Traitement de la cyberdépendance dans un camp militaire chinois
Au 20h de TF1 hier soir, un reportage en Chine sur un centre militaire de désintoxication, traitant des victimes atteintes d’un « nouveau mal » : la cyberdépendance.
Ils seraient plus de 2 millions de jeunes "cyberdrogués" en Chine, et le gouvernement a décidé il y a quelques années déjà de remédier à ce problème d’ordre sanitaire. En effet, de plus en plus de jeunes, d’un milieu social aisé toutefois, et ceci, malgré les problèmes de censure apparemment, ne peuvent plus se passer de leur cybernavigation quotidienne, ou de leurs jeux vidéo massivement multijoueurs en ligne.
C’est ainsi que l’on a pu découvrir hier soir, au JT de TF1, que l’armée accueille depuis peu des groupes de jeunes accrocs, en vue de leur réinculquer certaines valeurs fondamentales, et de les aider à renouer avec la nature et les relations sociales.
L’initiative est belle, et les jeunes ont l’air de s’amuser, tandis qu’ils pratiquent une sorte de partie paint-ball opposant deux équipes d’apprentis soldats habillés en uniformes kakis. Ils sont contents de faire du sport, et de découvrir un nouveau loisir, selon leurs propres dires.
Un des militaires encadrant ce groupe nous apprend que ces jeunes ont enfin la chance de découvrir "l’énergie, la stratégie et la coordination [qui] n’existent pas sur Internet". De manière prévisible, l’accent est mis sur le fait que ces jeunes étaient complètement déconnectés de la réalité à cause des jeux. Il est donc sous-entendu qu’un des objectifs de ce "séminaire" est de réparer le cordon ombilical les reliant à la vraie vie.
Il est à noter que le reportage de TF1 est tout à fait consensuel à ce sujet, mais on ne peut ni s’en étonner, ni leur en vouloir. En effet, ces jeunes déviants, qui passent des heures, voire des journées, devant leurs ordinateurs, à jouer - donc, à ne rien faire pour la société - posent problème. Surtout lorsqu’ils évoluent dans une société exerçant de fortes pressions conformistes, et que le système qui permet leur survie dans la communauté veut leur imposer une certaine valeur, voire une morale, du travail. On comprend donc le caractère national et "sanitaire" de ce problème croissant en Chine, et dans les autres pays industrialisés. Cependant, ce phénomène peut se rapprocher de ces jeunes qui s’abrutissent en fumant du cannabis. Faut-il rejeter la faute sur les drogues, ou sur les causes du malaise chez ces jeunes ? (En simplifiant un peu...)
Un deuxième élément du reportage est qu’il semble tout à fait anodin de remédier à ces problèmes par une formation militaire. Ayant évolué dans une école d’ingénieurs pendant quatre ans, je peux certifier que la quasi-totalité des "geeks" que je connais seraient incapables de faire du mal à une mouche, et n’en auraient pas la moindre envie. Le sentiment patriotique est aussi plutôt faible semble-t-il, peut-être grâce à la communauté Internet, et leur fameuse déconnexion de la réalité. Or, le tour de force semble réussi, car les jeunes Chinois du reportage prennent un certain plaisir à se tirer dessus, avec des fusils de paint ball, habillés en uniforme militaire, après avoir suivi un cours sur la stratégie d’une bataille. Pourquoi donc en Finlande, les jeunes informaticiens éprouvent-ils des difficultés lors du service militaire ?
Personnellement, je m’oppose à la solution militaire, car je suis pacifiste, et n’ai pas honte de le dire, en ces temps de fuite en avant vers l’armement et la guerre préventive. Après tout, cela n’est qu’une conviction d’ordre personnel, mais il n’empêche que la formation militaire est totalement injustifiée ici. N’importe quel sport pourrait incarner les valeurs prônées dans le reportage, notamment "l’énergie, la stratégie et la coordination". Les relation sociales peuvent être nouées autrement aussi. Pourquoi la solution militaire ? Malheureusement, cela n’est pas indiqué explicitement.
Enfin, les jeunes sont, selon le journaliste, et les militaires chinois, déconnectés de la réalité avant leur arrivée. Pour les aider, quoi de mieux que de leur mettre entre les mains des vrais-faux fusils, en leur apprenant à se tirer dessus, sans discuter de la finalité de ce geste : le meurtre ? Comment pourrait-on déconnecter de manière plus extrême ces jeunes paumés de la vraie vie et de la vraie mort ?
Tout cela pour dire un grand merci à TF1, pour ce magnifique publi-reportage sur un centre de soins tout à fait dans l’air du temps, et destiné à sauver la jeunesse chinoise. A quand un tel système en France ? Et surtout, à quand la prise au sérieux de ce problème, en le traitant de manière positive et intelligente ?
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