Lettre ouverte à Irène Théry et au magazine « Philosophie »
Irène Théry propose carrément d’en finir avec l’égalité en droit de tous les humains, en accordant un crédit de véracité aux femmes se plaignant d’atteintes sexuelles ou de viols. Elle dissimule du mieux qu’elle peut cette proposition qui est inacceptable. La déconstruire est pourtant assez facile.
Tous les mots sont biaisés. L’article est une tautologie en soi, c’est-à-dire qu’Irène Théry part de ce qu’elle défend pour y arriver, ses prémisses sont sa conclusion ; elle n’a fait qu’une boucle.
J’ai trois choses à dire à Irène Théry : d’abord, ce qu’elle demande est déjà là, bien installé ; ensuite, je lui ai déjà écrit plusieurs fois, sans qu’elle me réponde, pour lui dire que si ce qu’elle disait analysait la société, comme elle prétend le faire, les juges ne m’auraient pas diffamé cent fois pour me rendre coupable de m’occuper de mes enfants, alors que ce n’est pas la rôle des pères, selon eux ; la troisième chose que je veux lui dire, c’est la déconstruction de ce que dit son interview : elle demande la criminalisation des hommes (de la virilité ou de la masculinité, comme vous voudrez) en se cachant derrière son petit doigt comme on dit.
Le chapeau du magazine « Philosophie » : « Comment prouver la culpabilité de quelqu’un en l’absence de témoins ? La question se pose dans les affaires d’agression sexuelle, car elles se déroulent très souvent dans un cadre privé, à l’abri des regards. La sociologue Irène Théry s’insurge contre cette impuissance. »
Il ne s’agit pas là d’une impuissance, mais de l’honneur de la Justice qui délimite le champ de son intervention : les preuves. Sans preuve, la justice doit se déclarer incompétente, et donner un non-lieu. La Justice est idéalement d’une inflexibilité très grande avec cette exigence et ne reconnaît pas, en principe, le « faisceau d’indices ». Elle ne prend pas pour preuve une série d’indices convergents vers la culpabilité d’un justiciable, si aucun de ces indices ne fait preuve. C’est sa grandeur.
Une autre dimension de cet honneur de la Justice est la prescription. Au-delà d’une certaine durée, il n’est plus possible d’espérer trouver des preuves. La Justice est une des rares institutions à établir dans son obligation interne les limites de son champ de compétence. Elle détermine là où elle fonctionne et doit fonctionner, s’interdisant de déborder de ce champ de compétence.
D’entrée de jeu, cette dignité indispensable à l’exercice de la Justice est nommée « impuissance ». Irène Théry ne tient pas un discours philosophique, c’est une militante, elle « s’insurge ». Elle dit ensuite : « Je ne mets aucunement en cause la présomption d’innocence, qui est un acquis immense du droit démocratique. Mais, » Normalement, on connaît ce type de formulation (c’est le mais qui compte !) qui s’appelle un déni de réel : on nie ce qui n’est pas niable. A la suite du « mais », il y a la négation de la présomption d’innocence : « elle est largement utilisée de manière machiste et dévoyée ». Il y en a au moins deux présomptions d’innocence : une pure et une machiste et dévoyée ! Tout n’est que déclaration, affirmation péremptoire. Elle avance encore et renverse le système : la présomption d’innocence serait « comme un soupçon porté a priori sur les plaignants, » La présomption d’innocence du mis en cause serait une présomption de fausseté de la plainte !
Comme elle a proposé cette « présomption de véracité » de la plainte il y a dix ans, elle fait la critique des critiques. Les critiques et leur « vanité » sont donc incluses dans le discours d’Irène Théry, ce qui est la marque des idéologies (des croyances, si vous préférez). Une première série de critiques de cette « présomption de véracité » est, selon Irène Théry, du côté des violeurs. Une autre série de critiques est du côté du droit, comme moi-même dans cet article… (elle verra sûrement le contraire, puisque c’est elle qui dispose des bonnes et des mauvaises critiques, les acceptables et les inacceptables) : le propos d’Irène Théry est assez confus : il semble qu’il s’agisse d’empêcher que le mis en cause innocenté puisse porter une plainte en dénonciation calomnieuse (qu’on puisse lui opposer la « présomption de véracité »). En pratique, c’est déjà le cas, les procureurs n’honorent très peu ces plaintes-là, ces contre-plaintes, pour aider à l’expression de la plainte de premier degré.
Au passage, il y a des hommes qui ne se remettent pas, psychologiquement, qu’on ait pu porter sur la place publique qu’ils étaient susceptibles de commettre une agression sexuelle parce qu’ils en sont incapables et qu’ils aimeraient que la Justice le dise sur la place publique. Mais bon, passons, Mme Théry. Et ce n’est pas demain la veille que le magazine « Philosophie » ira rechercher et interroger ces hommes-là, ça casserait l’idéologie et l’idéologie, justement, ne dit pas ce qui se passe mais choisit dans ce qui se passe ce qui lui convient et rejette ce qui la contrarie (par exemple, la façon de trier dans les critiques).
Plus loin, Irène Théry demande que le faisceau de preuve, lié à la plainte serve de bases à une décision de justice.
C’est le renoncement à l’idée même de justice !
Ce que vous demandez, Madame Théry, est déjà pratiqué. Je le sais parce que j’ai divorcé et que je n’avais aucun droit, que les dires de mon ex-épouse faisaient preuves pour les juges : ils ont menti à mon propos, validant sans l’interroger tout ce que mon ex-épouse disait de moi. Je souhaite vous faire lire, et de faire lire à la rédaction de « Philosophie » les vingt pages de textes écrits par une enquêtrice sociale et qui ne cesse de dire « Mme nous dit que… Mme nous dit que… » vingt pages qui ont fondé la décision que les magistrats ont prise. Un exemple parmi une centaine : « Hypocondriaque, il accumule les troubles psychosomatiques qu'il prend toujours pour des maladies graves, se fait suivre par de nombreux médecins, psychologues et psychiatres et a fait plusieurs années de psychothérapie qui, de l'avis de son épouse, n'ont pas servi à grand-chose. » Ce n’est pas de l’enquête sociale, ce n’est pas de l’enquête, c’est la plainte de mon ex-épouse, formulée comme si l’enquêtrice sociale l’avait constaté et rajoutait à la fin l’avis de mon ex-épouse. Je vis une vie diminuée sous la détermination de cette « présomption de véracité ». Même si c’était dans sa charge et sa capacité judiciaire, telle que validée par les diplômes et demandée par le juge, comment une personne qui est restée 1h et demi chez moi peut-elle savoir quelque chose à ce sujet ?
Je suis citoyen, Mme Théry et la rédaction de « Philosophie », j’ai droit au respect, j’ai droit à l’égalité. Je demande un droit de réponse : le renoncement à l’égalité (donner un droit aux femmes dont seraient exclus les hommes) est philosophiquement inacceptable. Je demande que le magazine Philosophie publie un récit de la violence que me fait et fait à mes enfants cette « présomption de véracité » dont les effets destructeurs sont déjà bien présents et ne nécessitent pas d’être écrit noir sur blanc.
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