Phnom Penh, Mogadiscio, même combat
On ne prend pas les mêmes, mais on recommence.
C’était en 1975. Et le monde s’en souvient encore, comme si c’était hier. Et c’était hier...
Mais maintenant, il y aura demain. En effet, les événements qui se déroulent en ce moment en Somalie rappellent des heures tragiques qui font encore couler beaucoup de larmes vermeilles chez ceux qui les ont connus. Le parallèle est tentant entre l’épopée sanglante des Khmers rouges et la floraison armée des milices islamiques de Somalie. Tentant, oui, malheureusement. Va t-on revoir un auto-génocide semblable à celui du Cambodge ? Les deux routes se ressemblent et les milices islamiques de 2006 empruntent la même voie que leurs aînés de 1975. Mais ça, les médias n’en parlent qu’entre deux résultats footballistiques. C’est compréhensible puisque cette montée de l’extrémisme en Somalie est révélatrice d’un cuisant échec de l’Occident. Il est donc plus valorisant de mettre en exergue la victoire de la mondialisation à travers la Coupe du monde de football plutôt que de vanter la triste débâcle des pays riches en Somalie, semblable à la douloureuse Guerre du Vietnam.
Toujours est-il que les jours passent, et que les milices violentes, animées par une idéologie non pas politique, comme les Khmers Rouges, mais peut être pire, religieuse, prennent de plus en plus d’importance. Tel un virus qui grossirait au fil de son avancée. En trente ans d’expérience, la violence est restée, mais elle a gagné en plus le fanatisme religieux. Le communisme est un has been, la mode est à l’extrémisme spirituel. Les tribunaux islamiques ont en effet, lundi 5 juin 2006, pris possession, non pas de Phnom Penh comme les Khmers rouges l’ont fait le 17 avril 1975, mais bien de Mogadiscio, ramenant au passage le compteur mortuaire à 347 depuis le début de l’année. Et dès l’entrée dans la capitale somalienne, les islamistes ont pris des première mesures d’autarcie, semblables à celle prises par les Kampuchéens en avril 1975, notamment le refus de toute intervention extérieure, particulièrement celle des Etats-Unis et de l’Ethiopie qui s’apprête à intervenir samedi 18 juin. Mais ce n’est pas tout, ces milices ont aussi interdit expressément à la population de regarder les matchs ou de s’informer du déroulement de la Coupe du monde de football. Peut-être qu’alors, cela va pousser l’Occident à réagir. Ces milices, dont le Pol Pot local est Sheik Shariff Sheikh Ahmed, commencent donc déjà à bâillonner violemment leur population, et le jeune enfant somalien aimerait vivement que les télévisions mondiales diffusent son visage inquiet avant de le montrer gisant parmi un charnier humain.
Un gouvernement officiel dépassé, des Etats Unis qui se lavent les mains, provoquant ainsi une guerre civile qui n’en finit pas depuis 1991, une milice guidée par une idéologie humainement discutable, investissant la capitale de leur Etat déchiré, et nous revoilà revenus en 1975.
Espérons seulement que le monde prenne très vite conscience de la gravité des événements qui ont lieu en ce moment dans la corne africaine, avant de découvrir des millions de morts et des atrocités que personne n’aurait imaginés encore possibles. Car là, le sac de riz pour les petits-enfants somaliens ne servira plus à rien.
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