Shimon Peres et l’aspiration au rêve de paix
« Dès ma plus tendre enfance, j'ai su que si l'on est obligé de planifier avec soin les étapes de son voyage, on est en droit de rêver, et de continuer à rêver, de sa destination. Un homme peut se sentir aussi vieux que son âge, mais aussi jeune que ses rêves. Les lois de la biologie ne s'appliquent pas à l'aspiration sanguine. » (Shimon Peres, décembre 1994 à Oslo).
L'homme d'État israélien Shimon Peres est né il y a 100 ans, le 2 août 1923. Du moins, c'est ce que racontent certaines biographies, mais la date exacte serait plutôt le 16 août 1923 : en effet, il est né à Vichnieva, à l'époque en Pologne et maintenant en Biélorussie, à 50 kilomètres de Minsk et 50 kilomètres de Vilnius, et à l'époque, le calendrier julien était encore en cours. C'est l'occasion de rendre hommage à nouveau à ce géant non pas de la politique israélienne (au contraire), mais, en quelque sorte, de l'âme d'Israël : « Je suis né dans une petite ville juive de la Russie blanche. Il n'en reste plus rien de juif. Dès ma plus jeune enfance, j'ai considéré mon lieu de naissance comme une simple étape. Le rêve de ma famille, et le mien, était de vivre en Israël, et notre éventuel voyage vers le port de Jaffa était comme réaliser un rêve. N'eût été de ce rêve et de ce voyage, j'aurais probablement péri dans les flammes, comme tant d'autres des miens, dont la plupart des membres de ma propre famille. » (décembre 1994).
À partir de 2014, il était le dernier survivant des pères fondateurs de l'État d'Israël. Le jeune homme de 25 ans s'est engagé dès le début de l'aventure (la création de l'État d'Israël) aux côtés de Ben Gourion qui lui a confié de nombreuses missions souvent secrètes et diplomatiques : « David Ben Gourion est décédé, mais sa vision continue de s'épanouir : être un peuple singulier, vivre en paix avec nos voisins. Les guerres que nous avons menées nous ont été imposées. » (1994). Quand on demandait à David Ben Gourion (Premier Ministre et fondateur d'Israël) pourquoi il faisait confiance à un garçon aussi jeune que Shimon Peres, il répondait inlassablement : « Pour trois raisons : il ne ment jamais, il ne dit du mal de personne et quand il frappe à ma porte, c'est que d'habitude une nouvelle idée lui est venue. ».
L'idée était de convaincre les nombreux États du monde de l'importance de laisser à Israël une terre de rapatriement après les horreurs des camps d'extermination. À ce titre, il a connu très vite la France et l'a aimée. Il était en relation directe avec le gouvernement de Pierre Mendès France.
Et ce qui frappe encore aujourd'hui, c'est que s'il fallait trouver, dans l'histoire contemporaine de la France, un responsable politique qui s'approcherait de ce qu'a été Shimon Peres en Israël, on citerait sans aucun doute Pierre Mendès France. Car les deux personnalités, qui ont marqué la vie politique de leur pays, sont restés des nains politiques, certes, mais ont d'abord été des consciences nationales. En quelque sorte, des Sages.
Shimon Peres a eu une carrière politique d'une interminable longévité, il a fait partie des gouvernements d'Israël de 1959 à 2014, ministre, chef du gouvernement et Président de l'État, quelques années quand même exclu du pouvoir car dans l'opposition. Il a été principalement Ministre des Affaires étrangères et Ministre de la Défense, les deux postes essentiels en Israël puisque l'existence même d'Israël reste toujours en question tant à l'intérieur (face à ses voisins arabes) qu'à l'extérieur de ses frontières, dans le monde entier.
Il a été trois fois Premier Ministre d'Israël, mais jamais par une élection sur son nom. Il portait même la poisse à son parti, le parti travailliste qui n'a jamais gagné lorsqu'il le menait à la bataille électorale. À deux reprises, il a juste assuré l'intérim après la démission ou l'assassinat de Yitzhak Rabin, et une autre fois, il a assuré la fonction en alternance avec Yitzhak Shamir dans une drôle de cohabitation où le Likoud et le parti travailliste faisaient jeu égal dans une Knesset toujours éclatée.
À la fin de sa carrière politique, il a même quitté le parti travailliste après son échec à revenir à sa tête (alors âgé de plus de 80 ans !) et a rejoint le parti que le Premier Ministre Ariel Sharon avait créé au centre, Kadima, lui, venant du Likoud. C'est aussi cette position centrale qui lui assura, après une première tentative sans succès, d'être élu Président de l'État d'Israël (chef de l'État, poste surtout moral et honorifique) de 2007 à 2014, par les députés de la Knesset. À ce jour, de toute l'histoire d'Israël, il a été le seul ancien Premier Ministre à avoir été élu Président ou, en inversant, le seul Président de l'État à avoir dirigé auparavant un gouvernement.
Cette volonté d'occuper des postes pourrait lui être reproché, comme une incapacité à prendre du champ, à prendre du recul, à quitter les avantages des fonctions protocolaires. Mais il a nourri ces fonctions-là d'un permanente volonté au service de la paix qui a abouti aux Accords d'Oslo. Le 14 octobre 1994, le Prix Nobel de la Paix a été décerné aux trois acteurs historique des Accords d'Oslo, Yitzhak Rabin, Yasser Arafat et Shimon Peres, ce dernier en tant que Ministre israélien des Affaires étrangères : « Nous quittons l'ère de la belligérance et marchons ensemble vers la paix. Tout a commencé ici à Oslo sous les sages auspices et la bonne volonté du peuple norvégien. » a-t-il déclaré lors de son discours de réception du Prix Nobel de la Paix le 10 décembre 1994. Et de conclure : « Nous avons atteint l'âge où le dialogue est la seule option pour notre monde. ».
À sa mort à 93 ans, de nombreux chefs d'État et de gouvernement sont allés se recueillir pour lui rendre un dernier hommage en Israël. Plus qu'un politique, Shimon Peres était avant tout la figure d'un intellectuel exigeant qui a su donner une réalité à ses propres rêves. En 2006, il écrivait d'ailleurs : « En discutant, l'homme n'est jamais aussi ouvert que lorsqu'il lit un livre. Quand nous parlons, nous avons certaines réserves. Parler est un dialogue avec autrui, quand lire est un dialogue avec soi-même. ». Il mérite bien que son existence soit un exemple aux jeunes qui s'engagent.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (29 juillet 2023)
http://www.rakotoarison.eu
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