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Accueil du site > Actualités > International > Après l’Afghanistan, l’Iraq, la Libye, la Syrie, à qui le tour (...)

Après l’Afghanistan, l’Iraq, la Libye, la Syrie, à qui le tour ?

Un président français en manque de reconnaissance, mais avide de faire partie des grands de ce monde, une premier ministre britannique aux abois, poussée dans ses retranchements par une opposition de plus en plus sûre d’elle sont tous les deux disposés à suivre un président américain, acculé lui aussi sur tous les fronts, dans une opération punitive à l’encontre d’un président syrien, certes peu fréquentable, mais politiquement plutôt à l’aise.  

Elle paraissait terrorisée, cette jeune koweïtienne du nom de Nayirah, témoignant devant une commission du congrès américain le 14 octobre 1990.

De retour d’un voyage dans son pays natal, le Koweït, avec sa mère, visitant sa sœur qui venait d’accoucher d’un bébé prématuré dans un hôpital de Kuwait City, en larmes, Nayirah raconte. Elle aurait vu, de ces propres yeux, lors d’une de ses visites chez sa sœur, des soldats irakiens « entrer dans l’hôpital avec leurs armes et tirer les nouveau-nés de leurs couveuses pour les laisser mourir sur le sol froid. » Ils auraient également « vidé les supermarchés de nourriture, les pharmacies de médicaments, les usines de matériel médical. Ils auraient cambriolé les maisons et torturé ses voisins et amis. » Elle continue son récit déchirant sous les yeux ébahis des sénateurs. « J’ai vu un de mes amis après avoir été torturé par les irakiens. Il a 22 ans, mais on aurait dit un vieillard. Les irakiens lui auraient plongé la tête dans un bassin jusqu’à ce qu’il soit presque noyé. » (Le « waterboarding » est une pratique courante de la CIA ndlr) « Ils lui ont arraché les ongles et lui ont fait subir des chocs électriques sur les parties sensibles de son corps. » (également une pratique de l’agence ndlr)

Dans le but de protéger la jeune femme de possibles représailles, les autorités américaines avaient préféré ne pas divulguer son identité.

Avant cette intervention citoyenne, l’opinion publique américaine en faveur d’une invasion du Koweït était d’environ 50%. Pas assez. Dire que ce témoignage ait fait pencher la balance en faveur de l’opération « Desert Storm », est un euphémisme.

Seulement, deux ans plus tard, en 1992, le film documentaire « To sell a war », mis en scène par Martin Gregory et diffusé par la chaîne de télévision canadienne CBC, jette une autre lumière sur ce témoignage bouleversant. Le documentaire décrit les efforts, entrepris par l’association « Citizens for a free Kuwait », financée par le gouvernement koweitien et soutenu par le gouvernement américain dans le but de gagner l’opinion publique américaine en faveur d’une intervention militaire.

L’organisation s’était offert les services de la prestigieuse agence de communication newyorkaise « Hill & Knowlton Strategies » qui, entre autre, avait « coaché » la jeune Nayirah pour son intervention devant le congrès américain. Il s’était avéré par la suite qu’elle n’était pas une simple citoyenne koweïtienne, mais la fille de l’ambassadeur koweïtien à Washington, Saud Nair Al Sabah. Et son histoire des couveuses ? De la pure fiction ! Lee Strasberg n’aurait pas fait mieux.

La raison qui avait poussé Saddam Hussein, à occuper le territoire de son voisin, fut la même qui est à l’origine de toutes les guerres, sans exception, l’argent et le pouvoir qui va avec. En effet, presque 20 ans de guerre avec son ennemi juré, l’Iran, avaient laissé les finances iraquiennes à sec, malgré de confortables réserves de pétrole. Fidèle à la pensée de l’actuel président américain qui disait à propos de l’Iraq, avant son accession au pouvoir, devant un parterre de membres de la CIA : « Nous avions tort de quitter l’Iraq sans nous avoir servir du pactole (les réserves pétrolières) au préalable. », Saddam Hussein s’était servi, à sa manière. 

L’opération « Desert Storm » avait coûté la vie à 135'000 civils irakiens. Les 13 ans de sanctions économiques, imposées par les Nations Unies, entre août 1990 et mai 2003, avaient causé un autre million de morts, imputable au manque d’approvisionnent médical et alimentaire.

Au mois de janvier 2003, un sondage CBS révélait que 63% des américains préféraient une solution diplomatique au nouveau conflit iraquien plutôt qu’une intervention militaire et 62% des interrogés craignaient une augmentation des actes terroristes à l’égard de cibles américaines en cas de représailles militaires.

Grâce à l’inestimable collaboration de la presse américaine toutefois, notamment du prestigieux « New York Times » et les chaînes de télévision privées qui avaient fait de la deuxième guerre du Golfe un spectacle télévisé, ainsi que l’intervention inoubliable du secrétaire d’Etat Colin Powell devant l’assemblée générale de l’ONU, agitant sa fameuse éprouvette, rien ne s’opposait plus à la mise en œuvre de l’opération « Liberté iraquienne », emprunté du vocabulaire orwellien du « newspeak », la guerre c’est la paix..  

Entre temps il y eu la Libye, bien sûr, et son dictateur aussi peu fréquentable que son pendant iraquien, et dont la manière peu orthodoxe de traiter son peuple fut davantage connu du grand public depuis que la volonté de le déloger se manifesta dans les chancelleries des grandes puissances. L’opinion publique, préparée par la diffusion des atrocités usuelles, se rangea rapidement derrière la pensée unique.

On pourrait mentionner le dictateur égyptien Hosni Mubarak, remplacé, après un intermezzo islamiste, par un autre dictateur, Fatah al-Sissi, non moins sanguinaire, mais apprécié par les chancelleries des puissances qui comptent, ou croient compter, comme la France, et salué comme facteur de stabilité dans une région instable. Pour l’instant du moins.

On pourrait mentionner les conflits de l’ex « République Fédérative Socialiste de Yougoslavie » entre 1991 et 2001 et la fine connaissance de l’OTAN des enjeux, ethniques, religieux et politiques de l’ancienne dictature communiste. Mais cela mènerait trop loin.

Pour revenir en Syrie et les attaques présumées à l’arme chimique par le dictateur Bachar el-Assad contre la population civile, elle sont devenus un argument de choc que le pentagone sort de temps à autre de son placard si cela lui sert, comme actuellement alors que les Etats-Unis perdent gentiment la main dans la région en faveur de la Russie.

Le 21 août 2013 plusieurs roquettes, chargées de gaz sarin, un gaz neurotoxique incolore, inodore et volatil, s’abattent sur la Ghoutta, un quartier de Damas, contrôlé par le Front al Nosra, une ancienne branche du groupe terroriste Al Quaeda, opposé au régime syrien, tuant un millier de civils.

Dans un rapport, publié par le MIT « Massachusetts Institute of Technology », celui-ci conclut qu’« il est peu probable que ces roquettes, contenant du gaz sarin, aient été tirées depuis les positions de l’armée syrienne », contredisant ainsi la version officielle du gouvernement américain et son Secrétaire d’Etat de l’époque, John Kerry.

Le 4 avril 2017 rebelote. Une nouvelle attaque au gaz sarin par des avions de chasse du régime syrien aurait eu lieu dans une zone, contrôlée par les rebelles du « Front al-Nosra » dans la ville de Khan Shaykhun. A peine 24 heures après l’attaque, Federica Mogherini, cheffe de la diplomatie européenne condamne « un acte hideux dont le régime de Bachar el-Assad porte l’entière responsabilité » et l’armée américaine tire 59 missiles contre une base militaire syrienne en guise de représailles, intervention que les médias américains « in corpore » saluent chaudement. Ainsi, pour l’occasion, le commentateur vedette Brian Williams ose travestir les paroles d’une chanson de Leonard Cohen sur MSNBC « I’m guided by the beauty of our weapons ».

Il se trouve que le président Trump, selon les dires de son propre entourage, avait pris le soin d’avertir le gouvernement russe au préalable, ce qui aurait permis au régime syrien de retirer à temps son personnel de la base militaire attaquée (ABC News / Keith Olberman) et, pour ajouter à la confusion, l’armée américaine lâchait, simultanément, « la mère des bombes » sur le quartier général d’Al Quaeda en Afghanistan, l’ancienne direction du « Front al-Nosra ».

A nouveau, comme en 2013, le « Massachusetts Institute of Technology » arrive à ses propres conclusions qui ne diffèrent guère de celles de la première attaque sur Damas. En effet, Theodore Postol, professeur en science, technologie et sécurité internationale à l’institut critique sévèrement le rapport des services de renseignements américains, le taxant de fallacieux et mensonger. Il réfute catégoriquement la thèse d’une attaque aérienne.

En outre, sur des vidéos amateurs, utilisés comme matériel de preuve par le Pentagone, du personnel médical manipule des corps sans aucune protection, or le gaz sarin est hautement toxique. (Jimme Dore)

Quoi qu'il en soit, le général James Mattis, secrétaire à la défense américaine déclare au magazine « Newsweek » le 8 février 2018 : « Il n’y a aucune preuve que le régime de Bachar el-Assad ait perpétré des attaques à l’arme chimique contre sa population, ni en 2013, ni en 2017. » S’il y a quelqu’un qui devrait le savoir, c’est bien lui.

Mais l’attaque chimique du 6 avril 2018 dans la ville de Douma est l’œuvre du régime de Bachar el-Assad, promis juré. En tout cas les médias continuent à croire aux bombardements humanitaires. Seulement dans ces cas précis, ce sont plutôt des considérations géopolitiques et financières qui sont en jeu, une fois de plus.

Il se trouve que la Syrie occupe une place stratégique pour l’export de gaz et de pétrole en provenance du Moyen Orient vers l’Europe. En 2009, le président Bachar el-Assad dévoile sa « stratégie des quatre mers » (Mer Noire, Mer Caspienne, Golfe Persique et la Méditerranée) lors d’un forum en Turquie, faisant de la Syrie un centre de transit du pétrole et du gaz en provenance du Moyen Orient. Il vend sa trouvaille à tous les pays qui pourraient être intéressées, l’Arabie Saoudite, la Turquie, l’Iran, l’Iraq et le Qatar (reportage A2 du 18.02.2016)

La même année, le Qatar propose un gazoduc, traversant l’Arabie Saoudite, la Jordanie, en passant par la Turquie, aboutissant en Syrie, pour alimenter les 500 mio de consommateurs de l’Union Européenne. En même temps surgit un autre projet, la « Iran Islamic Gaz Pipeline » partant de l’Iran, traversant l’Iraq, mais contournant la Turquie, et aboutissant tout droit dans le port syrien de Latakia.

En juillet 2011, la Syrie choisit ce dernier projet avec l’Iran, ce qui pour la Turquie voisine et le régime de Recep Tayyip Erdogan représente un immense manque à gagner. L’Arabie Saoudite et le Qatar n’apprécient pas non plus cette option, car le nouveau gazoduc concurrencerait leurs propres ressources en faveur de celle de l’Iran. 

Egalement en 2011 débute en Syrie ce qu’on appelle communément le « Printemps Arabe », des manifestations pacifiques contre les régimes autoritaires, dans ce cas celui de Bachar el-Assad, manifestations qui dégénèrent rapidement en guerre civile. Une opposition armées se forme contre le régime, opposition qui au cours de la même année 2011 voit son soutient financier et militaire, notamment de la part du Qatar et l’Arabie Saoudite, augmenter de façon significative.

Simultanément, en guise de compensation pour la concurrence de « la version islamique » un contrat gazier est également signé entre la Syrie et la Russie. Une compagnie pétrolière russe obtient le droit d’explorer les fonds marin au large de la côte syrienne où d’immenses réserves de gaz naturel sont soupçonnées, en Méditerrannée orientale, entre la Chypre, l’Egypte, Israël et le Liban. Compensation pour la concurrence, parce que la Russie vend 70% de sa production gazière à l’Union Européenne.

En 2015 on découvre également du pétrole sur le plateau du Golan, zone occupée par l’état hébreu depuis 1967. S’il s’avère qu’li y a du pétrole, la situation risque de devenir encore plus explosive qu’elle ne l’est déjà, car les frontières d’Israël dans cette région sont vigoureusement contestés de tous parts.

Etant donné que le capitalisme version néolibérale n’a pas jugé utile, en quarante ans de « carte blanche », d’investir dans les ressources énergétiques renouvelables, les champs pétrolifères continueront à servir de champs de bataille des conflits futurs. 


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14 réactions à cet article    


  • Jean 16 avril 2018 10:13

    La Corée du nord ? Le Soudan ? Le Yemen ? Le Liban ? j’hésite.


    • V_Parlier V_Parlier 16 avril 2018 13:22

      @Jean
      Le Yemen c’est du passé. Le Liban ? Peut-être pas le moment. Le Soudan, bof, c’est déjà tout instable. La Corée du Nord c’est trop risqué. En revanche, si l’Iran n’a pas encore l’arme atomique il est sûr qu’il est le prochain sur le liste. (D’ailleurs tout est fait pour qu’il se presse de l’acquérir).


    • Dom66 Dom66 16 avril 2018 17:30

      @V_Parlier

      J’aurais répondu la même chose smiley


    • Clocel Clocel 16 avril 2018 10:16

      L’intelligence des USA est dans ses missiles, que voulez-vous...

      Des cancres cupides et des larbins serviles, allez discuter avec ça...

      Pauvres de nous...


      • V_Parlier V_Parlier 16 avril 2018 13:23

        @Clocel
        Maintenant qu’ils les ont envoyés ailleurs, il ne pourront plus récupérer leur intelligence...


      • Mylène 16 avril 2018 11:08

        @ billet.clair, limpide, la conclusion laisse pantois....
        au moment de la première guerre du golf, j’avais lu un article mais j’ai un peu de mal à me rappeler qui l’a publié, presse papier évidemment.
        il décrivait le contingent militaire des pays du MO, Perse, Maghreb et l’intention des usa de les mettre en vrac...


        • zygzornifle zygzornifle 16 avril 2018 14:31

          La corse puis la Catalogne ....


          • Dom66 Dom66 16 avril 2018 17:41

            @zygzornifle

            Arrête « zygzornifle », déconne pas, je suis Corse et je vie en Catalogne  smiley smiley

            Amic ‘


          • SamAgora95 SamAgora95 16 avril 2018 14:32

            Macron, Trump etc... ne sont que des pantins mis en place pour exécuter un agenda sioniste planifié de longue date.

            Il n’ont absolument aucun pouvoir de décision ! 

            Ce n’est certainement pas un stagiaire de banque d’affaire et un promoteur immobilier qui prendrons l’initiative d’initier une guerre mondiale.

            Si certains pouvaient encore en douter il y a quelques années, maintenant ils s’agissent à visage découvert.... 

            personne ne pourra dire qu’il ne savait pas...que des fous aux pouvoir en Israël sèment le chaos et la destruction au nom d’un fanatisme religieux.

             

            • gueule de bois 16 avril 2018 20:12

              à l’encontre d’un président syrien, certes peu fréquentable
              Vous le connaissez ?


              • gueule de bois 16 avril 2018 21:22

                La dernière de Micron :
                Engager une procédure de retrait de la Légion d’Honneur à Bachar El Assad, mais la laisser au prince héritier saoudien coupeur de tête Mohamed Ben Nayef.
                De mieux en mieux !
                Vraiment Hollande-Macron, pas un pour racheter l’autre, la même engeance !


              • egos 16 avril 2018 21:24

                La Suisse probablement,

                l’un des ses 26 cantons, mais lequel ?
                Le pays est divisé en autant en particularismes ethniques, 3 zones linguistiques plus les dialectes ancestraux, 
                des industries AA et Pharmaceutiques potentiellement létales à grande échelle, 
                un centre de recherche à la pointe de la physique dissimulé dans son sous-sol,
                des groupes extrémistes infiltrés (les Gardes Suisses du Vatican, des réseaux de banquiers) et un Président dont personne ne connait le nom.
                Pour moins que ça d’autres ont eu droit à leur feu d’artifice livré à domicile.

                • zygzornifle zygzornifle 17 avril 2018 08:53

                  Les retraités bien sur , il faut leur envoyer des salves fiscales ...


                  • Mohammed MADJOUR (Dit Arezki MADJOUR) Mohammed MADJOUR 17 avril 2018 17:09

                    Alors, on perd les repères au pays d’Ali Baba ??? Ou bien est-ce que vous voulez dire que vous êtes aussi neutre que le sont les banques suisses ?


                    Il faut commencer par le commencement, mon vieux ! 

                    C’est le terrorisme franco-occidental qui a détruit les pays que vous avez nommés mais vous avez oublié « l’origine » ! Le terrorisme français, historiquement français, fondamentalement français, scientifiquement français avait déjà sévit en Afrique du Nord depuis les années 1950 et a récidivé plus tard...

                    ’’Après l’Afghanistan, l’Iraq, la Libye, la Syrie, à qui le tour ?’’ 

                    Revoyez votre ardoise, mon vieux ! Et les autres pays zzzarrabes ? Et la Yougoslavie du Maréchal Tito qui avait la malchance de compter en son sein quelques musulmans-non-zzzzarabes... ?

                    Eh monsieur Bruno, vous avez une canne à pèche ? Prenez donc mon article dans votre panier et allez passer un moment au bord du Lac lunaire... Vous changerez vos idées !

                     

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