquis au NFP. L’échec de la gauche pour l’élection de la présidente de l’Assemblée Nationale montrait bien qu’entre laisser la gauche gagner et sauver le bloc macroniste, LR avait une claire préférence, logique tant le macronisme, qui comporte beaucoup de transfuges de droite, est proche. Les militants et les électeurs de LR ne comprendraient probablement pas que leur parti abandonne le pouvoir au NFP alors qu’en s’associant à Macron, ils bloquent l’arrivée au pouvoir de Lucie Castets, et indirectement, de LFI, et pourront pousser l’exécutif plus à droite encore. Un autre choix était-il seulement possible pour le parti de Laurent Wauquiez ?
Bien sûr, le NFP crie, bien iréalistement, au « coup de force ». Quand on a à peine plus de 30% des sièges (et encore moins des voix), on ne peut pas considérer que les Français vous ont donné un mandat pour diriger le pays, même si on est le premier bloc officiel de l’Assemblée. En outre, très tôt, un bloc plus important s’est manifesté, l’alliance des macronistes avec LR. Le NFP aurait dû négocier des contre-parties aux accords de désistement d’entre deux tours avec la macronie. Mais rien n’a été demandé avant le second tour, et rien n’a été fait après. Lucie Castets aurait pu négocier (ou demander à, a minima) avec le bloc présidentiel pour former une alliance stable et solide en faisant des compromis représentant les poids respectifs des deux blocs. Bien sûr, une partie non négligeable du programme aurait été renégocié, mais quand on est à 100 députés de la majorité absolue, on n’est pas dans la position d’imposer ses choix.
Bien sûr, les chances de faire aboutir, ou même de démarrer, ces négociations, étaient faibles, mais ainsi, le NFP aurait pu rejeter la faute sur le camp présidentiel. En exigeant le pouvoir, sans faire la moindre alliance, sans compromis, et en comptant sur une non censure du bloc central, c’était la position du NFP qui était proche du coup de force… En outre, il n’y avait pas grand-chose à perdre. Les macronistes auraient-ils seulement accepter de discuter ? Un compromis aurait été difficile à construire, tant le NFP veut déconstruire ce que Macron a fait. L’opposition à Bernard Cazeneuve était également discutable, car l’opposition de la droite imposait au bloc central un pas vers la gauche pour éviter la censure, ce qui lui donnait les moyens d’une légère réorientation à gauche de la politique suivie aujourd’hui. L’absolutisme peu démocratique du NFP a une grande part de responsabilité dans le choix de Michel Barnier.
Pour couronner le tout, Marine Le Pen s’est payé le luxe d’influer sur le choix du locataire de Matignon en opposant son veto à Xavier Bertrand, signe que le RN n’a pas perdu les législatives, à défaut de les avoir gagnées. Son influence est plus grande, comme son contingent de députés. Il faut noter que c’est l’intransigeance du NFP qui lui a permis d’influer sur le choix de Michel Barnier, et pourrait lui donner une influence sur les politiques à venir. Mais malgré tout, il ne faut pas croire à un grand chambardement politique. Au mieux, il y aura quelques inflexions à droite, sur l’insécurité et l’immigration sans doute. Sur l’économie, le cadre actuel, choisi, validé et défendu par Macron, LR, et le PS, est bien trop contraignant pour permettre un véritable changement de direction. En cela, le ton très ouvert du nouveau Premier ministre avait tout du rideau de fumée sachant son appétence pour l’agenda austéritaire de l’UE…
En somme, si le choix d’un Premier ministre LR était l’issue la plus probable des élections législatives, il n’y en aura pas grand-chose à attendre. Sur l’économie et l’UE, Michel Barnier va prolonger, et peut-être empirer l’impasse actuelle. Toute la question qui se pose aujourd’hui, c’est combien de temps il pourra tenir, sachant que le RN ne pourra pas rester longtemps dans une posture conciliante.
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